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Les 5 plus grosses erreurs de l’histoire du spatial

La conquête de l’espace est une entreprise difficile. Parmi toutes les missions de son histoire, la grande majorité ont réussi, mais certaines ont échoué, pour des raisons parfois… surprenantes.

Ce vendredi, nous étions le 1er avril, le jour des farces et autres plaisanteries. Alors, à notre façon chez JDG, nous avons voulu rendre un hommage aux plus grands “échecs” de l’histoire du spatial. Pas question ici de revenir sur des drames, comme l’accident de la navette Challenger ou de Discovery. Ou encore de l’incident au sol qui a coûté la vie aux trois astronautes de la mission Apollo 1. Dans cet article nous allons plutôt vous parler d’histoires méconnues, de petites erreurs, qui ont changé le cours de l’histoire ….

Hubble, le télescope myope

En premier lieu dans ce classement, pourquoi ne pas parler du télescope spatial Hubble ? Si ce dernier s’est bien rattrapé avec le temps, il a connu des débuts plus que compliqués. Il a longtemps été la cible de diverses moqueries, à cause d’une minuscule erreur d’un des sous-traitants de la NASA. Afin de se replonger dans l’histoire, retournons à la toute fin des années 80. Alors que le télescope Hubble s’apprête à prendre la direction des étoiles, l’impatience est maximale.

Tout le monde s’attend alors à ce que le télescope nous renvoie des images magnifiques du ciel, nous faisant ainsi découvrir des étoiles inconnues ou encore des exoplanètes, tous ces espoirs vont subir une douche froide, glacée, après seulement quelques jours de missions. En effet, très rapidement les ingénieurs de la NASA vont se rendre compte qu’ils ont un gros problème. À la mi-juin 1990, alors qu’Hubble livre ses premières images ; stupeur ! Les clichés sont flous. Très vite, le pire des scénarios devient réel, et les scientifiques commencent à comprendre ce qu’il se passe.

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Le télescope Hubble dans le vide de l’espace en orbite autour de la Terre © NASA

Non les réglages de netteté n’ont pas été mal faits, non l’erreur ne vient pas de la communication qui aurait été perturbée. Non, comme ils le craignent, le problème vient bien du miroir d’Hubble. Ce bijou de technologie dont la NASA ne manquait pas vanter les mérites il y a quelques jours à peine. Le 2 juillet, alors que le problème s’empare de l’opinion publique (Hubble a coûté quelques milliards aux contribuables américains) la NASA décide de créer une commission d’enquête.

Déjà fragilisée par l’accident de la navette Challenger et la commission Rogers, la NASA se retrouve à nouveau pointée du doigt. Encore une fois, elle n’a pas fait preuve d’assez de rigueur dans son management. Finalement les causes du mal d’Hubble sont découvertes, le télescope spatial rebaptisé « le myope » par la presse souffre d’une aberration sphérique du miroir principal. Autrement dit le polissage de ce dernier n’est pas parfait. L’erreur n’est que de deux microns, l’épaisseur d’un cinquantième de cheveu. Mais quand il est question d’outils de cette précision, c’est une très grosse boulette.

Une fin heureuse pour le télescope

C’est le fabricant Perkin-Elmer qui est pointé du doigt comme le responsable de cette erreur. La commission découvrira d’ailleurs, bien plus tard, que cette anomalie avait été remarquée lors des derniers tests au sol, et que Perkin-Elmer savait très bien que le miroir était défaillant, mais les dirigeants de l’entreprise, pressé par le temps ont décidé de cacher ce défaut à la NASA, mentant ouvertement à l’agence.

L’affaire se clôt finalement en 1993, trois ans plus tard, lors de la première mission de correction faite par la navette spatiale. La NASA retire alors le HSP (High Speed Photometer) pour installer à sa place un tout nouvel élément, baptisé COSTAR. Ce dernier dispose de la même anomalie que le miroir principal, mais inversée, ce qui permet de corriger le problème.
Une fois cette correction effectuée, Hubble a été capable de prendre les clichés que nous connaissons, mais il a malgré tout perdu trois ans de sa vie, et la mission de maintenance a coûté plusieurs millions de dollars à l’agence américaine, ainsi qu’une très mauvaise publicité pour Perkin-Elmer. L’entreprise a finalement payé une amende de 25 millions de dollars en guise de dédommagements. Aujourd’hui la société existe toujours et, ironie de l’histoire, elle travaille toujours avec la NASA.

