L’IA partout, l’IA invisible
L’intelligence artificielle, cette technologie ou plus exactement ce concept, n’est pas si récente. Elle découle des travaux d’Alan Turing et cela fait plus de soixante ans qu’elle s’est invitée dans les laboratoires de recherches.
Interview : d’où vient le concept d’intelligence artificielle ? via Futura
Les recherches sur l’IA se sont intensifiées ces dernières années et ce concentré de technologies devrait dans un avenir proche profondément bouleverser nos sociétés. Grâce à la confection d’un corpus de données massif, l’amélioration des algorithmes, du réseau neuronal artificiel et le machine learning, l’IA a grandement évolué. Nous distinguons aujourd’hui trois types d’IA.
- L’IA faible : c’est la seule qui existe à ce jour. Elle n’a pas conscience d’elle-même et exécute des commandes ordonnées par l’humain.
- L’IA forte : La machine apprendrait d’elle-même et serait en mesure de reproduire un cerveau humain en incluant contexte et émotions
- La superintelligence artificielle : Un dépassement de l’intelligence humaine avec par exemple une rapidité de calcul quasi instantanée, une mémoire sans limites, la possibilité d’exécuter plusieurs tâches en même temps ou encore des prises de décisions rapides.
Intelligence artificielle faible, intelligence artificielle forte, via Sciences et Avenir.
Aujourd’hui, l’IA est à la fois partout et invisible. Nous la retrouvons dans nos machines informatiques, objets connectés, applications, réseaux sociaux, transports, dans le secteur militaire avec les drones, la publicité et même bientôt dans le réseau mobile. Elle s’essaye aussi dans les domaines plus créatifs comme la musique, le jeu vidéo, l’écriture de fictions ou d’articles. Récemment nous avons pu voir qu’elle était capable aussi de mettre à l’épreuve la véracité d’une image avec les deepfakes, ces montages très simples à réaliser mettant n’importe quel visage sur les acteurs et actrices de films pour adultes.
Ces derniers temps, les industries high-tech s’évertuent à placer l’IA comme point central et pour tous les appareils. Prenons l’exemple de nos smartphones. Ils bénéficient de puces dédiées à cette intelligence et même si Huawei (et Honor) pense innover avec son NPU, Qualcomm intègre ce type de technologie depuis déjà trois générations avec le NPE (Zeuroth). Tout comme Apple a le A11 Bionic et Google le IPU pour ses Pixel 2. Brièvement, rappelons que cette technologie permet une rapidité d’exécution, une optimisation de l’appareil photo, qu’elle joue avec la réalité augmentée et surtout, n’a plus besoin de faire appel à Internet puisque la technologie est locale.
Une intelligence encore très limitée
L’IA est un sujet qui alimente nos propres fantasmes, mais ces derniers la nourrisse également. Présente dans les oeuvres de science-fiction, elle se retrouve aussi dans de nombreux articles. Certains d’entre eux s’amusent à relater quelques évènements isolés où elle a surpassé l’homme dans le jeu ou la lecture. D’autres pointent du doigt les dangers et dérives potentiels et tombent dans la paranoïa jouant avec nos peurs. Cependant, fort est de constater que si elle nous accompagne dans de nombreuses tâches, elle reste encore très perfectible et bien loin d’une IA forte. La technologie est, comme à son habitude, un parfait outil instrumentalisé par le marketing. Composée de rêves, elle suscite l’envie et excite l’imagination de l’être humain.
https://youtu.be/5k566SwWDlc
Dans ses campagnes de communication, la marque Huawei mettait en avant le fait que le processeur de ses téléphones étaient capable de mieux gérer les applications utilisant l’intelligence artificielle.
