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GTA VI : Rockstar va-t-il se convertir au politiquement correct ?

GTA, la machine à controverse signée Rockstar, a tendance à beaucoup faire jaser. Au point d’envisager un changement de direction ?

La controverse fait vendre, ce n’est un secret pour personne. Des publicitaires aux stars du show-business en passant par les politiciens et les magazines people, il y a des gens et des institutions qui sont passés maîtres dans l’art de convertir une réputation peu flatteuse en espèces sonnantes et trébuchantes. Le monde du jeu vidéo n’y fait pas exception, loin de là; il suffit de jeter un coup d’oeil à Grand Theft Auto (GTA), la poule aux œufs d’or de Rockstar, pour s’en convaincre.

Célèbre pour son humour plus caustique qu’une pleine cuve d’acide, Rockstar n’a jamais fait dans la demi-mesure. Le studio ne fait pas que mettre les pieds dans le plat; GTA, c’est l’art de sauter dedans à pieds joints, et en éclaboussant le plus de monde possible. Criminalité tous azimuts, meurtres à gogo et morale au caniveau, c’est la recette qui a diverti les joueurs et choqué le public depuis le tout premier opus. Fondamentalement allergique au politiquement correct, la franchise se distingue aussi par son usage récurrent et décomplexé de nombreux stéréotypes raciaux, religieux, culturels et identitaires, ce qui n’est pas du goût de tous les observateurs.

Car si c’est bien la violence brute et l’omniprésence de la drogue qui étaient au centre de tous les débats autour des premiers épisodes, l’attention du public s’en est progressivement détournée pour se focaliser davantage sur des problématiques très actuelles; on peut ainsi mentionner le racisme ou la représentation de la communauté LGBTQ+. Et connaissant Rockstar qui a toujours pris un malin plaisir à appuyer sur les points sensibles, ce n’est absolument pas étonnant que GTA V ait suscité autant de réactions épidermiques.

© Rockstar

GTA, une vitrine de l’intolérance ?

L’une des thématiques qui a le plus fait débat ces dernières années est certainement la condition des femmes. Tout a changé depuis la révélation des scandales comme celui d’Harvey Weinstein, dont est parti le mouvement MeToo. Avec l’arrivée dans la sphère publique de concepts comme la culture du viol, ces interrogations et problématiques ont également fait irruption dans l’industrie, le jeu vidéo n’y faisant pas exception.

De nombreux titres ont ainsi été réexaminés à la lumière de ces événements, dont GTA. Et pour certains groupes d’observateurs, ce dernier est devenu l’exemple type d’un positionnement qui n’a plus sa place dans le divertissement. Cela commence par le fait que la grande majorité des protagonistes de la série sont des hommes. En parallèle, les femmes héritent souvent de rôles plus annexes, quitte à servir de faire-valoir aux personnalités peu flatteuses. Après tout, il faut bien admettre que cela fait quelque temps que nous n’avons pas eu droit à un personnage féminin aussi marquant que Catalina, présente dans les épisodes 3 et San Andreas. Peu après la sortie de GTA V, le magazine Edge considérait par exemple que “toutes les femmes du jeu n’existent que pour être moquées ou reluquées”.

Une opinion partagée par Carolyn Petit, dont la critique du jeu a participé à mettre le feu aux poudres. En dépit de l’excellente qu’elle a attribué au jeu (9/10), celle qui était alors rédactrice de GameSpot estimait tout de même que le jeu était “profondément misogyne”. Dans sa ligne de mire : le casting féminin, qui se limite selon elle à “des strip-teaseuses, des prostituées, des veuves éplorées, des copines sans humour et des néo-féministes maladroites“. Pas franchement flatteur.

Une position pas dénuée de fondements et qui mérite effectivement d’être débattue à tête reposée; sauf que ce texte en particulier s’est rapidement fait l’objet d’une prise de bec passionnée. Pendant quelque temps, c’est une vraie guerre ouverte qui a fait rage sur Internet. D’un côté, un premier groupe s’est rangé derrière l’avis de Petit et clame haut et fort qu’il s’agit de dérives misogynes inadmissibles. À l’autre opposé du spectre, ses détracteurs les plus fervents se sont lancés dans une véritable campagne de persécution, avec plus de 22.000 commentaires (!) sur son article, une pétition en faveur de son licenciement et même des menaces.