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Une des photos d’Hubble depuis sa correction en 1993 © Hubble

Fusée Véga : quand ça veut pas…

Autre problème bien plus récent dans l’histoire de l’aérospatial, le vol en novembre 2020 de la fusée Véga. Ce petit lanceur européen, dans lequel Arianespace avait mis beaucoup d’espoirs a finalement causé plus de problèmes qu’autres choses. Lui qui devait être le porte-étendard européen dans la lutte pour les lancements orbitaux face aux Falcon 9 de SpaceX aura plutôt été un boulet pour l’ESA qui semble vouloir s’en débarrasser au plus vite.

Et pour cause, lors de son vol de novembre 2020, le second de son histoire, la fusée Véga – qui avait déjà connu un problème lors du premier vol – n’a pas réussi à rejoindre l’orbite. Si les raisons du premier échec sont assez floues, celles du second sont beaucoup plus claires, et là encore, c’est assez dur à croire tellement c’est une erreur évidente et évitable.

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La fusée Véga selon une image d’illustration de l’ESA © ESA

En effet, et comme l’a avoué à demi-mot le PDG d’Arianespace, Stéphane Israël, toute cette histoire viendrait d’une « inversion de câble ». Tout avait pourtant bien commencé pour la fusée qui s’était parfaitement élancée depuis le centre spatial européen de Kourou en Guyane française. Mais finalement, après quelques minutes de vols et alors que le quatrième et dernier moteur de la fusée devait s’allumer pour parfaire la trajectoire de cette dernière, rien n’a eu lieu. C’est sur cette partie, au sommet de la fusée, que l’inversion des câbles aurait eu lieu.

La petite fusée d’origine italienne n’aurait donc pas pu corriger sa trajectoire, sortant des radars et amenant avec elle sa charge utile, deux satellites, un espagnol et un français, coûtant 200 et 150 millions d’euros. Malgré des « excuses » présentées par le patron d’Arianespace aux deux clients (le CNES en l’occurrence pour la France) ce n’est pas certain qu’ils décident de renvoyer leurs satellites en orbite avec une fusée Véga et se tournant peut-être plus vers les lanceurs américains.

Si aucun lien n’a directement été fait entre les échecs répétés de Véga, qui n’a pas revolé depuis, et le lancement du programme Maïa présenté par Bruno Le Maire il y a quelques jours, la forte ressemblance entre le profil des deux fusées peut laisser penser que Véga va retourner dans les cartons, et se laisser tomber dans l’oubli.

TV SAT : une simple histoire de boulons

Faisons un nouveau bond dans le passé avec l’histoire du premier satellite de télévision allemand. Ce dernier était un projet de longue date, la télévision par satellite devant révolutionner l’accès au petit écran dans les ménages européens. Grâce à sa large bande d’émission, le satellite était capable d’arroser toute l’Europe de l’Ouest et une partie de l’Allemagne de l’Est, ce qui dans le contexte de fin de guerre froide qui régnait en 1987 est un avantage très important. Mais finalement, alors que le satellite avait parfaitement rejoint l’orbite géostationnaire depuis sa fusée Ariane 2, voilà que les ennuis commencent pour l’Allemagne.

Si notre voisin est connu pour sa « Deutsch qualität » cette dernière est imparfaite, et TV SAT 1 en est le meilleur exemple. En effet, alors que l’Allemagne attend avec impatience de recevoir les signaux du satellite rien ne vient. Au siège de la DLR, l’agence spatiale allemande, c’est l’affolement. Sur le moment personne ne comprend vraiment ce qu’il se passe, puis finalement, un message d’erreur arrive jusqu’à Berlin.

Ce dernier indique qu’un des deux panneaux solaires n’a pas réussi à s’ouvrir, ce qui bloque l’antenne de liaison. L’Allemagne se dit alors que le système a dû rencontrer un bug, elle décide donc de relancer le système. Mais encore une fois, échec. Finalement, et après des années d’enquêtes, les responsables de cette erreur sont trouvés.

Il s’agit en réalité de deux petits boulons, fixés sur le satellite pour le transport depuis l’Allemagne vers Kourou, où ce dernier a décollé. Ces boulons devaient être retirés une fois le satellite posé dans la fusée, mais ils ont été « oubliés » par la DLR, ce qui a bloqué le satellite en position fermé, le rendant inutilisable. La télévision par satellite devra donc attendre. Finalement, en 1989, TV Sat 2 s’envole à bord d’une fusée Ariane 4. Le satellite fonctionnera pendant des années.

