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Un geek, des IA et des robots … en 2050

Le monde du travail serait-il peuplé davantage de robots et d’IA que d’humains en 2050 ? Les IA seront-elles à la hauteur dans trente ans ? A travers une série d’articles thématiques, le Journal du Geek vous invite à découvrir un monde futur possible en 2050.

Crédits : Ford Motor Company.

Bienvenue dans le futur – ou plutôt, dans un futur. Le Journal du Geek vous propose un exercice de réflexion un brin science-fictionnel décliné sur six axes thématiques, sur six visions de notre monde tel qu’il pourra être dans trente ans – en 2050. Cette série de chapitres composés chacun d’une partie narrative fictionnelle et d’une partie informative, n’a pas pour but de simplement dépeindre ce que nous espérons ou redoutons. Elle n’a pas non plus de caractère exhaustif et passera volontairement à côté de certains sujets dits, actuellement, « d’avenir ». Son humble objectif est d’apporter un regard nouveau – parfois, un peu dingue mais plus ou moins plausible – et de nous projeter, à l’aide d’experts sur les sujets abordés, sur l’évolution future de problématiques technologiques, culturelles et sociétales importantes. Après l’espace, le cinéma, l’environnement, et la technologie, nous nous penchons cette fois sur le travail. Vous êtes prêt ? Suivez le guide !

FICTION. V et moi sommes en sortie scolaire. Disons plutôt que je suis techniquement en sortie scolaire tandis que V ne fait qu’y participer virtuellement. Tels sont les avantages de profiter la meilleure connexion de la ville et des équipements de projection communicationnelle et corporelle holographique de dernier cri. Quant à moi, et une bonne partie du reste des élèves en option science robotique, nous sommes réduits à piétiner pendant une matinée dans un entrepôt Neuralink. C’est là que nous effectuerons notre stage de fin de terminale la semaine prochaine. Nous sommes les seuls êtres humains présents dans l’immense usine. Le robot chef de secteur, une sorte de quadrupède mécanique monté d’un plateau de laquelle émane une image parfaitement photoréaliste d’une personne en bleu de travail, nous guide à travers les diverses chaînes d’assemblage où sont attelés des robots ouvriers verticaux, semblables à des lampadaires à roulette.

Avec toute la nonchalance qui caractérise les IA parlantes, le robot chef de secteur nous donne un aperçu du fonctionnement de l’entreprise. En accord avec les principes passéistes du vieil Elon Musk, Neuralink France est l’une des rares sociétés à faire appel à des cadres exécutifs humains plutôt qu’à des IA décisionnelles. Idem pour ses concepteurs et ingénieurs, qui doivent absolument se baser sur leur propre créativité pour rester employés chez Neuralink. La plupart, comme la majorité des travailleurs actuels, pratiquent le télétravail et habitent en province – loin des tristes rues grises, inanimées et dépeuplées du grand Paris. Le robot-guide nous explique cependant qu’ils ne peuvent pas se la couler douce et doivent respecter les chartes de rendement évalués en temps réel par des « intelligences ressourcielles », des IA-RH, sous peine d’un entretien fâcheux.

Notre but, en tant que stagiaire, sera d’assister ces cadres humains dans le volet gestion. Traduction : nous aurons la charge de vérifier la productivité des robots ouvriers et d’en « licencier » un, au besoin, à la moindre baisse de rendement – comme le font les IA-RH avec les humains. Le robot licencié sera disséqué par des robots réparateurs et remis sur pied, après une vérification effectuée par un logiciel diagnostic. A cet instant, l’hologramme de V s’agite : il est furieux. Il n’a aucunement l’intention d’être aussi peu « humain » avec ces robots. V fait partie d’un mouvement militant d’anthropoluddiste. Contrairement au luddisme anti-robots, il tend à considérer les machines et les robots travailleurs comme détenteurs des mêmes droits que les rares ouvriers humains qui existent encore dans certains secteurs de l’artisanat. L’IA, qui nous sert de guide, lui rappelle qu’il a toute la liberté de refuser ce stage. Toujours virtuellement rouge de colère, V se déconnecte, dissociant son implant Neuralink de la visite guidée. Moi qui vit dans un immeuble de bureau réaffecté, suite à la loi sur le télétravail généralisé, je n’ai pas le choix, je dois continuer à supporter cette visite guidée ennuyeuse. Ma famille n’a pas exactement le luxe de me laisser perdre une rentrée d’argent supplémentaire, même pour un temps.

