Quand on pense à une fusée spatiale, on voit une montagne de technologies. Mais rares sont les personnes qui comprennent à quel point un lanceur est en fait rempli, de carburant. Car c’est pourtant la plus grande problématique du monde du spatial aujourd’hui. Qu’il soit électrique ou chimique (avec du propergol), ce dernier est limité, et il pèse lourd sur la balance. Or pour aller dans l’espace, chaque (kilo) gramme compte. Il faut donc alléger d’autres éléments, comme la charge utile, ou alors payer plus cher, pour lancer plus de poids vers l’orbite.
Pour répondre à ce problème de carburant, le mieux serait donc de le supprimer, tout simplement. Et c’est avec cette idée aussi folle que simple que Louis de Gouyon Matignon a lancé Gama en octobre 2020 aux côtés de Thibaud Elziere. Depuis cette entreprise, basée en région parisienne, travaille d’arrache-pied pour réaliser un « vaisseau spatial » sans carburant, et donc sans moteur.
Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’interview de Louis de Gouyon Matignon sur Presse-citron.
Un principe vieux de plusieurs siècles
Derrière cet exploit d’ingénierie, se cache en fait une méthode vieille de plus de 300 ans, connue des astronomes avant même le vol de Sputnik. Comme l’ont fait pendant très longtemps les marins, Gama a l’objectif de faire voler et voyager une sonde, grâce à une voile. Une idée pour le moins étonnante, mais qui ne freine pas le développement de la jeune entreprise. Aujourd’hui la société a annoncé une levée de fonds de deux millions d’euros, réalisée, entre autre, auprès de BPI France et du CNES, ce qui montre tout le sérieux du projet.
Imaginée il y a des siècles déjà par le célèbre astronome Johannes Kepler, puis confirmée par les travaux de Maxwel, la voile solaire n’a jamais séduit les ingénieurs et personne, ou presque, n’en a envoyé dans l’espace, malgré notre très bonne connaissance théorique sur le sujet. Comme l’explique Louis Gouyon de Matigon. « Aujourd’hui il doit y avoir 10 000 satellites dans l’espace, et ceux qui ont une voile solaire doivent se compter sur les doigts d’une main. » Le projet de Gama est donc assez ambitieux, pour ne pas dire inédit. En effet, seule la sonde IKAROS, lancée par l’agence spatiale japonaise (JAXA) au début de la dernière décennie a démontré des résultats probants.
Un premier vol pour apprendre dès 2022
Finalement, la théorie derrière le fonctionnement d’une voile solaire est assez simple. Comme pour un voilier en mer, l’idée est d’être poussée par les éléments. Mais évidemment dans l’espace, il n’y pas la moindre rafale de vent — le vent solaire n’a ici aucun impact sur la poussée — la voile va donc réfléchir la lumière du Soleil, et c’est justement les photons, qui composent cette dernière, qui vont propulser la voile (ce qui explique le nom de propulsion photonique).
Pour Gama, on a donc le droit à une voile de près de 75 m2, construite en quatre pédales de près de 20 m2 chacun. Cette voile carrée est extrêmement fine — 20 à 100 fois moins épaisse qu’un cheveu — va donc être poussée par les photons dans le vide de l’espace. « Le grand avantage de ce système c’est que la poussée est théoriquement infinie. Bien qu’elle soit minime, elle s’accumule et avec le temps on atteint des vitesses incroyables » explique Louis de Gouyon Matignon.
Afin de faire un premier test grandeur nature, Gama s’apprête donc à réaliser un lancement vers l’orbite, propulsant ainsi la voile et les espoirs de toute la société dans l’espace. Le vol devrait avoir lieu durant le mois d’octobre prochain à bord d’une Falon 9 de la société américaine SpaceX. Cette mission devrait permettre de vérifier que « tout va bien » et assurer une première expérience avec le vide de l’espace pour la toute jeune société et sa dizaine d’ingénieurs, tous basés en Île-de-France.
Objectif Vénus ?
Mais en ce qui concerne la jeune entreprise française, l’objectif va être de très rapidement se lancer dans le Deep Space, l’espace intersidéral. À ce titre, la société espère pouvoir réaliser une mission aux environs de 2025 « vers Vénus ou un astéroïde ». Une étape clé dans le développement de Gama, qui permettra d’atteindre un premier objectif d’exploration. « Ramener une photo de Vénus serait vraiment quelque chose d’incroyable » explique Louis de Gouyon Matignon, qui peine à cacher son excitation.
Construite avec des polyimides alluminisées, cette voile ne mesure que trois microns d’épaisseur pour 11 kilogrammes sur la balance. « Pliée, elle fait la taille d’une boîte à chaussure », une fois dans l’espace, elle se déploie grâce à la force centrifuge de la sonde elle-même. « Grâce à des petites masses, la voile va s’ouvrir dans le sens inverse de la rotation de la sonde. » Une fois déployée la sonde va réfléchir les rayons du Soleil et être poussée par ces derniers.