Mission Genesis : la mission qui aurait pu changer l’histoire

Pour poser le contexte de cette mission de la NASA, nous sommes en 1998. L’agence spatiale américaine décide d’envoyer un petit satellite de 460 kilogrammes dans une fusée Boeing Delta 2. La mission est suivie de très près et pour cause, elle est d’importance. Le satellite ne va pas seulement aller autour de la Terre en orbite, non non, Genesis a des ambitions bien plus grandes. Le satellite doit se rendre au plus près du Soleil dans une mission d’un peu plus de 3 ans, avant d’en revenir avec un très précieux sésame : 0,4 milligramme de matière solaire.

Un véritable trésor pour tous les astronomes qui auraient ainsi pu mener des milliers d’expériences sur des atomes de matière venus du cœur de notre système solaire. Et au départ, toute la mission se passe à merveille. Le 8 septembre 2004, les équipes de la NASA sont stressées comme rarement, le satellite va en effet effectuer la dernière partie de son périple, traversant les différentes couches de notre atmosphère.

Mais voilà, les histoires racontées dans cet article finissent toutes mal, et celle de Genesis n’y fait pas exception. En effet, alors que le satellite, du moins ce qu’il en reste, est au cœur d’une descente vertigineuse, les parachutes ne s’ouvrent pas. À 34 kilomètres de la Terre, rien ne se passe, et la NASA commence à paniquer. Mais fort heureusement, des parachutes de secours vont se déclencher dès que la sonde atteindra une vitesse critique. Mais là encore, rien ne se passe. La sonde va finalement se crasher dans le désert de l’Utah, à plus de 300 km/h.

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© NASA

La NASA y perd ses précieux nanogrammes de particules du Soleil, dispersés dans l’atmosphère terrestre. L’agence américaine décide alors d’ouvrir une enquête, pour comprendre ce qui a amené un tel crash, et l’échec d’une mission à 260 millions de dollars.

Au final ce sont plus de 50 experts qui vont rendre un constat amer de plus de 230 pages. À l’intérieur ? Des preuves accablantes de la faute de la NASA et des difficultés de cette dernière. Déjà mise en cause à de nombreuses reprises, l’agence américaine est à nouveau pointée du doigt. En effet, les capteurs de force G qui devaient libérer les parachutes de secours ont été montés à l’envers. Une erreur qui est malgré tout passée à côté des radars de la NASA, le dispositif ayant été vérifié trois fois avant le lancement.

Mais tout n’est pas à jeter puisque dès 2005, la NASA a annoncé pouvoir récupérer d’infimes traces des particules solaires sur les panneaux. La communauté scientifique est malgré tout toujours restée très sceptique quand à ce résultat et aux études qui ont suivi. Si des particules ont bel et bien été retrouvées sur les panneaux explosés en 15 000 fragments de la sonde, il est impossible de savoir à quel point ces derniers ont été contaminés par l’atmosphère terrestre.

Mars Climate Orbiter : quand les mesures se confondent

Dernière étape de notre périple à travers l’espace, la mission Mars Climate Orbiter. Elle n’est sans doute pas la plus connue de cette sélection, mais elle est la représentation parfaite des problèmes de communication et de management de la NASA.

Lancée en 1998, en même temps que la mission Genesis, cette sonde ne doit pas prendre la route du Soleil, mais de Mars. Elle doit jouer le rôle de station météo en orbite autour de la planète rouge, afin de recueillir de plus amples informations concernant notre voisine. Mais la mission d’insertion en orbite est assez complexe.

La sonde doit en effet obtenir une orbite quasiment circulaire qui lui permet de passer à l’équateur à peu près à la même heure tous les jours (vers 16 h 30). Afin d’atteindre cette trajectoire, la sonde doit passer au plus près de Mars, pour venir se freiner dans l’atmosphère de la planète rouge et ainsi obtenir ce cercle presque parfait.

La planète rouge, tombeau de la sonde Mars Climate Orbiter © NASA

Le 23 septembre 1999, la sonde allume ses rétrofusées et entame son orbite autour de Mars. Si la trajectoire est légèrement différente de celle qui était prévue, la NASA assure que la sonde va passer à 110 kilomètres au-dessus de Mars, bien assez pour ne pas s’y écraser.
Vers 10 h du matin UTC, la sonde passe derrière Mars et les communications sont coupées. Le passage doit durer une vingtaine de minutes. C’est la dernière fois que la sonde donne signe de vie.