L’IA reste aujourd’hui limitée à la reconnaissance faciale, l’assistant virtuel, l’automatisation des tâches, la synthèse vocale… C’est ce que l’on retrouve par exemple sur nos smartphones. Google Assistant est capable d’entendre et de comprendre un nombre limité de nos demandes comme la météo, le meilleur itinéraire et même lancer certaines applications. La reconnaissance faciale devient peu à peu le moyen le plus sécurisé pour déverrouiller son écran. Bref, ce sont un ensemble de petites choses qui facilitent la vie au quotidien, mais qui n’ont pas encore profondément transformé notre réalité. Et pour cause, cette technologie n’a pas réussi à atteindre l’illusion d’un cerveau humain. Nous parlions un peu plus haut de création d’oeuvres par l’IA, mais ces dernières ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour remplacer la créativité des humains. Le script du film de science-fiction Sunspring a été écrit par un programme informatique, mais manque de cohérence. Côté musique, Google Magenta ou l’album Hello World l’IA montre que l’IA reste un assistant pour l’humain. Dans les jeux vidéo, il est possible d’observer un certain vide, mais aussi tout le ridicule d’un générateur de créatures comme dans No Man Sky. L’utilisation de l’IA dans le sport nous a aussi encore récemment montré ses limites.
L’effet c’est celui d’une copie de ce que pourrait faire un humain, mais un peu différente et sans un ingrédient primordial : la capacité cognitive proprement humaine, c’est-à- dire la prise en compte de l’intuition, du contexte et de la logique. Bref, encore aujourd’hui, nous avons affaire à de bien belles machines mathématiques, mais elles ne peuvent en aucun cas être considérées comme de réelles machines intelligentes au sens humain.
Mais certaines recherches notamment sur le deep learning ou apprentissage profond en français, pourraient dans les années à venir, changer la donne. La neuroscience est une science encore jeune et les technologies pas encore assez poussées pour que cela se réalise bientôt. Anticiper et calculer la probabilité des évènements à venir c’est une chose, mais utiliser le langage humain qui inclut émotion et contexte en est une autre. Quant à l’émergence d’une intelligence universelle, c’est une illusion.
Les IA dépendent encore des humains, derrière chacune d’entre elles se cache bien souvent, des hommes ou des femmes occidentales avec un bagage culturel et scientifique particulier. Elles sont encore aujourd’hui le reflet de leur créateur. On se souvient de certaines situations très embarrassantes comme Tay, l’IA de Microsoft qui en à peine 24 heures sur Twitter a proféré des insultes nazies ou encore Google Photos qui a confondu des personnes avec des gorilles. Raté, et plutôt gênant.
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À l’aube d’une révolution
Cela n’empêche pas la technologie de progresser et quelques pistes de réalisations et améliorations sont à venir dans un futur proche. Nous observons des promesses viables dans l’automatisation, l’auto apprentissage et l’auto gestion dans de très nombreux domaines comme les objets tech bien entendu, mais aussi les véhicules autonomes, la gestion d’entreprises plus performantes notamment avec le multi-cloud.
Nous pouvons notamment relever l’existence de plus en plus répandue et efficace des chats entre robots et humains qui permettent de libérer de la main-d’oeuvre et de réaliser des économies. Si on reste du côté de la tech, c’est surtout dans la domotique que la petite révolution se prépare. La maison connectée existe déjà, mais elle deviendra véritablement intéressante quand tous ces appareils seront liés les uns aux autres et auront appris de nos habitudes. Cela donnera naissance à un écosystème autonome et qui permet un contrôle total sur sa maison, qu’il s’agisse des services ou de la sécurité. Certaines taches automatisées ne seront plus des corvées comme passer la tondeuse, l’aspirateur et tout autre appareil électroménagers. Toujours grâce à l’interopérabilité matérialisée en une station centrale, vous pourrez avoir la main sur l’ambiance en jouant avec les luminaires ou transformer n’importe quelle surface plane en écran, grâce aux murs intelligents. Des robots intelligents arrivent également, ils étaient nombreux au CES 2018 comme ceux de LG ou Sony, mais ils restent encore relativement chers.
