En 2008, Marvel Studio décide de faire cavalier seul. Après avoir collaboré avec Columbia Pictures (Sony) et la 20th Century Fox, l’entreprise spécialisée dans l’édition de comics voit en ses personnages une occasion d’investir les salles obscures avec une licence tentaculaire. Tentaculaire ? Pas vraiment au début, puisque la réussite d’Iron Man porté par Robert Downey Jr doit valider l’attrait du public pour ces productions superhéroïques. À l’époque, le genre n’est pas vraiment en odeur de sainteté. Seul Christopher Nolan avec son Chevalier Noir est parvenu à mettre tout le monde d’accord. Kevin Feige et Louis D’Esposito sont persuadés d’avoir une carte à jouer, du côté des purs produits de divertissement généreux. La noirceur de Gotham très peu pour eux, c’est au côté de l’irrévérencieux Tony Stark dans la lumineuse Los Angeles que débute le voyage.
Il ne faudra pas très longtemps pour que le protagoniste forge sa légende qu’il s’impose comme le visage du Marvel Cinematic Universe. Il sera rapidement rejoint par d’autres figures légendaires sur papier glacé, de Black Widow à Captain America en passant par Hawkeye et Thor. À l’aube d’une nouvelle année, qui sera marquée par l’arrivée des Quatre Fantastiques et le retour de Daredevil avec Born Again, retour sur les scènes qui ont fait le MCU à son âge d’or.
“En vérité… Je suis Iron Man” — Iron Man (2008)
Iron Man a pris tout le monde de court. Sous l’égide de Jon Favreau, le personnage s’est illustré comme une icône en devenir pour des générations de spectateurs. Reprenant les schémas classiques des “origin story”, le premier opus consacré à Tony Stark a séduit par sa prise de risque. Outre le choix d’un acteur devenu persona non grata à Hollywood, Marvel a pris le risque de renier un prérequis des productions du genre. Tandis que les histoires de Peter Parker, Bruce Wayne et Clark Kent évoluent principalement autour de leur anonymat, Iron Man évoluera dès la fin de son premier film à visage découvert. La séquence est déroutante au possible. Elle laissait entrevoir un avenir où le masque et son porteur ne font plus qu’un, où les justiciers sont aussi célèbres dans leurs habits de ville que dans leurs armures flamboyantes.
Le cas de Tony Stark est tout de même un peu particulier, le milliardaire étant le fils d’un homme d’affaires illustres et déjà bien sous le feu des projecteurs lorsque débute le récit. Cela n’empêchera pas la saga consacrée au personnage d’approfondir constamment le risque que représente le fait d’évoluer en pleine lumière, c’est particulièrement vrai concernant le troisième film. “En vérité… je suis Iron Man” est sans doute l’une des phrases les plus marquantes du MCU, ce n’est pas un hasard si elle reviendra sur le devant de la scène des années plus tard.
“Monsieur Stark, vous faites maintenant partie d’un plus grand univers” — Iron Man (2008)
Les adorateurs des films Marvel le savent, le début du générique ne marque pas la fin des hostilités. Dès Iron Man, la firme réserve une petite surprise à celle et ceux qui sont prêts à rester quelques minutes de plus dans l’obscurité. Ces scènes post-crédits sont devenues légions et servent le plus souvent à dévoiler des informations sur ce que l’avenir réserve aux personnages. Au sein d’une licence tentaculaire, ces aperçus permettaient également de raccrocher les wagons.
Dans Iron Man, Nick Fury faisait une première apparition (sous les traits de Samuel L.Jackson) pour laisser entendre qu’un film Avengers était en préparation. On notera d’ailleurs que les équipes de Marvel France ne s’étaient pas encore prononcées tout à fait sur le nom de l’équipe dans l’Hexagone, et que c’est le terme “les vengeurs” qui est dit pas Fury.
“Je danse pour te distraire” — Les Gardiens de la Galaxie (2014)
Il a surpris à plus d’un titre, Les Gardiens de la Galaxie n’a pas mis longtemps à s’illustrer parmi les meilleurs films du MCU. Au sein d’une licence qui joue le plus souvent la carte de la solennité, la première aventure de l’équipage du Milano est une véritable bouffée d’air frais. Comédie qui sait aussi verser dans le dramatique, le film de James Gunn a aussi prouvé qu’il est possible de s’affranchir des prérequis d’un film superhéroïque pour réinventer le genre.
La scène de la danse encapsule l’exubérance du metteur en scène autant que la singularité des personnages au sein du catalogue Marvel. Les Gardiens s’imposeront comme la famille préférée des spectateurs. On peut aussi noter, comme rarement auparavant, que le succès du film ne s’arrêtera pas à sa seule sortie au cinéma et qu’il fera éclore un véritable phénomène sur les plateformes musicales. Les fameuses “Awesome Mixtapes” seront attendues de pied ferme par les fans.
“Avengers : Rassemblement” – Endgame (2019)
11 ans, plusieurs tentatives avortées et une frustration immense chez les fans. En 2019, Endgame investit les salles obscures avec grand fracas. Infinity War a laissé les spectateurs orphelins d’une grande partie de leurs superhéros préférés, le voyage dans le temps des Avengers laisse entrevoir un avenir plus radieux. Ce sera le cas grâce au claquement de doigts de Bruce Banner. Après l’apparition des portails, alors même que la foule est déjà en liesse, Chris Evans prononcera une phrase emblématique des comics, que les lecteurs attendaient depuis le premier Avengers.
