Bienvenue dans le futur – ou plutôt, dans un futur. Le Journal du Geek vous propose un exercice de réflexion un brin science-fictionnel décliné sur six axes thématiques, sur six visions de notre monde tel qu’il pourra être dans trente ans – en 2050. Cette série de chapitres composés chacun d’une partie narrative fictionnelle et d’une partie informative, n’a pas pour but de simplement dépeindre ce que nous espérons ou redoutons. Elle n’a pas non plus de caractère exhaustif et passera volontairement à côté de certains sujets dits, actuellement, « d’avenir ». Son humble objectif est d’apporter un regard nouveau – parfois, un peu dingue mais plus ou moins plausible – et de nous projeter, à l’aide d’experts sur les sujets abordés, sur l’évolution future de problématiques technologiques, culturelles et sociétales importantes. Après un premier volet consacré à l’espace, nous nous penchons cette fois sur l’avenir du cinéma. Vous êtes prêt ? Suivez le guide !
FICTION. V m’appelle dans mes écouteurs connectés. Notre cours de science robotique vient à peine de se terminer. Mon ancien modèle d’imprimante 3D reconstruit doucement les parties de la prothèse que je dois parvenir à remonter moi-même avant demain. V est tout excité. Il vient de voir qu’une soirée rétro Avengers, remasterisé en expérience Triple H (hommage haptique holographique), est prévue ce soir au grand mk2 Paris, l’une des dernières grandes salles multiplex de cinéma qui pullulaient jadis dans la capitale. C’est un cinéphile sur le bout des doigts. Il n’arrête jamais de me parler des derniers nouveautés en matière d’animation chinoise et de « micro-movies » utopiques réalisés par les néo-hippies de Nouvelle-Zélande. Son genre préféré ? Les films indiens en « space cinema », qui tentent inlassablement de réaliser le nouveau Tom Cruise sur la Lune ou sur Mars, trois décennies après.
Crevé par mon aller-retour du matin pour ma séance obligatoire d’EPS au lycée, je lui avoue que j’envisageais de faire profil bas ce soir. J’espère pouvoir monter le bras robotique assez vite devant un ou deux épisodes de Raised By Wolves – une vieille série de science-fiction comme je les aime – avant d’attaquer mon « crypto-mining » nocturne pour alimenter mon argent de poche. Je prétexte à V que je n’ai pas assez d’argent pour me rendre sur place puis d’y louer la tenue haptique nécessaire et que je ne sais pas si j’aurais le temps de finir notre devoir du jour avant.
V est riche et, grâce à son imprimante virtuelle dernière génération, il aura déjà certainement rendu sa prothèse montée, en version numérique à 360°, avant de partir à la séance de cinéma. V, toujours pragmatique, me propose de payer un ticket suivant le forfait en « projection distancielle ». Comme il me le rappelle judicieusement, il me permettra de voir les films en superbe définition, un casque VR sur le nez et d’interagir avec les autres par la voix. Celle-ci ne sera pas retransmise dans les implants oculaires de V, normalement fournis avec la tenue haptique, sur place, pour ne pas déranger les autres spectateurs. V profitera de son nouvel implant Neuralink pour recevoir mes paroles directement dans son cerveau et me retranscrire ses pensées en réponses. Finalement, j’accepte : après tout, ça fait si longtemps qu’il n’y a pas eu de films de super-héros au cinéma.
RÉALITÉ. « Le cerveau sera-t-il le lieu ultime où le cinéma demeurera, quand il n’y aura plus ni salle ni écran ? » se demande Olivier Asselin, enseignant en cinéma à l’université de Montréal dans un article édifiant du dernier numéro de la revue Cinémas (Journal of Film Studies), Le cinéma éclaté . « L’expérience cinématographique collective (en salle) ne disparaîtra pas parce qu’elle est fondamentale selon moi, mais elle va s’exacerber (ou) changer de définition », nous répond Guillaume Soulez, directeur du numéro en question mais aussi de l’IRCAV (Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel) à Paris. D’après lui, le cinéma de 2050 sera avant tout multiple.
Il se présentera à la fois sous une forme extrêmement immersive que son homologue québecois appelle « cinéma neuronal ». Ce dernier s’exempte de salle, de grand écran et de pellicule par le biais d’un implant neuronal – comme ce que commence à développer, lentement mais sûrement, la start-up Neuralink d’Elon Musk. Dans les prochaines années, la distance entre l’objet filmique et notre cerveau va s’estomper : « nous allons petit à petit passer de l’écran à des lunettes connectées puis à des implants oculaires qui simuleront électriquement notre pupille jusqu’à des implants neuronaux », pourquoi pas, accompagnés de tenues haptiques façon Ready Player One. Pour conserver sa fonction sociale, malgré une telle individualisation de sa pratique, Guillaume Soulez imagine même de pouvoir « interagir directement avec les autres spectateurs pour délibérer » ou d’avoir « un accès instantané aux commentaires du réalisateur » en pleine séance. A vrai dire, avec un peu de chance, n’importe qui peut déjà y parvenir en pleine session de visionnage sur Netflix à l’aide de Twitter.
« Les usages fondamentaux du cinéma – pourquoi on en consomme, sa fonction sociale – seront conservés mais les modes et usages prendront d’autres formes, explique le chercheur. Le cinéma passera d’une expérience canonique à une expérience fluide » sans réelles frontières. Dès lors, on pourrait imaginer, par exemple, rejouer n’importe quel film face à des projections holographiques de son décor et de ses personnages dans le cadre d’un nouveau genre de rave party. Le cinéma traditionnel, en salle, sur grand écran et sur pellicule, ne fera que coexister avec ces nouvelles approches. « Pour certaines personnes, il restera indispensable de voir des films sur grand écran, avec une finition parfaite, de façon canonique sur du 35 millimètres », se doute Guillaume Soulez. Et selon lui, les multiplex – comme ceux des chaînes UGC ou mk2 – se démultiplieront (comme c’est déjà le cas actuellement si à la débâcle des blockbusters post-COVID-19) et finiront par cohabiter avec seulement quelques salles indépendantes thématiques.
Outre le médium lui-même, quid de l’industrie du cinéma en 2050 ? Hollywood restera-t-il fermement planté sur son piédestal ? « C’est un système assez pérenne (et) une grande machine à recycler, il sera donc difficile de stopper le monopole de Disney, par exemple », souligne Guillaume Soulez. Mais d’après lui, il est fort possible que le modèle du blockbuster américain tel qu’on le connaît aujourd’hui soit sérieusement concurrencé à l’avenir par d’autres courants, qui échapperaient à l’industrie hollywoodienne, comme l’animation japonaise (ou chinoise), les séries norvégiennes ou les télé-novelas. D’autant plus que les progrès en matière de traduction automatique faciliteront grandement la disponibilité des sous-titres. Déjà, en novembre 2018, le laboratoire de recherche en intelligence artificielle de Facebook France avait présenté un moteur de traduction dite non supervisée et doté d’une dimension contextuelle inédite. En somme, d’ici trois décennies, « le cinéma deviendra une sorte de plateforme à partir de laquelle on pourra avoir accès à des expériences multiples » quelque soit l’origine ou la langue du spectateur.
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Si ça continue avec ces conneries électroniques il n’y aura plus de cinéma en 2050 mais je serai mort
Dans 30 ans, si on continue de vouloir produire des merdes, nous serons tous morts !
En 2050 , on serait entrain de combattre des robots qui prennent en otage des humains dans ce qu’ils appellent la matrice.