Les magasins ont eux aussi entamé cette révolution. Il existe des boutiques expérimentales de l’autre côté de l’Atlantique, à New York, qui testent l’anticipation des demandes et attentes de leurs clients. Le but est d’apporter une certaine émotion et de susciter le désir peut-être même avant que le client n’ait eu l’idée de chercher tel produit. Mystor-E utilise par exemple la reconnaissance faciale pour repérer le sexe, l’âge et les types de vêtements de la personne pour lui proposer des tenues adéquates.
C’est aussi du côté de la médecine que des progressions sont à venir. Que ce soit Google avec DeepMind, IBM, Microsoft ou même des startups, de nombreuses entreprises se sont lancées dans le pari de l’IA pour assister les professionnels de la santé. Elle a déjà fait ses preuves comme étant une aide précieuse grâce aux algorithmes qui assistent l’imagerie pour apporter des précisions, des diagnostics, aider à la décision pour une meilleure prise en charge des patients, etc. Mais reste encore que ces recherches attendent une validation clinique et doivent être conformes à la CNIL. Pour les sciences de manière plus large, l’IA s’est révélée être un outil d’aide à la découverte comme le télescope Kepler fonctionnant grâce au réseau neuronal.
Enfin, dans les relations amoureuses, amicales et sexuelles l’IA a aussi un rôle à jouer. Déjà présente dans nos applications de rencontre de type Tinder afin de nous proposer de potentiels partenaires qui correspondrait à notre profil. Et si une intelligence artificielle pouvait tomber amoureuse de vous ? Le film Her nous mettait face à ce type de relation a priori impossible. Une IA pourrait elle un jour être douée de sentiments et surtout, de ses propres sentiments ?
Des robots sexuels arrivent également avec les créations de Matt McMullen, fondateur d’Abyss Creations. Ces poupées hyper réalistes fonctionnent avec une tablette qui permet au propriétaire d’influer sur les traits de caractère et attitude du sexbot. Si pour certains cela peut être une solution pour une utilisation thérapeutique, pour tous ceux qui ne peuvent avoir de rapports sexuels pour diverses raisons, pour d’autres c’est une ouverture vers de nouveaux problèmes. L’avocate spécialiste de l’interaction homme-machine Sinziana Gutiu parle de “robotisation du consentement” et du risque de la perte du consentement entre les humains, qui peut aussi accentuer l’idée de femme-objet.
https://www.youtube.com/watch?v=jyMIYbU174s
La fin de l’humanité ou le transhumanisme
N’oublions pas le but premier de la création de ces technologies : réduire de nombreuses tâches, notamment aliénantes et répétitives pour les humains. Certains prônent même la fin du travail. Cependant, le temps que les machines nous dépassent et réussissent à reproduire des capacités cognitives, nous pourrions aussi adopter une tout autre forme de travail. Celle qui ferait la différence avec ces machines, à savoir la créativité. Avec la superintelligence artificielle, la technologie n’aurait même plus besoin de la supervision de l’humain, mais évoluerait en permanence avec ses propres règles, et sur ses propres expériences.
Mais qu’en pensent ceux qui participent à cette révolution ? Tous s’accordent à dire qu’un bouleversement aurait bientôt lieu dans les prochaines décennies et que l’IA a de fortes chances dans un avenir un peu plus éloigné de prendre une place très importante dans le monde. Un changement profond chez l’humain, vers une “singularité” comme le précise Ray Kurzweil célèbre futurologue lors de la grande conférence Future of AI SciFoo 2015. Une idée difficile à matérialiser dans nos esprits en 2018.
L’homme parle d’immortalité, de nano robots, d’hommes bioniques ou en un mot, de transhumanisme. Soit, l’homme gardera le contrôle et trouvera grâce et ces technologies un moyen de créer des humains “augmentés” qui ne feront plus qu’un avec. C’est un futur qui a largement été dépeint dans des oeuvres cyberpunk ; je pense à Deus Ex bien évidemment où la technologie est à la fois l’extension et partie intégrante d’Adam, le héros. L’idée d’implants qui pourraient rendre les humains plus heureux est largement représentée également à la fois dans la communauté scientifique et les oeuvres fictionnelles.
