Plutôt qu’une remise sur un aspirateur ou un robot cuiseur, certains ont compris que le 8 mars était surtout l’occasion de s’interroger sur le féminisme, la sorororité et le patriarcat.
Fausse couche, vraie question
De Mathilde Lemiesle, 192 pages
Publié chez Glénat le 19 février 2025 – 22,50€
Dans Fausse couche, vraie question Mathilde Lemiesle explore le silence pesant qui entoure chaque année 200 000 interruption spontanées de grossesse France. Mêlant données historiques (de l’Antiquité aux protocoles hospitaliers actuels) et contexte social moderne, l’autrice, pionnière de la libération de la parole sur les fausses couches, revient avec un roman graphique percutant, digne héritier de Mes Presques Rien. Fausse couche, vraie question alterne entre le vécu de l’autrice (quatre fausses couches) et une enquête sociétale.
Au-delà de l’intime, l’ouvrage interroge les structures patriarcales qui entourent ces interruptions spontanées : pourquoi la médecine ignore-t-elle encore la souffrance psychique post-fausse couche ? Pourquoi la charge émotionnelle repose-t-elle sur les mères ? Un manifeste graphique nécessaire, combinant rigueur journalistique et sensibilité, pour briser l’invisibilité d’un tabou qui concerne une grossesse sur quatre.
Liberté, égalité, s’émanciper
De Chadia Chaibi Loueslati, 144 pages
Publié chez Marabout le 19 février 2025 – 23,95€
Dans Liberté, Égalité, S’émanciper, Chadia Chaibi Loueslati explore les combats croisés des femmes issues de l’immigration. À travers le parcours de Leïla, Franco-Algérienne tiraillée entre traditions familiales et aspirations féministes, la BD dévoile les luttes invisibles : injonctions communautaires, racisme systémique et plafond de verre professionnel. Le récit, nourri de témoignages, s’articule autour de scènes-chocs : un mariage forcé avorté, un licenciement déguisé pour inadaptation culturelle…
Chadia Chaibi Loueslati, connue pour ses chroniques sociales, adopte un trait réaliste aux couleurs chaudes, mêlant motifs berbères et graffitis urbains. Les dialogues percutants évitent le manichéisme, montrant autant la solidarité que les fractures générationnelles au sein des quartiers. Si certains arcs versent dans le cliché, l’album brille par son refus des simplifications. Une BD nécessaire, à l’heure où le féminisme universaliste bute sur les réalités des périphéries.
Les Fauves
D’Aurelle Gaillard et Francesca Marinelli, 136 pages
Publié chez Glénat le 12 février 2025 – 20,50€
Avec Les Fauves, Aurelle Gaillard et Francesca Marinelli signent un roman graphique électrique sur la révolte de trois colocataires face au sexisme ordinaire. Aïdée, étudiante en arts, Pénélope, militante aguerrie, et Zora, discrète, mais déterminée, ripostent aux propos machistes d’un professeur en taguant des vulves fleuries sur les murs de leur ville. Leur mouvement, né d’un geste impulsif, devient viral, mêlant poésie subversive et activisme numérique.
Portée par le récit de sa coautrice, Francesca Marinelli électrise le récit d’un trait vif et coloré, transformant chaque tag en manifeste visuel. Les planches oscillent entre l’énergie joyeuse du collectif et l’oppression glaçante des cyberharcèlements quand leur anonymat est percé. Le roman graphique évite le manichéisme en creusant les contradictions de l’engagement : entre libération et mise en danger, sororité et fractures sociales. Ce récit, miroir des luttes #MeToo, questionne l’efficacité de l’art comme arme politique. Un ovni graphique qui pulse autant par ses couleurs que par son appel à l’action. Une BD nécessaire à l’ère des réseaux, où le combat féministe se joue aussi sur les murs.
Histoires de Sororité
De Caroline Cohen Ring, 160 pages
Publié chez Glénat le 19 février 2025 – 23€
Trois générations de femmes – Hélène, résistante durant la Guerre d’Algérie, Louise, féministe des années 1980, et Léa, militante queer d’aujourd’hui – voient leurs destins s’entrelacer via un carnet de mémoires clandestin. Le récit navigue entre Oran sous les bombes, les manifestations pour l’IVG en France et les collectifs transmodernes, révélant comment chaque époque réinvente la sororité face à l’oppression.
Caroline Cohen Ring, révélée par C’est comme ça que je disparais, opte pour un trait délicat aux lavis d’aquarelle, où les couleurs pastel épousent la gravité des sujets : violences conjugales tabouisées, avortements illégaux, homophobie. Les rares dialogues, percutants, cèdent le pas aux monologues intérieurs et aux archives fictives. Une BD nécessaire, qui rappelle que les libertés gagnées se nichent aussi dans les interstices des vies ordinaires.
Peau D’homme
De Hubert et Zanzim, 160 pages
Publié chez Glénat le 3 juin 2020 – 27€
Sortie en 2020 chez Glénat, Peau d’homme d’Hubert et Zanzim s’impose rapidement comme un ovni féministe. Cette fable suit Bianca, contrainte au mariage, qui utilise une peau d’homme magique pour devenir Lorenzo et faire la connaissance de son futur mari Giovanni. Multi-récompensée, le roman graphique vendu à 200 000 exemplaire questionne le genre et la morale religieuse avec un humour corrosif, éminemment moderne.
En 2025, l’adaptation théâtrale triomphe au Théâtre Montparnasse. Mise en scène par Léna Bréban, la comédie musicale revisite l’œuvre en mêlant chansons de Ben Mazué, rap et humour décalé. Laure Calamy incarne une Bianca naïve découvrant les codes masculins, entourée d’une troupe énergique. Si la pièce conserve le propos originel – critique des normes de genre –, elle ajoute une dimension burlesque dont on ne se lasse pas. Un succès transmedia pour une œuvre toujours aussi brûlante, à lire et à voir.
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