En 1999, à l’aube d’un nouveau millénaire, une nouvelle série d’animation sort de terre. Nous sommes dix ans après le début des aventures des Simpsons et Matt Groening a une nouvelle idée. Il délaisse un temps les bonhommes jaunes de Springfield pour regarder vers l’avenir. Il envoie quelques pages de réflexion préliminaire à son collaborateur David X. Cohen. Ce dernier est un féru de science-fiction et y voit une opportunité en or de rendre hommage à ce genre.
L’histoire suit Fry, un livreur de pizza cryogénisé par accident à l’aube des années 2000, qui se réveille en l’an 2999. Dans une cité futuriste, qui ne ressemble à rien de ce qu’il a connu, le héros rencontre sa descendance. Son petit neveu très éloigné, le professeur Farnsworth, l’embauche au sein de son entreprise Planet Express pour qu’il livre des colis aux confins de la galaxie. Il va rapidement se lier d’amitié avec ses collègues et se trouver une nouvelle famille. La comédie d’animation ne tardera pas à faire de nombreux adeptes à travers le monde. Vingt-cinq ans plus tard, la série continue de porter un regard moqueur sur notre monde contemporain. Nous avons rencontré David X. Cohen pour parler de la recette du succès Futurama. Interview.
Journal du Geek : Futurama est revenu l’année dernière après une longue absence. Ce come-back était très attendu, mais la fin de la saison 10 semblait parfaite. Est-ce qu’il était difficile de trouver une manière de continuer après si longtemps ?
Oui ! Le point que vous soulevez est sans doute la chose qui a été la plus difficile. Nous pensions que la série était terminée et nous étions satisfaits de la manière dont tout cela s’est conclu. C’était un épisode émouvant, mais nous voulions aussi ramener la série. Nous ne voulions pas seulement remonter le temps et dire que toutes les choses qui vous tiennent à cœur n’ont pas eu lieu. Nous avons travaillé dur pour livrer une explication rapide et dire oui, tout cela a eu lieu avec la saison 11. Nous avons en quelque sorte réinitialisé les mémoires des personnages. Il fallait aussi rendre les choses compréhensibles pour les nouveaux spectateurs. La bonne nouvelle à propos de cette saison 12, c’est que nous n’avons pas besoin de donner d’explication et je pense que l’aventure sera plus détendue et amusante.
JDG : Futurama fête son quart de siècle cette année. 25 ans ! Quel est le secret de la longévité de la série ?
David X.Cohen : Il y a deux choses que j’aime dire aux gens à ce sujet. La première est que nos fans sont vraiment à la pointe et de la technologie. À chaque fois qu’un nouveau type de média est inventé, ils sont là et demandent à ce que nous soyons renouvelés pour eux. Nous avons d’abord eu la télévision, puis nous avons été annulés. Ensuite, les DVD sont devenus populaires et nous avons fait des films directement pour ces formats. Et puis lorsque la télévision par le câble s’est lancée dans la production de contenus originaux, nous étions de retour pour de nouveaux épisodes. Maintenant que les plateformes de streaming par abonnement sont devenues un lieu de divertissement majeur… Merci à eux d’être tourné vers l’avenir.
Ensuite, nous écrivons sur le futur. Je pense que la série ne vieillit pas aussi rapidement que les autres productions de ce type, car nous n’écrivons pas sur la vie quotidienne. Nous prenons évidemment des problèmes et des idées qui nous tiennent à cœur pour les transposer dans un autre cadre. C’est un heureux hasard et cela a aidé la série à ne pas donner l’impression d’être dépassée.
JDG : Si l’idée est assurément de regarder vers le futur, les thématiques évoquées sont très contemporaines. On parle de NFT, de streaming et même de Covid. Qu’est-ce qui fait d’un sujet, un objet intéressant à explorer ?
C’est un des avantages à être annulé (rires). Pendant que nous ne sommes pas là, les choses continuent de se produire. Le monde évolue très rapidement en ce moment, nous avons un épisode sur l’IA. Nous essayons toujours d’extrapoler quelque chose qui arrive en ce moment. Nous n’écrirons pas sur Siri d’Apple directement, mais nous inventons notre propre IA du futur. C’est le secret pour avoir un peu plus de liberté et parler honnêtement des choses que vous voulez critiquer : parler d’idées plus abstraites.
JDG : L’animation, c’est un peu être la meilleure manière de faire de la science-fiction. Non ?
