*Attention si vous n’avez pas vu la série, risque de spoil*
Game of Thrones est diffusée depuis 2011 et si le démarrage a été lent, le succès n’a pas tardé à être au rendez-vous. En fin de saison 1, la série touchait environ 3.02 millions de spectateurs aux Etats-Unis et elle en attirait plus de 12.07 millions à la fin de la saison 7. Comment une série d’héroïc fantasy, un genre qui n’a pas pour habitude de mobiliser les foules en matière de série TV, a pu devenir la série de la décennie ? En s’appuyant sur les propos échangés durant une conférence qui s’est tenue au salon du Livre de Paris, nous avons essayé d’en comprendre les rouages. Mathias Lavorel, auteur de Comprendre Game of Thrones quand on n’est pas fan mais que tous nos amis le sont, Florence Lottin, éditrice française de Georges R.R. Martin et Jon, administrateur du site La Garde de Nuit ont débattu autour du sujet épineux : Game of Thrones : saga de la décennie ?
Un mélange éclectique des genres
On ne devient pas la série plus piratée du moment en un claquement de doigts. Certains y voient le signe du génie de Georges R.R Martin mêlé à celui des showrunners David Benioff et D.B Weiss. D’autres parlent d’une arrivée à point nommé. Elle serait venue combler un manque en renouvelant un genre. Est-ce que sa voie était toute tracée ? Mathias Lavorel semble pencher pour cette option : “Elle est arrivée à un moment où d’autres séries avaient ouvert le passage à un nouvel univers”.
Si vous posez la question à Florence Lottin, l’éditrice française de Georges R.R Martin, ce qui fait le succès de la série, elle vous répondra sans hésiter : “Tout”. L’une des raisons du succès retentissant de la série est selon elle, sa façon réussie de mélanger différentes thématiques : trahisons, politique, dragons, batailles… Pour Mathias Lavorel, peu importe à quelle époque se déroule la série et dans quel monde elle s’incarne : le pouvoir, la sexualité et la violence résonnent toujours avec notre quotidien. Martin a su savamment contrebalancer le monde magique par la description d’un monde réaliste.
Un monde détaillé mais maîtrisé
Game of Thrones qu’est-ce que c’est ? C’est un univers fourni. Comme le rappelle Jon : “L’arbre généalogique des différentes familles s’étalent sur des centaines d’années et pourtant, on connaît le nom d’absolument tous les personnages” (même si on ne les retient pas, soyons honnêtes). Un univers aussi vaste et documenté est assez rare dans l’univers de la fantasy. Si certains fans connaissent l’univers sur le bout des doigts, la plupart de ceux qui suivent la série perdent d’ailleurs souvent le fil. Critictoo a rafraîchi la mémoire des fans en établissant une top liste des 99 personnages de Game of Thrones et on doit avouer qu’on en avait oublié une bonne partie.
Histoire d’aller au fond des choses, Martin a imaginé des langues propres à chacun des peuples. Il aurait pu s’arrêter au Dothraki mais non l’auteur s’est amusé à développer d’autres langages comme le Skroht (langue des marcheurs blancs) et bien d’autres encore. Si vous voulez développer vos connaissances en la matière, Babbel s’est chargé d’établir un listing. Ces langues tiennent une grande place dans les livres. C’est cependant moins le cas dans la série. La représentation de ces langues a été un véritable dilemme pour les showrunners : comment filmer une langue qui n’existe pas ? C’est pour cela que la plupart des dialogues ont directement été retranscrits en anglais. On pourrait vous donner des milliers d’autres détails mais vous avez compris le principe : tout a été pensé minutieusement.
Une adaptation trahie mais réussie
Au départ, Georges R.R Martin, auteur de la saga littéraire, avait conçu son oeuvre pour qu’elle ne puisse jamais être adaptée. Si l’univers paraissait incompatible avec le cinéma, le format de série télévisée constituait en revanche une piste. Ce ne fut pas une mince affaire pour autant. En effet, pour la petite anecdote, deux pilotes avaient été tournés. Dans la première version, les acteurs n’étaient pas ceux que nous connaissons tous. Durant les projections tests, les premiers spectateurs n’avaient même pas compris que Jamie et Cercei étaient frères et sœurs. Lors de l’écriture du second scénario, pas question de refaire la même erreur. Martin a testé David Benioff et DB Weiss, les actuels showrunners de la série. Les bruits de couloirs rapportent que l’auteur leur aurait demandé leur pronostic sur qui était la mère de Jon Snow. La rumeur ne donne pas d’indice sur leur réponse mais elle devait être concluante sinon la série qui défraye la chronique aujourd’hui ne serait pas ce qu’elle est.
Le succès repose peut-être aussi sur le fait que les showrunners ont pris un tournant différent de celui entamé dans les livres. Le premier opus est publié au début des années 90 et plus de trente plus tard, elle n’a toujours pas trouvé de point final. Comment la fin de la série a donc pu être écrite alors que la saga littéraire n’a toujours pas de fin ? Si Martin a toujours collaboré à l’écriture du scénario de la série télévisée, il s’est largement écarté de la ligne directrice de ses livres. D’autres adaptations ont d’ailleurs suivi l’exemple depuis. On peut penser à la série The Handmaid’s Tale qui a choisi de brillamment continuer là où le livre s’était arrêté.
