Avec bientôt 15 ans d’expérience au compteur, Rocket Lab s’est imposé comme l’un des géants de cette industrie. Plutôt paradoxal, sachant qu’elle est spécialisée dans les petits véhicules.
Comme ULA, elle a fait ses débuts en 2006. A l’époque l’aérospatiale privée n’avait pas encore autant le vent en poupe qu’ en ce moment. De nombreux observateurs s’attendaient donc à la voir mordre la poussière assez rapidement.
Un chef de file patient et pragmatique
Mais elle est toujours active et plus en forme que jamais, notamment grâce au leadership de son fondateur et maître à penser, l’ingénieur Peter Beck.
Ce dernier est l’opposé complet du sulfureux Elon Musk. Beaucoup plus discret à tous les niveaux – et surtout sur les réseaux sociaux, il se distingue aussi de son homologue par sa patience. SpaceX et Rocket Lab, c’est un peu le lièvre et la tortue ; là où la première a toujours privilégié l’innovation tous azimuts, et fonctionné à une cadence infernale entretenue à grands coups de milliards, la seconde privilégie une approche moins dispendieuse. Il mise plutôt sur le fait d’anticiper les besoins du marché sur le long terme et d’y répondre.
C’est en grande partie grâce à la capacité de Beck à prévoir la direction prise par l’aérospatiale ces dernières années que son entreprise est bien positionnée aujourd’hui. Il a très vite compris qu’avec la montée en puissance des structures privées, beaucoup plus de monde chercherait à envoyer de petits satellites en orbite.
Electron, la Rolls Royce des lanceurs légers
Et ce sérieux a fini par payer; aujourd’hui, RocketLab est l’un des chouchous des titans de l’industrie lorsqu’il s’agit d’envoyer une quantité raisonnable de matériel en orbite terrestre basse. C’est en grande partie grâce à Electron, une petite fusée polyvalente et spécialement conçue pour répondre à ces attentes.
Ce lanceur est spécifiquement pensé pour déployer des charges relativement légères. En effet, Electron ne peut emporter que 300kg en orbite terrestre basse. Cela pourrait sembler risible, mais il n’en est rien; c’est un parti-pris assumé qui s’est avéré être une excellente idée.
Pour commencer, cette approche a permis de réduire les coûts de façon drastique. Cela a commencé dès la conception, qui n’a coûté qu’une centaine de millions de dollars, contre plus de 300 millions pour le Falcon 9. Et cela se vérifie aussi à l’usage; là où SpaceX facture 67$ millions par lancement de son lanceur lourd, le petit poucet peut mettre quelques cubesats en orbite pour la bagatelle de 7,5 milllions.
Et puisqu’elle affiche aussi une belle régularité (3 échecs en 32 vols, dont un lors du vol de test inaugural), Electron fait aujourd’hui office de référence dans sa catégorie : c’est la Rolls-Royce des fusées légères. Ce n’est pas un hasard si la firme est parfois présentée comme le “SpaceX des petits satellites”. Grâce à elle, au fil des années, RocketLab s’est imposée comme un des chouchous des équipementiers qui cherchent à envoyer une quantité raisonnable de matériel en orbite terrestre basse.
Cap sur le segment des lanceurs moyens
Elle occupe donc une niche bien précise dans l’industrie, ce qui lui permet de se démarquer de ses concurrents. Mais cela n’empêche pas l’entreprise de voir plus grand. D’ici peu, la firme va passer à la vitesse supérieure. Ses ingénieurs travaillent en ce moment sur Neutron, un plus gros lanceur avec une charge utile d’environ 8 tonnes (soit 25 plus qu’ Electron).
C’est toujours moins que le Falcon 9 de SpaceX, qui reste la référence de cette catégorie en attendant la mise en service officielle du Starship. Mais cela permettra à Rocket Lab de sortir de sa niche de prédilection pour explorer de nouveaux horizons
Le lancement inaugural est pour l’instant prévu pour 2024; mais fidèle à sa réputation, Beck se montre prudent. Il a confiance dans les capacités et le potentiel commercial de son engin, et ne souhaite donc pas se presser. Pour l’instant, il se refuse à signer des contrats préliminaires, et préfère se concentrer sur le fait d’amener un véhicule mature sur le marché.
“Nous n’adhérons pas au fait de signer un contrat bancal“, expliquait-il à Ars Technica. “Les gens avec qui nous sommes en contact ne cherchent pas à acheter un seul lancement; ils comptent s’engager sur le long terme. Nous devons donc nous assurer qu’ils en auront pour leur argent, et eux ont besoin de garanties quant au fait que nous répondrons présent. Je ne vois aucun intérêt à signer de faux accords avant que le produit n’existe.”
Il sera très intéressant de voir si Beck a encore eu le nez creux, et si son entreprise finira par s’imposer comme un concurrent discret, mais sérieux sur le segment des lanceurs moyens.
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