Sur l’épineux sujet GTA, chacun semble avoir son avis. Il ne s’agit pas ici d’argumenter en faveur de l’un ou l’autre camp. Ce qu’il est intéressant de constater, en revanche, c’est que certaines questions d’actualité qui enflamment le débat public à l’heure actuelle prennent de plus en plus de place dans des univers virtuels, comme les jeux vidéo. C’est notamment le cas des combats et des interrogations de la communauté LGBTQ+.

https://twitter.com/Bad_Durandal/status/1458860946999300110?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1458860946999300110%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.journaldugeek.com%2F2021%2F11%2F14%2Flgbt-une-mission-dans-la-nouvelle-edition-de-gta-iii-fait-polemique%2F

Depuis quelque temps, Rockstar se voit régulièrement accusé de dérives homophobes et transphobes. On se souvient par exemple des commentaires outrés en réaction à l’un des personnages principaux de GTA V, qui salue parfois des prostitués transgenres d’un “Bonjour, monsieur. Je veux dire, madame. Enfin, peu importe”; une réplique particulièrement mal accueillie par certains observateurs. Plus récemment, c’est le nouveau GTA Trilogy Remastered qui s’est fait remarquer pour des faits similaires. Les mêmes observateurs se sont indignés du fait que Rockstar ait choisi de conserver une mission polémique, qui consiste à assassiner un homme homosexuel pour protéger la réputation de son partenaire. On peut aussi citer cet article de Kotaku, qui suggère que la communauté transsexuelle est représentée dans le jeu de façon à “alimenter activement les stéréotypes haineux de certains joueurs“, comme si tout était “calculé pour être ridicule et répugnant pour les joueurs qui ramènent leur transphobie pré-existante dans le jeu“.

GTA a aussi été attaqué sur un autre terrain qui a largement gagné en exposition médiatique avec les années : le racisme. À la sortie de GTA V, chacun a pu constater le comportement peu cavalier des policiers. Mais certains sont allés plus loin, et ont cru déceler de véritable abus chez les forces de l’ordre virtuelles. Il suffit de taper “Racism in GTA” sur des plateformes comme YouTube pour tomber sur des dizaines de vidéos qui montrent toutes des exemples de situations interprétées comme racistes par une partie du public.

Cette polémique a continué d’enfler, à tel point que Rockstar a dû se fendre d’un démenti officiel. “C’est absolument faux”, martelait alors le porte-parole du groupe. “La police du jeu ne traite en aucun cas un personnage principal différemment d’un autre”, insistait-il. Mais cela n’a pas suffi à calmer le jeu, si bien qu’une partie du public reste convaincue que le jeu est intrinsèquement raciste.

La limite de l’humour, un débat vieux comme le monde

D’autres observateurs refusent cependant cette analyse. Ils y voient un miroir dérangeant et inconfortable de notre société, qui pousse certains à se tromper de cible en s’indignant de la proposition de Rockstar plutôt que des phénomènes de la vie réelle caricaturés dans le jeu. Car GTA, c’est avant tout une satire assez crue du tissu social américain à la plus large des échelles. Personne n’y est épargné; dans ce jeu, tout le monde en prend pour son grade, indépendamment des origines sociales ou ethniques, de l’orientation sexuelle ou de la personnalité.

De son côté, le studio a toujours assumé ce côté “trash” sans trembler du menton. À l’exception du racisme des policiers qui a été fermement démenti, Rockstar défend ses choix au nom de l’humour et du divertissement. Une provocation inutile pour ses détracteurs, qui y voient au contraire la relique nauséabonde d’une mentalité rétrograde qui traîne à disparaître. Le débat reste ouvert du côté des observateurs, et pas toujours de façon très cordiale. Mais plutôt que de clouer Rockstar au pilori ou de balayer ces critiques d’un revers de la main, il est plus intéressant de se demander en quoi elles pourraient impacter le développement et le succès du futur GTA VI.

Car il serait déraisonnable de sous-estimer la portée de ces revendications. Un exemple parmi d’autres : en 2014, le géant de la grande distribution Target avait pris la décision de retirer le jeu de ses rayons en Australie. Une réponse directe à la publication d’une pétition en ce sens qui a reçu plus de 40.000 signatures. Est-ce là un acte de démagogie opportuniste ou une réaction logique et proportionnée? Les avis étaient partagés. Il faut cependant garder en tête que Rockstar n’est pas un responsable politique, mais un studio de jeu vidéo; en tant que tel, son travail relève en grande partie de l’expression artistique. Une conception encore débattue mais qui commence à rentrer dans les mœurs, comme en témoigne l’adoubement de la discipline en 2018 par Franck Riester, alors Ministre de la Culture.

