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Les sextoys dans la pop culture : la sexualité a-t-elle encore de l’imagination ?

Qu’il s’agisse d’éducation sexuelle, de fanarts ou de parodie, le sexe – et les sextoys occupent une place de choix dans la pop culture.

Le sexe fait vendre, ou à minima parler. Devant la caméra ou dans les rayons des produits dérivés, les sextoys ne font pas exception, et ne se contentent plus de jouer les figurants.

Ressort comique ou politique ?

Dans les films et les séries, les jouets pour adultes sont souvent utilisés comme des ressorts comiques. Vecteurs de situations gênantes ou de ratés sexuels, leur rôle prête le plus souvent à sourire. La scène culte d’American Pie 2 dans laquelle Stifler trouve un dildo ne s’y trompe pas : un gode, c’est drôle autant que c’est embarrassant, surtout si on tombe dessus avec des amis ou — pire — de la famille.

À l’exception des films à portée érotique comme 50 Nuances de Grey ou 365 Dni, leur utilisation est d’ailleurs rarement couronnée de succès : son utilisateur ou utilisatrice termine presque systématiquement par être interrompu, qu’il s’agisse d’une panne technique comme dans Weeds (S01E06) ou de l’intervention inopinée d’un proche indiscret comme dans Fleabag (S01E01).

Pour autant, l’arrivée des sextoys sur petit et grand écrans n’a rien d’anodin. Quand Charlotte découvre les joies du Rabbit dans Sex and the City (S01E09), le ton humoristique de l’épisode est aussi un moyen de démocratiser l’usage des jouets pour adultes. En les intégrant à une production qui s’attèle à raconter le quotidien d’un groupe de femmes américaines moyennes, Darren Star signale avant tout leur usage, et la normalité d’une exploration sexuelle personnelle. Une recette qui fonctionne : après la diffusion de l’épisode en question, le modèle utilisé dans la série voit ses ventes exploser. Un phénomène qui ne doit rien au hasard, puisqu’il sera reproduit quelques années plus tard en 2001 avec le vibromasseur Hitachi Magic Wand (S04E08).

S’ils sont rarement présentés officiellement comme des outils d’émancipation sexuelle, les sextoys dans la pop culture sont toujours politiques. En en démocratisant leur usage et en les incluant dans des scènes parfois anodines, les réalisateurs les rappellent à ce qu’ils sont : des objets de consommation courante, que la moitié des Françaises et des Français ont expérimenté au cours de leur vie (51% en 2020, source étude IFOP pour Passage du Désir).

La pop culture dans les sextoys

Désormais ancrés dans une logique de marché similaire à celle de (presque) n’importe quel objet de consommation courante, les sextoys ne se contentent plus d’apparaître dans les films et séries à succès : ils s’en inspirent. La célèbre Règle 34 ne s’applique pas qu’à la pornographie. Si une chose existe, elle possède sans doute un sextoy à son effigie. Le constat ne s’applique pas qu’à la pop culture, mais force est de constater que cette dernière s’y prête tout particulièrement. Qu’il s’agisse de Pokémon, Doctor Who ou Harry Potter et Star Wars, chaque licence a eu droit à ses objets sexuels, évidemment non officiels.

Il ne faut d’ailleurs pas chercher très loin pour valider cette théorie. À l’occasion du lancement de la très attendue quatrième saison de Stranger Things il y a quelques semaines, la marque Fleshlight a annoncé un masturbateur à l’effigie du terrifiant Demogorgon. Netflix s’est rapidement opposé à cette collaboration bien loin des traditionnels sets LEGO inspirés de l’Upside Down, mais le coup marketing a fait son petit effet : sur Twitter, la publication a été likée plus de 75 000 fois. Aux États-Unis, le fabricant Bad Dragon ne s’encombre pas de licence officielle : si chaque jouet pour adulte partagé sur le site puise directement son inspiration des plus grosses licences à succès, aucune n’est jamais citée.

https://twitter.com/Fleshlight/status/1530312103038537741

La troisième saison de The Boys, qui vient de livrer une conclusion aussi sanglante que déjantée, pousse d’ailleurs encore plus loin le curseur méta. Dans plusieurs épisodes, Eric Kripke fait ainsi apparaître d’énormes dildos à l’effigie des Seven. Homelander, Starlight ou Black Noir, tout le monde a droit à son sextoy dérivé. Rien de très étonnant venant de la série la plus trash du moment. Un sexshop en ligne fictif a même été lancé pour la promotion de la troisième saison. Seule déception : les objets présentés ne sont pas réellement à vendre.

Sextoys et imaginaire : plus besoin d’Hollywood

Les sextoys n’ont même plus besoin de s’appuyer sur des licences pour exciter notre imaginaire. En France, la marque Fera Daemon s’affranchit des codes de la pop culture et du genre pour créer des objets érotiques en forme de cristaux mystiques, de licornes ou de monstres marins tentaculaires. Inspirés par les univers de Tolkien, Ghibli ou Dark Souls, Margot et Romain ne se contentent plus de rendre hommage à la culture fantasy : ils créent leur propre lore, qu’ils développent en même temps que leurs produits : “L’idée est d’inscrire nos créations dans un imaginaire poétique et coloré qui invite à l’exploration. C’est important parce que les sextoys sont des objets très psychologiques. Leur capacité à attiser notre curiosité, à surprendre nos partenaires, à instaurer une atmosphère joueuse et bienveillante, c’est tout aussi important.”

sextoy pop culture
© Fera Daemon

Avec leurs Daemons (nom donné aux sextoys de la marque), Margot et Romain questionnent surtout un nouveau rapport à la forme. D’abord en s’éloignant des représentations phalliques classiques, mais aussi en s’affranchissant des idées préconçues sur une activité pas toujours bien comprise. Au sujet de la tératophilie notamment — le fait de fantasmer sur des créatures monstrueuses —, ils expliquent : “On s’inspire beaucoup de la nature et de manière générale de tous les imaginaires qui nous ont suscité de belles émotions. Ce n’est pas parce que le design d’un sextoy est inspiré d’une créature fantastique que ce sextoy fait appel au fantasme de cette créature. Par exemple les canards vibrants n’ont rien à voir avec un imaginaire érotique autour des canards. Et les gens qui se masturbent avec leur pommeau de douche ne sont pas excités par la plomberie”.

Qu’ils représentent des tentacules ou des cornes de créatures fantastiques, les Daemons ambitionnent avant tout de livrer une approche plus onirique de la sexualité : “Nos créations plongent dans un univers original pour pouvoir susciter la curiosité et être décoratives, pas forcément pour satisfaire un fétichisme spécifique.”

Fera Daemon
© JDG / Fera Daemon

Si l’heure est plutôt à la sextech, avec ses moteurs puissants et design minimalistes, les liens qui unissent les jouets pour adultes et la pop culture nous offrent un regard moins normatif sur une industrie désormais en plein essor. En questionnant notre imaginaire cinématographique, vidéoludique et sériel, les sextoys nous reconnectent aussi à notre imaginaire érotique, souvent oublié au profit de la course à l’orgasme et de la performance. Quand on sait que le cerveau est le plus important organe sexuel du corps humain, ce serait tout de même dommage de passer à côté.

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