RÉALITÉ. En 2020, les robots et les intelligences artificielles sont déjà des parties intégrantes du monde du travail. Une usine américaine du constructeur automobile Ford vient d’adopter deux robots chiens de Boston Dynamics pour l’aider à optimiser et réorganiser ses chaînes de production. Quant à l’IA, si elle se contente aujourd’hui d’analyse statistique plus ou moins poussée et de compilation de données, elle parviendra un jour, in fine, à conseiller les plus grandes entreprises pour tout type de décisions, y compris managériales. Des chercheurs et ingénieurs en « machine-learning » de l’université technologique de Darmstadt, en Allemagne, ont déjà mis au point dans cette optique une IA qu’ils ont surnommé la « machine à choix moraux » (MCM). Après avoir ingurgité pléthores de textes divers et variés distribués sur plusieurs siècles de l’histoire de l’humanité, cette IA est l’une des rares à considérer un même terme de diverses manières en fonction du contexte plus global de la phrase. Elle se dote ainsi d’une « boussole morale » qui lui permet de répondre à des questions aux thèmes très larges.

Selon une enquête de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) de 2016, la robotisation ne menacerait en moyenne « que » 9% des emplois recensés dans 12 pays membres, dont la France. Sous cette moyenne se cache néanmoins de lourdes disparités qui pourraient transformer le secteur industriel : 40% des emplois demandant le moins de diplômes seront robotisés. En 2019, l’OCDE soulignait néanmoins une tendance à la hausse plus importante que prévue. Selon ses économistes, ce serait en réalité 14% des emplois menacés d’être automatisés par une IA ou un robot d’ici 2040. « Les politiques choisies par les gouvernements seront déterminantes pour limiter le nombre de travailleurs exclus dans le futur », attestait Stefano Scarpetta, économiste au sein de l’institution, auprès du journal Le Monde.

Mais cette « robolution industrielle » qui transformera le prolétariat actuel ne concernera pas seulement les cols bleus. Des chercheurs, interrogés en 2016 par Le Journal du CNRS sur le sujet, craignaient surtout que des emplois « très automatisables », comme en comptabilité, ne soient très rapidement remplacés par des postes non-humains. A l’inverse, des métiers à la fois artisanaux et mobilisables, comme jardinier, seraient moins menacés. Les carrières artistiques et spécialisées, comme la chirurgie, pourront elles aussi être victimes de la « robolution » à venir (ou déjà en cours ?). D’après une étude publiée en 2017 par 352 experts en la matière, selon les bonds technologiques effectués d’ici là, il existe à l’heure actuelle 50% de chance (ou de risque ?) qu’une IA soit assez performante pour rédiger un véritable best-seller ou maîtriser la médecine chirurgicale. Face à ses projections, beaucoup se demandent s’il ne serait pas nécessaire de transformer l’entreprise telle qu’on la connaît depuis des décennies.

Au-delà de la question des robots et des IA qui pulluleront dans n’importe quelle entreprise future, « que faire d’une ‘non-organisation’ telle que Wikipédia, d’un groupe réuni autour de la création d’un logiciel libre, des ‘mineurs’ de Bitcoins ou encore, des ‘travailleurs digitaux’ qui nourrissent les plateformes sociales en contenus ? » s’interrogeaient les chercheurs de l’Institut Mines-Télécom (IMT) en 2017 à travers l’ouvrage collectif « Entreprise du futur : les enjeux de la transformation numérique ». Leur réponse ? « Soit le ‘business as usual’ perdure et nous nous orientons vraisemblablement vers des crises longues et cruelles, soit nous serons capables de transformer en profondeur nos systèmes de production, de consommation, sociaux, de formation (et) de santé. » Par ailleurs, si le secteur du numérique continue de s’étendre aux autres secteurs, il devrait accompagner une adoption en masse du télétravail – et, par extension, du télécours, pour les étudiants. Les entreprises prendront donc beaucoup moins de place et n’auront plus à s’installer dans les points névralgiques comme la capitale. Les immeubles de bureau abandonnés serviront à la population toujours grandissante tandis que la province continentale, plus facile à vivre et loin des inondations incessantes du futur, finira peut-être par être repeuplée par les cadres du secteur. Après tout, si des géants comme Google, Facebook ou Twitter adoptent déjà le télétravail en masse, pourquoi pas le reste du monde ?

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