Que pensent les recruteurs des formations en ligne ? Deux cas bien distincts se dessinent. S’il s’agit d’une personne ayant simplement étoffé par ce biais un CV déjà potable, les recruteurs voient en général l’initiative d’un très bon œil. “ A condition que le choix de la formation soit cohérent avec le reste du parcours, nous précise Benoît Fillon, directeur technique de la plateforme de recrutement IT SkillValue, cela ne sert a rien en effet de suivre des dizaines de formations sans fil directeur.” Fondatrice de l’incubateur Learnspace, Svenia Busson conseille également de s’en servir rapidement dans un projet : “Suivre un MOOC data science de 25h n’a pas une valeur énorme en soi. Mais si la personne montre qu’elle a mis en pratique les enseignements de ce MOOC, même sur un projet amateur, cela devient plus intéressant.”
La donne change en revanche si la formation en ligne ne vient pas en appoint mais constitue la colonne vertébrale de votre CV (car vous débutez ou entamez une reconversion radicale). “Il y a tellement de formations en ligne qu’il est encore un peu difficile pour l’heure de différencier les offres de qualité des autres. Elles constituent un “plus” intéressant sur le CV. Mais elles n’ont pas encore la même aura qu’un diplôme classique”, nous confie Estelle Raoul, directrice exécutive chez Page Personnel, cabinet de recrutement et agence d’interim. Dans le cas ou la formation en ligne ne constituerait pas un appoint mais une pierre angulaire de votre CV, il faudra donc recourir à plusieurs stratégies.
Première chose à faire : cibler les secteurs les plus ouverts sur la question. “Ce sont notamment les domaines où le tissu académique a du retard par rapport aux besoins des entreprises car le secteur évolue très vite. Dans le développement web, le design, la data, les formations en ligne sont très en phase avec les besoins des employeurs”, nous indique Jérémy Clédat, co-fondateur de la plateforme de recrutement spécialisée Welcome to the Jungle. Ensuite, ne pas hésiter à aller taper à la porte d’entreprises plus petites “Elles se montrent parfois plus ouvertes aux profils atypiques”, confie Benoît Fillon de Skill Value.
Il faut également avoir conscience du niveau que la formation permet d’atteindre. “Dans le développement par exemple, les missions vont de choses très simples à des projets de haute volée. On ne peut pas prétendre au niveau “Formule 1” après trois mois de formation. Il est important d’avoir une idée claire de ce vers quoi le cursus nous emmène”, indique Jacques Froissant, PDG du cabinet de recrutement Altaide. Pour maximiser ses chances dans le cas d’une reconversion totale, mieux vaut privilégier les cursus certifiants et interactifs (avec des évaluations, des échanges avec un mentor, etc.). Et s’orienter vers des plateformes très professionnalisantes.
Cité par plusieurs des recruteurs avec qui nous avons échangé, OpenClassroom indique ainsi ne créer des cursus que sur des métiers qui embauchent. “C’est pour cela que nous n’avons pas de cursus de développement de jeux vidéo. Nous savons que beaucoup d’internautes seraient prêts à payer pour le suivre. Mais nous savons également qu’il y a très peu de postes à pourvoir dans ce secteur” nous explique Mathieu Nebra, co-fondateur de la plateforme. Ce dernier estime le taux d’insertion des élèves terminant ses cursus payants à plus de 75%. Un bon score qui permet au site de proposer sur la plupart des cursus de ce type un remboursement des frais si le candidat n’a pas trouvé d’emploi dans les six mois. Après échange sur la question, il nous précise que les candidats doivent avoir contacté au minimum 5 entreprises par semaine pendant ce laps de temps pour bénéficier de ce remboursement.
[nextpage title=”Quelles sont les compétences recherchées par les recruteurs ?”]
L’évolution des besoins reflètent les évolutions technologiques. “Les expertises dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la data sont très recherchées. On voit également l’influence que cela a sur les autres métiers. Du côté des métiers du commerce, par exemple, les transactions rapides basiques seront de plus en plus automatisées. Et les employés se concentreront sur les transactions plus complexes. Cela peut donc être intéressant de se former à des méthodologies spécifiques telles que la vente consultative” conseille Ruth Cernes Fagebaume, directrice générale France et Europe du Sud du site de recherche d’emploi Monster.