Chris Evans immortalisera la fin de la première décennie Marvel avec un “Avengers Assemble” que peu de spectateurs oublieront. Dans certains cinémas, des explosions de joie et des cris se feront entendre, preuve s’il en fallait une qu’une étape vient d’être franchie. C’est d’ailleurs la marque de fabrique Marvel, créer ces moments iconiques et les préparer pendant des années. Deadpool & Wolverine sera d’ailleurs intégralement construit autour de ces références et montagnes russes émotionnelles pour le public, la recette fonctionne toujours.
“Je t’aime Sersi” — Les Éternels (2021)
La grande absente du Marvel Cinematic Universe est sans aucun doute la sexualité. Si Iron Man avait immortalisé un réveil post-coïtal, la vie amoureuse des personnages se limitera dès lors à des baisers chastes échangés à la volée. En 2021, la réalisatrice Chloé Zhao se consacre à des héros inédits sur le petit et le grand écran. Avec Les Éternels, elle promet des enjeux plus humains. La famille et la romance sont à l’épicentre du procédé narratif. Pour la première fois dans l’histoire du MCU, deux personnages seront filmés à faire l’amour. Pedro Almodovar, Steven Soderbergh ou encore Paul Verhoeven, nombreux sont les cinéastes à regretter que les films de superhéros sous l’égide de Disney n’immortalisent pas ces éléments essentiels des relations humaines. Zhao le fera en toute pudeur, pour appuyer le désir d’humanité de ses héros venus d’ailleurs.
Ce moment marque un tournant pour la franchise, qui n’ouvrira néanmoins pas les vannes à plus de scènes du genre. On peut tout de même noter que la sexualité sera évoquée plus frontalement dans She-Hulk, chronique de la vie d’une trentenaire en quête de sens. On peut tout de même imaginer que les prochaines années soient une occasion pour la Maison des Idées de gagner en maturité. C’est particulièrement vrai avec la sortie prochaine de Daredevil : Born Again sur Disney+. La série est largement promue comme la continuité directe de la série Netflix. Cette dernière s’attardait particulièrement sur la vie privée et amoureuse de l’avocat et justicier, on peut imaginer qu’il en sera de même pour cette suite.
“Je suis Spider-Man… dans mon monde” — Spider-Man : No Way Home (2021)
En 2021, les adorateurs de Marvel et Spider-Man retiennent leur souffle. Les rumeurs vont bon train depuis plusieurs mois sur un retour des précédents interprètes de Peter Parker. Le multivers doit devenir un élément central des prochaines phases du MCU, permettre à la licence d’explorer de nouveaux horizons. Les spectateurs rêvent déjà à une multiplication des caméos de héros qui évoluaient jusqu’ici loin de la licence principale. Si les acteurs se sont évertués à démentir les rumeurs, Andrew Garfield et Tobey Mcguire ont bien rejoint Tom Holland dans le troisième volet de ses aventures. Ils n’étaient d’ailleurs pas les seuls, puisque leurs antagonistes étaient aussi du voyage. On peut aussi noter l’apparition de Matt Murdock alias Daredevil, mais lui évolue déjà dans la réalité du Spider-Man du MCU. Trois araignées pour trois fois plus de fun, l’idée avait de quoi séduire. Mais le concept pose de nombreuses questions sur ce que l’avenir réserve à la Maison des Idées.
Car le multivers n’est pas de ces idées avec lesquelles il est facile de jongler… C’est même particulièrement risqué. Outre la possibilité de faire naître un imbroglio scénaristique qui laissera les spectateurs occasionnels de côté, Marvel pourrait (devrait) largement entacher son parcours jusqu’ici. Les annonces du Comic Con de San Diego en juillet dernier ont d’ailleurs confirmé que plus rien n’était impossible. Robert Downey Jr va revenir dans la peau du Docteur Fatalis, de quoi mettre ses anciens comparses en difficulté. Si Iron Man est bel et bien mort, il faut avouer que ce retour laisse un sentiment doux-amer après des adieux si mémorables.
“Je nous ai tous appelés “ — Ant-Man et la Guêpe : Quantumania (2023)
C’est le premier vrai accident de parcours pour Marvel, de ceux qui pourraient avoir des répercussions pendant encore plusieurs années. Alors que Kang Le Conquérant s’annonçait comme le “nouveau Thanos”, les équipes de Kevin Feige ont fait le choix étonnant de l’introduire au moyen d’une aventure croisée avec Ant-Man. Le personnage de Paul Rudd — plutôt secondaire à l’échelle d’une licence qui évoluait encore récemment autour de cinq figures de proue — se retrouve propulsé au rang de seul rempart contre l’arrivée imminente d’un antagoniste surpuissant. Il sera défait, mais la scène post-crédits laissait entendre que ce n’était que le début. Des milliers de variants de Kang apparaissent et préparent une riposte pour sauver le multivers. Sauf que l’éviction de Jonathan Majors, quelques mois plus tard, aura raison de ce projet.
Alors même que Kevin Feige avait annoncé des films Avengers : Kang Dynasty et Secret Wars, il s’est emparé du micro en juillet dernier pour officialiser la mise en chantier de Doomsday et Secret Wars. Les deux films seront réalisés par les frères Russo, ils succèdent à Destin David Cretton qui a quitté le projet afin de se consacrer à la série Wonder Man. La scène post-crédits de Quantumania encapsule tous les problèmes que devra surmonter le MCU au cours des prochaines années, prouve que la licence n’est plus toujours une affaire qui roule.
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