La caricature au nom de la liberté artistique

C’est sur cette base que Rockstar continue d’aller de l’avant, et de défendre bec et ongle sa liberté artistique. Un concept défini par l’UNESCO comme “la liberté d’imaginer, de créer et de distribuer des expressions culturelles diverses sans censure gouvernementale, interférence politique ou pressions exercées par des acteurs non étatiques”. Si l’on s’en tient à cette définition, la diffusion des scènes présentes dans GTA est donc tout ce qu’il y a de plus défendable. Mais avec l’accumulation des épisodes de ce type, on peut légitimement se demander jusqu’à où Rockstar pourra maintenir cette formule. Va-t-il porter une attention toute particulière à ces problématiques pour tenter d’éviter une chasse aux sorcières ? Ou, au contraire, va-t-il sciemment souffler sur les braises en poussant le curseur encore plus loin ?

C’est une question que les directeurs artistiques du studio se sont évidemment posée… et à laquelle il est très difficile de répondre. Dans une interview à GQ, le co-fondateur de Rockstar Dan Houser laissait entrevoir à quel point ce climat force ses équipes à marcher sur des œufs. “Nous ne sommes pas encore au clair sur la façon dont nous allons l’aborder, ni si ce que nous avons déjà produit rendrait les gens furieux ou pas”, expliquait-il.  Car si l’on fait abstraction des réactions extrêmes et injurieuses, il s’agit tout de même de questions de société importantes dont il est nécessaire de pouvoir débattre de manière saine et constructive. On touche alors du doigt une question presque philosophique sur le rôle des œuvres à dimension artistique dans la société. Avec leur prochain épisode, les troupes de Rockstar devront donc décider de l’identité future de GTA dans ce contexte médiatique.

Au bout du compte, la controverse est aussi une forme de publicité gratuite… © Rockstar

GTA VI, une charnière identitaire

En tant que béhémoth culturel, GTA doit-il devenir le fer de lance de ce nouveau mouvement ? Il serait injuste d’esquiver la question sur la base d’arguments de type  “ils ont toujours procédé ainsi”, ou “ce n’est qu’un jeu”. Mais sans vouloir accuser qui que ce soit de censure, il serait tout aussi inapproprié de forcer un jeu vidéo à porter un message d’engagement social et d’exemplarité contre sa volonté, ce qui reviendrait à dénaturer une forme d’expression artistique.

À l’inverse, le jeu doit-il revendiquer pleinement sa composante politique et assumer un rôle de vecteur de débat social ? C’est une pente résolument glissante, mais qui peut récompenser les audacieux. D’autres médias ont réussi à manier la subversion avec une certaine maîtrise, parfois au point d’en faire leur marque de fabrique; dans un genre assez différent, on pense par exemple à South Park. Pour ceux qui n’en sont pas familiers, il s’agit d’un cartoon à succès qui aborde frontalement des questions de société souvent compliquées sans s’embarrasser un tant soit peu du politiquement correct. Mais au bout du compte, Rockstar n’a aucune obligation de choisir un camp : GTA pourrait simplement refuser tout blason politique et se contenter d’être… amusant pour son public de prédilection, tout en faisant abstraction de la controverse.

GTA pourrait-il se réinventer et satisfaire tout le monde sans se renier pour autant ? Cela semble hautement improbable; après tout, un très grand monsieur avait pour habitude de dire que l’on peut “rire de tout, mais pas avec n’importe qui“. Mais Rockstar a-t-il vraiment intérêt à le faire ? Éthiquement parlant, le débat reste ouvert; en revanche, d’un point de vue strictement commercial, la question ne se pose pas. C’est un “non” retentissant. Aujourd’hui, la controverse est aussi une forme de publicité gratuite pour ceux qui n’ont pas peur d’en gérer les retombées; et ça, liberté artistique ou pas, Rockstar en a fait son fonds de commerce depuis bien longtemps déjà.

 

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11 commentaires
  1. Vu les millions de joueurs je pense pas que le politiquement correct soit au centre des préoccupations et encore moins l éthique.
    Car alors faut plus pouvoir sortir qq de sa caisse et le finir à coups de talons …quoi que les talons aiguilles y a du potentiel.
    Peut être que c est un défouloir qui permet de déconner sans avoir 1% de la population mondiale qui censure le reste .
    Et celles et ceux que sa dérange je serai cash , jouez à autre chose

  2. Mais est-ce que vous êtes malades ?
    GTA est fait pour ça pour provoquer.
    C’est le jeu qui t’offre la possibilité de ne pas avoir à être comme dans le monde réel emprisonné dans le politiquement correct.

