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Un geek découvre le jeu-vidéo… en 2050

En 2050, le jeu-vidéo se contentera-t-il encore du score, de l’élimination et des mondes ouverts ? Faudra-t-il toujours avoir du “skill” pour jouer correctement ? A travers une série d’articles thématiques, le Journal du Geek vous invite à découvrir un monde futur possible en 2050.

Crédits : Epic Games.

Bienvenue dans le futur – ou plutôt, dans un futur. Le Journal du Geek vous propose un exercice de réflexion un brin science-fictionnel décliné sur six axes thématiques, sur six visions de notre monde tel qu’il pourra être dans trente ans – en 2050. Cette série de chapitres composés chacun d’une partie narrative fictionnelle et d’une partie informative, n’a pas pour but de simplement dépeindre ce que nous espérons ou redoutons. Elle n’a pas non plus de caractère exhaustif et passera volontairement à côté de certains sujets dits, actuellement, « d’avenir ». Son humble objectif est d’apporter un regard nouveau – parfois, un peu dingue mais plus ou moins plausible – et de nous projeter, à l’aide d’experts sur les sujets abordés, sur l’évolution future de problématiques technologiques, culturelles et sociétales importantes. Après l’espace, le cinéma, l’environnement, la technologie et le travail, nous nous penchons, pour finir, sur le jeu-vidéo. Vous êtes prêt ? Suivez le guide !

FICTION. Au concert de « jazz house » auquel Artemis et moi nous sommes vus sur Fortnite hier soir, elle m’a invité à une sortie IRL ensemble. Elle m’a parlé d’une salle néo-arcade en plein Paris dans laquelle elle voulait absolument m’emmener. Je n’ai pas tout compris mais j’ai bien sûr accepté. J’ai dû prévenir V que je ne pourrais pas finir la quête que nous avions commencé ensemble sur Postpunk 2177, un hommage à un jeu sorti à l’aube de la dernière génération de ce qu’on appelait « console de salon ». De toute manière, avec son implant neuronal dans le crâne et sa tenue haptique sur la peau, et moi avec mon simple casque de réalité virtuelle sur le nez, nous sommes toujours en décalage l’un de l’autre et les parties s’éternisent toujours.

Quand je rejoins Artemis sur place, mes réflexes claustrophobiques naturels s’activent. L’endroit s’appelle le « Hell’s Club » et regorge de monde. J’ai rarement l’habitude de croiser autant de personnes à la fois. Artemis, elle, semble dans son élément et reconnaît même les hologrammes de certains réguliers. Des clients en présentiel sont tous affairés autour du robot-barman. D’autres, des gamins d’à peine 6 ou 7 ans avec leurs parents ou des couples d’au moins 80 ans, dont certains sont en fauteuil roulant, sont installés devant d’immenses machines qu’Artemis appelle des « bornes d’arcade ». Elle m’explique que le concept a presque un siècle mais que, depuis plusieurs années, il a été réadapté en Corée du Sud et dans les pays nordiques. Cette renaissance a été réalisée, selon elle, pour s’opposer aux « jeux salariaux » : des logiciels ludiques sur mobile, édités par des entreprises et fournis à chacun de leurs salariés (et surtout, leurs enfants) comme bonus, mais qui cachent en réalité des collectes de données. Les jeux vidéo auxquels ces bornes permettent de jouer n’ont rien de ce qui caractérise généralement mon expérience vidéoludique : il n’y a pas de score, il n’y a pas de barre de vie et il n’y a parfois même pas de manette. Toutes les bornes sont gratuites tant qu’au moins un verre est consommé – à tel point que je me demande si Artemis est vraiment autant anti-consommation qu’elle prétend l’être. Certains jeux ne durent que quelques minutes.

Au centre, une énorme table rassemble plusieurs dizaines de personnes armés de petites figurines de monstres, le plus souvent faites à la main. Artemis m’explique qu’ils prennent tous parts à une session de jeu de rôle transmédiatique : les joueurs sont représentés par des figurines tangibles, posées sur la table, qui sont en plus transposées sous la forme d’immenses projections holographiques. Lorsqu’un participant exprime une action, la projection de son personnage se charge immédiatement de la réaliser avec précision. Les effets de cette action se répercutent sur nos lunettes connectées qui, automatiquement liées au système intelligent de la table de jeu, nous délivrent des informations en réalité augmentée. Artemis voit que ma curiosité est à son comble et me sourit : elle sort de sa poche deux figurines à notre effigie qu’elle a fabriquée elle-même et nous intègre ainsi dans la partie.

RÉALITÉ. Malgré les trois décennies qui séparent 2020 de 2050, le jeu vidéo de demain semble se dessiner sous nos yeux. S’il est impossible de prévoir quels genres de jeux ou nouvelles technologies nous réservera 2050, la façon dont la pratique vidéoludique sera entreprise et consommée s’esquisse déjà à l’heure actuelle. « On va bientôt se retrouver devant une limite physique (car) on arrive à la fin de la miniaturisation, nous explique Douglas Alves, enseignant en histoire et culture du jeu-vidéo. La dématérialisation (et) le streaming ont donc des chances, au niveau technique, de s’imposer » notamment grâce à une meilleure connexion, celle du réseau 5G à venir et de ses successeurs.

Mais le « cloud-gaming » démocratisé ne sera pas seul synonyme de jeu-vidéo en 2050. Mehdi Debbabi-Zourgani, enseignant, lui aussi, en game-design et game studies mais aussi auteur de plusieurs ouvrages sur le jeu-vidéo, en est convaincu : « la perspective, c’est élargir le jeu-vidéo. Le rapport au jeu-vidéo ne sera plus unilatéral : on pourra s’affranchir du dictat qui veut que plus un jeu est (photoréaliste) et long, plus son monde est ouvert et riche et plus il est forcément meilleur que les autres. »

D’après les deux spécialistes, le jeu-vidéo pourra redevenir le support d’une expérience ludique, au sens large, sous différentes formes. « On pourrait imaginer un jeu qu’il serait possible de tester dans un bar, sans besoin de posséder une grosse machine ou de maîtriser les codes », imagine Mehdi Debbabi-Zourgani. Selon lui, la prochaine conquête sera surtout celle de l’accessibilité afin que les jeux et des machines pensés pour les personnes en situation de handicap ne soient plus seulement à la marge. Les Game Awards 2020 vont notamment tenter de les intégrer dans une nouvelle catégorie, « Innovation in Accessibility. » Douglas Alves, lui, voit dans ce que fait un jeu en ligne tel que Fortnite avec ses concerts à la fois une nouvelle forme de salle d’arcade et l’acceptation du jeu-vidéo en tant que « transmédia. » « En 2050, le jeu-vidéo aura mûri et sera devenu un média adulte, prédit Douglas Alves. Techniquement, (il aura atteint) la fin de son adolescence et sera aussi beaucoup plus facile à faire (et à modeler) pour les créatifs. »

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