Il y a deux choses à propos de l’animation qui nous aide beaucoup. Dans un premier temps, il nous faudrait tout l’argent du monde pour faire un épisode en live action (rire). On aurait besoin de construire des planètes et des décors différents ou même d’utiliser la CGI. Le coût serait astronomique ! Là, nous pouvons dire à nos artistes, dessinez-moi une planète avec trois lunes. Ils le peuvent, car ce sont de grands artistes. La seconde, c’est que les gens pardonnent beaucoup plus de choses à l’animation. Ils sont capables d’accepter des choses de personnages animés et ils ne le feraient pas avec des acteurs en chair et en os. On peut se permettre d’avoir des personnages plus méchants. Si vous voyiez un humain dire ce que dit Bender, ou même le Professeur… Là, vous pouvez leur pardonner. C’est aussi l’un des secrets des Simpsons. Je pense que si Homer étranglait Bart en live-action, les gens seraient vraiment énervés, troublés.
JDG : J’imagine que l’on ne peut pas s’attendre à une version live action de Futurama…
Je ne me refuse rien. Je ne dis pas que c’est une bonne idée… mais si c’est une bonne affaire (rires). Vous achèteriez une place de cinéma ? Il faut faire un sondage !
JDG : Nous allons en faire un avec nos lecteurs !
Un de nos fans a fait un court-métrage sur YouTube, c’est extrêmement impressionnant. Il a fait appel à des maquilleurs d’Hollywood, des pros des costumes. C’était absolument génial, mais ça demande des efforts considérables. Cela a demandé plusieurs années pour réaliser dix minutes. C’est vous dire à quel point c’est difficile.
JDG : Quel est votre épisode préféré de cette saison 12 ? Quels sont les enseignements que vous espérez offrir aux spectateurs ?
Je pense que celui sur la “fast-fashion” et plus généralement l’industrie de la mode est mon préféré. Nous avons évoqué l’impact environnemental de la mode et une de nos scénaristes est une experte sur ce sujet. Ce n’est pas quelque chose que je maîtrise et je n’aurais pas pu le faire. Je suis vraiment heureux de ce qu’elle a fait. C’est un mélange de comédie, de science-fiction et de mode, cela n’aura pas pu me venir à l’esprit, mais je trouve que le message est important. J’en suis très content. Vous savez, si vous introduisez 28 000 sortes de pantalons, ils ne disparaîtront pas par magie et c’est l’angle que nous souhaitions prendre.
JDG : Il y a 25 ans, est-ce que vous imaginiez le futur tel qu’il est ? Comment voyez-vous le monde dans 25 ans ?
Ouah c’est une question effrayante ! Je ne me souviens plus de son nom, mais j’ai vu un informaticien parler des évolutions technologiques. Il parlait de l’IA, mais ça s’applique à beaucoup de choses en fait. On lui a demandé si, 25 ans plus tôt, il aurait été capable d’anticiper les progrès de l’intelligence artificielle. Selon lui, on est exactement là où l’on pouvait s’y attendre. Mais selon lui, on imaginait à une progression plus régulière, alors que tout a eu lieu l’an passé. C’est aussi ce que je ressens. Les choses avancent, mais pas en ligne droite. C’est comme si tout avait explosé d’un coup. Beaucoup de gens de l’industrie du divertissement sont nerveux au sujet de l’IA et du futur. Si vous voulez parler des technologies qui nous inquiètent, l’IA est définitivement la première.
Est-ce que l’intelligence artificielle va nous remplacer ? L’animation est quelque chose de très collaboratif. Il y a de nombreuses personnes qui travaillent ensemble. Elles font tous des choses très différentes, mais sont liées par le résultat final. On se demande lequel d’entre nous va tomber en premier. C’est peut-être un vœu pieux, mais je pense que les scénaristes vont tenir le coup. Je n’ai encore rien vu d’hilarant qui soit écrit par une IA. Mais rien n’est à exclure. Certains types d’animateurs sont très nerveux, je pense notamment à ceux qui développent les “concepts art”. Vous pouvez demander à des générateurs d’images de faire dix exemples de vaisseau spatial. Mais vous savez, dans Futurama, il est toujours question d’optimisme. Nous serons toujours là pour nous débattre avec ces idées. C’est la nature humaine, nous essayons de surpasser des problèmes pour en créer de nouveaux.
JDG : Futurama sera toujours là dans 25 ans ?
J’espère… J’espère aussi que quelque d’autre fera le boulot.
La saison 12 de Futurama est en cours de diffusion. Deux épisodes sont déjà disponibles et le troisième sera proposé dès lundi prochain sur Disney+. Comme les précédentes salves, dix chapitres sont au programme de cette nouvelle cuvée. Les saisons 13 et 14 ont déjà été commandées, les aventures de Fry, Bender, Leela et leurs comparses sont donc loin d’être terminées.
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best série anime US avec Désenchantée pour ma part 😃
et comme disait Groening, Futurama, c’est tout ce qu’il ne peut pas faire avec les Simpsons, no limit.