Quelle proportion de postes va évoluer et quels types de métiers risquent d’être tout bonnement automatisés ? Accenture s’est penché sur la question. Selon le cabinet de conseil, 51% du temps travaillé global pourrait être “augmenté” via la technologie et 38% automatisé. La situation varie bien sûr selon les domaines. Le pourcentage de temps automatisable tombe ainsi à 26 % dans les métiers du management et 18% dans ceux des Sciences et de l’ingénierie. Il grimpe en revanche à 49 % dans le domaine de la maintenance d’équipement et à 66% sur les métiers manuels. Certaines fonctions risquent par conséquent de voir leurs effectifs baisser. Le World Economic Forum fournit plusieurs exemples : avocats, télémarketeurs, ouvriers, comptables, caissiers, conducteurs, commerciaux en porte-à-porte, etc. De nouveaux métiers devraient cependant apparaître notamment dans les domaines du service client, de l’innovation, des réseaux sociaux, de l’e-commerce, de l’intelligence artificielle et de l’analyse de données.
Autant de tendances à prendre en compte au moment de choisir une formation. “A noter également que les “soft skills” -savoir communiquer, manager, gérer son temps – deviennent de plus en plus importantes aux yeux des recruteurs”, souligne Philippe Gerbelot, responsable de Linkedin Learning, l’offre de formations en ligne proposées directement par le réseau social. Une analyse partagée par Pierre Monclos, DRH et expert formateur de la plateforme Unow, “On sous-estime souvent l’importance de savoir parler en public par exemple. Or cela peut faire une vraie différence lors d’un entretien d’embauche.”
[nextpage title=”Comment bien choisir sa plateforme de formation en ligne ?”]Le contenu et le prix ne sont pas les seuls critères à étudier. “Le fait qu’elle soit éligible à certaines aides entre également en ligne de compte”, nous rappelle Pierre Monclos de la plateforme Unow. Certaines formations payantes permettent en effet de débloquer les sommes accumulées sur le compte personnel de formation (CPF). Même si la plateforme a bonne réputation, il sera par ailleurs toujours utile de se renseigner sur le parcours du référent du cursus et sur le format du cours. Certaines plateformes comme Coursera ou Linkedin Learning permettent d’ailleurs d’essayer gratuitement une offre payante pendant un certain temps. Un bon moyen de voir si le cursus correspond à ses besoins.
“Les formations offrant de l’interactivité, avec du mentorat, des travaux de groupes, des échanges, permettent un meilleur apprentissage”, précise Svenia Busson de Learnspace. Le fait qu’une plateforme ait des partenariats avec des écoles réputées ou des entreprises constitue également un bon signal. Udacity par exemple a élaboré certains de ses cours avec des entreprises bien connues de la tech. “Pour des besoins très précis, cela vaut également le coup de regarder ce que proposent des plateformes spécialisées comme Codecademy”, note Matthieu Cisel, jeune chercheur à l’université Paris Descartes, auteur d’une thèse sur les MOOC et du blog La Révolution MOOC.
[nextpage title=”Comment tirer le meilleur de sa formation ?”]Le conseil qui revient le plus souvent dans la bouche de nos interlocuteurs : mesurer dans quoi on s’engage. Se former seul en ligne n’est pas un mode d’apprentissage qui convient à tout le monde. “S’automotiver n’est pas simple, il faut une grande rigueur, beaucoup d’autonomie” analyse Flavien Bazenet, enseignant chercheur à l’Institut Mines Télécom Business School en entrepreneuriat et titulaire de la chaire inventivité digitale.
Un facteur qui joue sans doute sur le fait que le pourcentage de personnes qui terminent un cursus entamé n’est pas très élevé. “Plus de 50% sur les formations payante mais seulement 5 à 10 % dans le cas de formations gratuites”, note Matthieu Cisel. Ces chiffres sont bien sûr à prendre avec du recul car l’intérêt d’une formation en ligne notamment gratuite est aussi qu’on peut piocher dedans. Certaines personnes arrêtent ainsi leur cursus en cours de route non parce qu’elles “décrochent” mais parce qu’elles n’avaient besoin d’étudier que certaines parties. Pour récolter les fruits de ce type de formations, il est toutefois nécessaire de faire preuve de pas mal de rigueur. “Le mieux est de bloquer en amont des plages horaires dédiées à cela sans quoi on risque de constamment reporter au lendemain le travail à faire”, conseille Pierre Monclos de Unow.
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