Àprès des longues minutes d’attente, on se décide à refaire les calculs. Les 110 kilomètres annoncés se retrouvent être faux et la sonde est passée à 57 kilomètres de la planète. À cette altitude elle a traversé une atmosphère très dense, qui a eu raison de la sonde en quelques minutes.

La NASA va lancer une enquête et cette dernière ne mettra pas plus d’un an à trouver les causes du problème. Pour bien comprendre les raisons de cet échec à quelques centaines de millions de dollars là encore, il faut savoir comment sont traités les changements de trajectoire par la NASA. Cette dernière a reçu dans le cadre de la mission Mars Climate Orbiter des données venant de la sonde qui étaient traitées par un logiciel interne, créé pour l’occasion par Lockheed Martin, un partenaire de longue date de la NASA.

Ce dernier communique ses informations de force en unité de mesure anglo-saxones (livre-force) des unités communément utilisées par la NASA à l’époque. Mais, et oui vous le voyez venir, le JPL, qui est en charge de l’interprétation de ces données s’attend à ce qu’elles arrivent selon le modèle standard international, en newton-mètre. Le facteur d’erreur est donc environ de 4,5.

Quelques erreurs au milieu de milliers de réussites

Quelques mois après, la sonde sœur Mars Polar Orbiter est elle aussi perdue à cause d’un problème sûrement dû à sa conception sur Terre. Après coup, l’administrateur de la NASA de l’époque, Daniel Goldin est pointé du doigt pour ses politiques budgétaires extrêmement strictes, qui seraient selon certains anciens de la NASA responsables de la perte de ces missions. Avant le lancement des sondes Mars Orbiter, le JPL avait déjà perdu son télescope spatial WIRE, conçu avec un budget bien en deçà des standards de l’époque.

Évidemment il existe des dizaines d’exemples de missions spatiales qui ont échoué à cause d’erreurs qui après coup peuvent sembler idiotes. Nous aurions très bien pu parler dans cet article de la fusée Ariane 5 qui s’est disloquée et a explosé 40 secondes seulement après son décollage, à cause d’un simple bug informatique. Un ingénieur ayant cherché à entrer une donnée de 64 bits sur un calculateur de 16.

Un lanceur Falcon Heavy © SpaceX

Mais finalement, les différents échecs de ces missions sont aussi là pour nous rappeler que le développement ultra rapide de lanceurs et autres fusées comme sont en train de le faire SpaceX, Blue Origin ou Virgin Galactic est très impressionnant. Elles parviennent à se développer sans commettre la moindre erreur ou presque, et les accidents dans le monde du New Space sont rares.

Les mauvaises langues parleront des atterrissages ratés du Starship, mais ce dernier n’était alors qu’un prototype. Quant à l’échec en vol du SpaceShipOne qui a causé la mort d’un pilote de Virgin Galactic en 2014, cette dernière a été causée par un nombre très importants de facteurs et il aurait été très difficile de l’éviter au vu des circonstances.

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3 commentaires
  1. Vega a bien eu d’autres lancements après l’échec en questions. On doute du coup de la crédibilité du reste de l’article

  2. (En phase avec cyrille) Pour donner un peu de contenu à cet article, le lien vers le vingtième lancement de vega en novembre dernier : https://en.wikipedia.org/wiki/Vega_flight_VV20

    Note de la part d´un francais d´origine italienne : J´adore le fait que ce lanceur soit italien quand il plante et européen quand il marche. N´empêche qu´il a lancé avec succès des satellites militaires français cruciaux pour la défense nationale: Forza Italia!

  3. Ce n’est pas la première fois que ces foutues mesures anglo-américaines provoquent des désastres.
    Un ami m’a rapporté qu’un avion a reçu son contingent de gallons de kérosène, mais a failli ne pas terminer son voyage, pour cause de confusion entre des gallons anglais et américains;
    Pourtant la France a fait cadeau au monde u système métrique, qui a été adopté par presque tous les pays.
    Sauf que les altitudes des avions sont encore en pieds, mais quels pieds ? Anglais, américains, romains, égyptiens ? Le pied a souvent changé dans son histoire millénaire…

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