Sur Terre nous ne connaissons qu’une des deux forces du Soleil. L’impact thermique de ses rayons. Mais notre astre est aussi capable de déplacer des objets avec la force de ses photons. Ces particules (qui sont aussi des ondes) ne dégagent ni masse, ni énergie, ni chaleur, mais quand elle rentre en contact avec de la matière, elle la pousse très légèrement. C’est cette poussée que la voile de Gama utilise pour se mouvoir dans l’espace.
Une puissance infinie… sur le papier
Si la poussée produite par des photons est dérisoire par rapport à un moteur de fusée classique, la voile est une source d’énergie inepuisable (ou presque). Comme l’explique Louis de Gouyon Matignon, la propulsion photonique est parfaite pour faire de l’exploration lointaine à bas coûts.
« En retirant le carburant des sondes, on propose un système bien plus léger, qui coûte donc moins cher à envoyer dans l’espace, et qui peut, en plus de cela, tenir plus longtemps dans le temps. » Bien que le système de voile ne soit pas éternel, les radiations de l’espace ainsi que les micrométéorites finiront par avoir raison de cette « couverture de survie extra-fine », il est possible d’accélérer la sonde, à mesure que cette dernière est frappée par les rayons du Soleil.
Avec un apport de puissance, minime, mais constant, il est alors possible d’imaginer une exploration encore plus lointaine. Gama projette ainsi de se rendre sur Jupiter ou sur Neptune en quelques années seulement. Grâce à la force du Soleil, la sonde, lourde de quelques kilogrammes, serait capable de se déplacer à des vitesses folles « qui sont aujourd’hui inatteignables avec la propulsion chimique ». En jouant avec la mécanique céleste et les différentes forces de gravitation de notre système solaire, il serait donc possible de se rendre sur Neptune ou sur les lunes de Jupiter.
Des missions réalisables avec des sondes à propulsion chimique, et qui ont déjà été menées par le passé, mais seules des agences spatiales gouvernementales ont réussi à s’offrir un pareil périple. Avec le système de Gama, la voile solaire pourrait permettre de réduire le coût de la mission, mais aussi la durée de cette dernière.
La voile solaire a un talon d’Achille : l’orbite
Si propulsion photonique a de très nombreux atouts, ce système n’est pas parfait pour autant. Ce sont d’ailleurs ces défauts qui ont rendu la voile solaire si peu populaire dans le monde de l’orbite basse, qui est aujourd’hui le terrain de jeu principal du New Space. La première chose à retenir en ce qui concerne la voile solaire, c’est que cette dernière, de par sa conception même, n’est pas capable d’avoir une très grande réactivité.
Cela ne pose pas de problème pour des missions d’explorations lointaines, mais pour des satellites ou des sondes présentes en orbite, la vitesse de réaction est primordiale. « Si vous avez un satellite en orbite basse, que vous voulez le pencher pour voir une autre région de la Terre, vous appuyez sur un bouton dans votre centre de commande et c’est fait. Nous, avec une voile solaire, on ne peut pas faire ça » reconnaît Louis de Gouyon Matignon.
Mais ce manque de réactivité n’est pas le seul défaut de la voile solaire. En effet, cette dernière produit également une « trainée » lorsqu’elle se déplace en orbite autour de la Terre. À des centaines de kilomètres au-dessus de nos têtes, il reste toujours quelques atomes d’air, et ces derniers vont ramener la voile vers la Terre. De par sa grande taille, la voile va redescendre plus vite que les satellites classiques, qui disposent en plus d’un système de propulsion pour compenser ce retour vers la planète bleue.
Gama : objectif système solaire
En somme, la propulsion photonique n’est pas faite pour la Terre, et tout le monde en est bien conscient chez Gama. En effet, si la société vise l’orbite pour son premier lancement en octobre, elle ne compte pas rester là et espère pouvoir se rendre aux quatre coins du système solaire le plus rapidement possible.
Avec un système de propulsion aussi révolutionnaire, Gama ne manque en tout cas pas d’ambition, et elle espère pouvoir produire de nombreuses voiles dans les prochaines années, afin de multiplier les lancements et ainsi atteindre un certain équilibre financier.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.
c’est cool d’avoir des societes chez nous qui bossent sur ces projets – ca doit etre passionnant et ils ecrivent le futur
on aimerait EN savoir un peu plus et entre autre comment sera dirigée cette voile depuis la terre, et quels appareils pourra t elle embarquer pour ses missions.
Je suis fan de votre projet. Je pense que le futur vous appartient. Vous avez beaucoup d’ambitions, un stylo entre les mains et l’histoire à écrire.🙌
le projet est super intéressant, encore plus quand c’est français. Continuez, vous avez de grandes choses qui vous attendent.🙌✨
bien vu l’artiste
Bonjour,
puis-je savoir pourquoi la voile est si peu epaisse?
et pourquoi pour le moment elle n est pas plus grande?
on ne devrait pas pouvoir s eloigner de trop du soleil, alors ne faudrait-il pas s aider d une autre etoile proche de la notre
et naviguer ainsi dun systeme stellaire a un autre?
qu est ce vous en pensez?
cordialement.