C’est une première pour Apple TV+, du moins dans nos vertes contrées. Après avoir limité ses activités audiovisuelles à sa plateforme, Apple TV+ rêve en grand. Pour ses débuts dans les salles obscures françaises, le géant de Cupertino ne fait pas les choses à moitié et recrute l’un des cinéastes les plus plébiscités sur la surface du globe. Ce n’est pas la première fois que Martin Scorsese collabore avec une plateforme de streaming, il avait signé The Irishman pour Netflix en 2019. Avec Killers of the Flower Moon, il livre son premier western, la chronique d’une partie de l’histoire américaine douloureuse. Proposé dans les cinémas depuis ce mercredi 18 octobre, le dernier-né de la filmographie du papa de Taxi Driver vaut le détour.
Parce que l’histoire est importante
Martin Scorsese n’a pas son pareil lorsqu’il s’agit de mettre en scène des criminels et autres personnages peu recommandables. Le réalisateur du Loup de Wall Street et Les Infiltrés a prouvé à plusieurs reprises qu’il aimait les protagonistes à la morale douteuse. La violence est un terreau qu’il utilise pour livrer des fables humaines amères, pour dépeindre des hommes et des femmes forgés par un monde cruel. Avec Killers of the Flower Moon, il explore une histoire honteuse du génocide sur lequel s’est construit le rêve américain. Il s’agit de l’une de ces histoires qui ne sont que très rarement évoquées, mais qui méritent d’être racontées.
Au début du XXe siècle, le pétrole a apporté la fortune au peuple Osage. Du jour au lendemain, ils sont devenus les hommes et femmes les plus riches du monde. Mais cette nouvelle fortune attire aussitôt la convoitise de Blancs peu respectables bien décidés à soutirer chaque centime par la ruse ou la force. Dès les premiers instants, il est assez évident que le nouveau film du cinéaste est singulier. En plongeant les spectateurs dans un monde où les rapports de force sont inversés, Martin Scorsese frappe fort. Le film convoque l’imagerie du western, historiquement à la gloire des héros blancs en conquête de nouvelles terres, pour raconter le colonialisme, le racisme et la cruauté. C’est tout un système, organisé en faveur des Blancs, que dépeint le réalisateur.
Avec ces acteurs coqueluches, Robert DeNiro est encore une fois impeccable, mais Leonardo DiCaprio mériterait parfois d’être un peu plus dans la retenue lorsqu’il incarne un ancien combattant un peu benêt, Scorsese nous offre une plongée aussi passionnante que glaçante dans cette période sombre de l’Histoire. Il a d’ailleurs une manière particulièrement efficace de conclure son récit, on n’en dira pas plus pour préserver l’effet de surprise.
Pour Lily Gladstone
Si Killers of the Flower Moon convoque deux têtes d’affiche emblématiques de la filmographie de Scorsese, ces monuments du cinéma se font rapidement voler la vedette par une nouvelle recrue : Lily Gladstone. Après Certaines Femmes, et d’autres apparitions sur le petit et le grand écran, l’actrice avait envisagé mettre sa carrière. C’est l’appel des équipes de Martin Scorsese qui bouleversera sa trajectoire de vie. Et le réalisateur a eu le nez creux puisque Gladstone est tout simplement envoutante. D’une sincérité de tous les instants, elle irradie par sa retenue autant que dans ses élans plus dramatiques.
Elle justifie à elle seule l’achat d’une place dans le cinéma le plus proche, et promet déjà de s’inviter à bon nombre de cérémonies récompensant le meilleur du cinéma à travers le monde. Cette partition d’envergure est sans doute le meilleur CV qu’une actrice puisse avoir, son nom risque de résonner un peu partout au cours des prochains mois.
Parce qu’il fait plus de trois heures
La durée des films est un sujet qui suscite de nombreux débats auprès des cinéphiles. Alors que nombreuses sont les voix à s’élever en défaveur des divertissements de plus de 120 minutes, Martin Scorsese a récemment pris la parole pour défendre son approche. Avec près de trois heures et demie au compteur, Killers of the Flower Moon n’est pas de ces films qui se découvrent en quatrième vitesse. Si cette durée pourrait faire naître une certaine réticence chez les spectateurs, c’est justement ce qui fait sa force.
Sans être un monstre de tension, une épopée riche en rebondissements et à l’énergie constante, ce nouveau film profite d’une structure narrative diablement efficace. Chaque instant est étudié avec minutie, faisant avancer le métrage vers sa conclusion et toujours avec le parcours de ses héros au cœur de sa démarche. Il n’est pas rare, en sortant d’un film en apparence très long, de s’interroger sur ce que la disparition de plusieurs scènes aurait pu sauver en termes de rythme. Killers of the Flower Moon confirme qu’une histoire peut être longue, si elle est racontée avec talent. Et puis il faut bien avouer qu’en voulant réaliser son premier western, qui n’en est pas vraiment un, Scorsese ne pouvait pas s’affranchir de la durée moyenne de ce genre de production.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.