https://www.youtube.com/watch?v=IELW1Mdzeak
Alors que le jeu The Red Strings Club interroge le joueur sur le plan éthique, Elon Musk travaille depuis quelques années sur la confection d’un implant cérébral… et ce n’est pas le seul. Il n’est pas inutile de rappeler que les sciences dures et la science-fiction s’influencent l’une et l’autre. Et si cette dernière a parfois tendance à s’éloigner d’un certain réalisme, il lui arrive bien souvent d’être prémonitoire sur certains points. Isaac Asimov, maître de la littérature de science-fiction avait déjà imaginé en 1964 le monde de 2014. Entre les robots, les appareils électroniques sans fils, les véhicules autonomes et les moyens de communication à la fois visuels et auditifs… L’homme était visionnaire.
Certains sont enthousiastes à l’idée d’une technologie améliorant les capacités des humains et facilitant leur quotidien. Zuckerberg pense notamment que l’IA apportera une meilleure sécurité routière grâce aux voitures autonomes et des diagnostics médicaux plus précis. Facebook a encore investi des millions dans l’IA.
Mais beaucoup s’interrogent sur un avenir plus lointain et préfèrent mettre en garde. L’intelligence artificielle, arrivée à un certain stade pourrait être une menace pour les humains, voire à l’origine de leur extermination. Elon Musk s’est dit inquiet pour l’avenir de notre race. Cette dernière n’aurait, selon lui, que 10% de chance de survivre face à elle d’où son intérêt pour la création de solutions pour contrer cela et nous protéger. Une théorie avancée il y a déjà maintenant quelques années par Stephen Hawking et soutenue par Bill Gates également.
Alors que l’astrophysicien jouit lui-même de l’évolution de l’IA lui permettant ainsi de communiquer plus facilement, l’homme opte pour un discours alarmiste. “L’intelligence artificielle pourrait mettre fin à la race humaine.” Car l’évolution biologique de l’être humain est lente et la machine pourrait grâce à sa puissance de calcul se développer à une vitesse phénoménale et dépasser l’homme et la femme qui ne pourraient alors plus suivre. L’IA aurait de quoi détruire l’espèce humaine si cela lui permet d’atteindre sa propre destinée ou un but qu’elle ou son créateur s’est fixé.
C’est en tout cas ce que pensent les plus pessimistes comme Elieze Yudkowsky écrivain et chercheur américain. Le cerveau humain pourrait souffrir de cette course à l’intelligence comme instrument de pouvoir : l’ouvrage La Guerre des intelligences du Dr Laurent Alexandre nous dépeint un monde à venir sous le joug de l’intelligence artificielle et ses dangers. Beaucoup d’oeuvres fictionnelles ont par ailleurs fait retourner les robots dotés d’une IA forte contre les humains et cela n’est pas récent : Metropolis en 1927, 2001 L’Odyssée de l’espace de 1968 et même Blade Runner adaptée du roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques de Philip K. Dick. De vieux sujets qui pourraient avec le temps nous être de plus en familiers, voire bien ancrée dans notre réalité.
Reste que pour le moment, ce sont des humains qui sont derrière la machine. La technologie est créée par l’humain et pour l’humain. Il s’agit d’une discipline et non une entité ayant pour but de nous asservir. L’inquiétude à avoir aujourd’hui c’est si l’IA tombe entre de mauvaises mains aux intentions douteuses, comme le montre si bien la série de fiction Black Mirror. Je suis personnellement plus inquiète vers un basculement dystopique et de télésurveillance par l’utilisation de l’IA au service de la police et de l’État. Cela a déjà commencé en Chine par exemple avec les lunettes à reconnaissance faciale. L’histoire des robots et drones tueurs toujours sous le contrôle de l’humain a aussi de quoi faire frémir.
L’IA est un enjeu technologique fort, mais aussi économique, militaire et sociétal. Une chose est sûre, elle n’a pas fini de faire parler d’elle et de prendre une place toujours plus importante dans nos vies.
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