    Bien qu’un personnage à la catalina pourrait être intéressant le reste n’est que folie…..

    Donc on ne tue plus ?
    Donc on ne vole plus ?
    Donc on ne magouille plus ?

    Mais vous vous rendez compte …. on a déjà perdu leslie benzies et maintenant on perdrait l’âme de GTA réveillez vous !!!!!!!!

  3. Saga dans la plus populaire du monde er dont le but est justement pas le politiquement correct et… C’est un JEU. Y a absolument rien de reel… Donc parce que y a quelques débiles qui y jouent on va punir la totalité des joueurs ?
    Ça risque de leur faire tout drôle quand ils ne vendront plus autant d’exemplaires tiens !

    Au passage pour la fameuse mission où fait tuer un gay dans sans Andreas, ça aurait été tant un problème si ça avait été le fait de tuer un homme blanc hétéro cis genre ? Y a fort à parier que non.

    Des jeux catégorisé LGBTQ++lapraline y en a des tas aujourd’hui, et au passage certains sont très bon (même si c’est pas une majorité…) pourquoi dénaturé GTA qui, je le rappelle, est un jeu caricaturales de l’Amérique profonde justement ?

    Bref à voir ce qu’on appelle “politiquement correcte” mais comme ça, ça donne pas envie.

    Et surtout ça va être quoi la prochaine étape ? Plus possible de faire des combats de pokemons dans pokemon parce que des idiots ont décrété que ça ressemblait trop à des combats de chiens ce qui n’est pas très vegan ?

  4. Honnêtement la plupart des gens qui s’en plaignent n’auraient jamais pris le jeu en main même s’il n’était pas controversé. Mais bon allons nous plaindre du manque de femmes en protagonistes dans un jeu sur des criminels, c’est sûr que la population carcérale des États Unis se compose de 50/50 homme/femme, et que donc la représentation est réaliste et nécessaire. C’est comme se plaindre que dans un film de mafia on ne verrait pas assez de femmes dans le rôle de gangsters. C’est pas comme ça dans la vraie vie.

  5. Franchement si ils s’amusent a de la propagande sjw je boycotterai puisque de toute façon je n’y prendrais aucun plaisir a y jouer . Tout comme the last of us 2 , watch dogs , far cry 6 . Qui ont été ruiner par la propagande

  6. Est ce que Nick Conrad à été condamné ?
    Est ce que ses chansons sont censurées ?
    NON alors foutez nous la paix avec nos jeux c’est de la catharsis vidéo-ludique

    Et ça me fait rire de voir où sont les priorités..
    On peut plus faire certaines missions jugés homophobes ou sexiste ou je ne sais quoi mais par contre on peut toujours acheter des armes et massacrer à gogo des flics lol
    Si les cancel culturistes gagnent il faudra renommer GTA grand theft auto en PMCID Petit Monde Chiant Inclusif Démobilité

  7. Hey.

    Après sur GTA ONLINE, j’ai personnellement un bon nombre de rôles secondaires en meufs. La patronne du Casino, Paige, celle qui veut braquer le Casino, les assistantes securo serv… et la possibilité d’un Playermodel féminin aussi.

    Le mode RP de GTA permet également le politiquement correct. Mais bon. T2 et R* préfèrent copyright et DMCA claim les logiciels, mods etc ce qui empêche un tel mode RP à 100%.

    Voilà c’était ma correction à votre publication.

  8. sinon rien à voir mais “Célèbre pour son humour plus caustique qu’une pleine cuve d’acide” ne veut pas dire grand chose.
    Ce qui est caustique étant basique, c’est à dire avec un pH fort, ce qui est acide ayant un pH faible, la soude caustique sert à tamponner les acides forts…
    voilà voilà belle journée 🙂

  9. Pour celles et ceux qui se plaignent de SA qui pousse au meurtre d’un gay, je vous invite à jouer a GTA IV, où vous prenez la défense d’un ami gay. Mais pardon, GTA IV c’est toujours GTA, donc est et resté offensant. Et je ne comprends pas comment cela se fait-il que le gouvernement Albanais n’aie toujours pas porté plainte pour offense quand on doit tuer des Albanais dès le début de GTA IV.

Les commentaires sont fermés.

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