Le schéma de cette saga n’a rien à voir avec ce que l’on a pu voir avant. Si Martin est clairement un héritier de Tolkien, la morale de son oeuvre est complètement différente. Avec Le Seigneur des anneaux, pas de doute, nous sommes dans un monde manichéen où il est facile de distinguer les gentils des méchants. Ce n’est pas le cas pour Game of Thrones où il est difficile de ranger les personnages dans une case prédéfinie. Jamie Lannister est l’exemple parfait de cette ambivalence. Si au début de la série, il est représenté comme le fils parfait digne héritier de son père, son armure se fragilise au fur et à mesure. Une fois l’armure tombée et le cynisme envolé, on découvre un personnage humain avec des faiblesses, supériorité aristocratique ou non.
Une communauté de fans accros
La série aura su mobiliser les masses, c’est indéniable. Jon, administrateur du site La Garde de Nuit, déclare : ce sont des “malades qui ont lu les livres 70 fois chacun”. Ils sont incollables sur l’univers. Comment en est-on arrivé là ? Tout repose sur la sensation de manque créée par une savante combinaison de calculs précis, de paris risqués et de choix inspirés. L’idée est de créer du débat, de mettre au défi le spectateur. Ces discussions mènent alors à des théories parfois improbables.
**Attention spoilers saison 8** Dans la catégorie insolite, certains ont imaginé que Cercei et Jon allaient finir par se marier dans la prochaine saison. Pourquoi ? Tout simplement parce que les acteurs auraient tourné beaucoup plus de scènes ensemble qu’à l’accoutumée. On reste sceptique mais après tout qui sait…
Si les fans sont en manque c’est parce que la série réside dans la frustration. Cette frustration se met en scène avec les cliffhangers. Jon de La Garde de Nuit ajoute que “On ne peut pas savoir ce qu’il va se passer ce qui amplifie le sentiment de manque”. De plus, la série a le don de “vous mettre des fausses pistes” enchérit Mathias “on détruit des figures emblématiques sans que vous ne l’ayez anticipé ce qui vous donne envie d’en parler autour de vous et notamment avec d’autres fans”. Myriam Haegel, animatrice de la rencontre et rédactrice sur le site madmoiZelle, ne peut s’empêcher d’être d’accord “Nous vivons dans la peur que nos héros puissent tomber. On est, sans cesse, trompé et manipulé. Regardez, Ned était censé être le héros de la série mais il est exécuté avant même la fin de la saison 1”. L’idée est de faire monter la pression afin de tenir le spectateur en haleine et ça marche. Il suffit de regarder l’euphorie autour de la saison 8 qui arrive prochainement.
Et après Game of Thrones ?
Quoi qu’il en soit, la saison 8 de Game of Thrones débarque le 14 avril prochain et il est difficile d’imaginer un après. Les fans de littérature pourront toujours se consoler sur les livres puisque la fin de la série n’aura pas d’impact sur l’oeuvre littéraire. Pour ce qui est de la date de sortie, on n’en sait pas plus. Selon Florence Lottin, son agent a arrêté de promettre des dates avant d’ajouter un “Bientôt j’espère”. Pour les fans réfractaires à la lecture, il y aura toujours les préquels mais il est encore difficile d’imaginer un “après” (on vous propose cependant quelques pistes). En somme, c’est une série qui est née comme toutes les autres mais qui a grandi de manière exponentielle. “Il [Georges R.R Martin] a créé quelque chose qui n’existait pas avant”, conclut Florence Lottin. Rendez-vous le 14 avril prochain pour terminer en apothéose cette aventure commencée il y a huit ans déjà.
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Un genre qui n’a pas pour habitude de mobiliser les foules ? Vous êtes sérieux ? Le genre est très largement sous représenté. Du coup ben y’avait une très grosse place à prendre, entre autres, bien sur. De fait mon premier contact avec la serie a été un mec qui m’a dit “ben c’est une série de dark fantasy”, et j’ai répondu “wwwwwaattt je regarde direct” précisément pour cette raison.
Petit résumé de la recette :
1. Dépeignez un monde cruel et imprévisible, dans lequel les moins chanceux et les moins fourbes meurent atrocement.
2. Ajoutez des scènes de sexe. (ne lésinez pas sur les quantités)
3. Faites mijoter le public à petit feu en incluant régulièrement des zestes de dragons.
4. Une fois que la sauce commence à prendre, réservez le côté imprévisible et allumez le feu de l’action.
5. Les protagonistes devraient commencer à se distinguer des antagonistes.
6. Jetez la plupart de ces derniers, ils ne serviront plus à rien. Des morceaux de personnages secondaires doivent se détacher en même temps.
7. Servez tiède.
Bon appétit 😋
Vous êtes sûrs que ca a commencé il y a 8 ans ? Vu qu’on a attendu 2 ans pour la saison 8 ce serait pas plutôt 9 ans ?