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Entre mentors et psychopathes, qui sont les mères dans le jeu vidéo ?

Aujourd’hui c’est la fête des mères. L’occasion de rendre hommage à toutes les mamans, et notamment celles du jeu vidéo.

Soutiens discrets, personnages secondaires ou érigées au rang de figure symbolique, les mères ne manquent pas dans le jeu vidéo. Pourtant, l’empreinte pop culturelle forte des années 80 puis 90 ne leur a pas toujours rendu hommage, cantonnant souvent les personnages au même rôle réducteur. Heureusement, certaines figures maternelles ont su passer outre les carcans du genre, en s’affranchissant de leur rôle de faiseuses de tartes pour devenir des personnages à part entière.

Une mère aimante sait faire des tartes

Cooking mama
© Majeco Ent

L’avènement des RPG sur consoles à partir des années 80 a bien trop souvent utilisé la figure maternelle pour jouer le simple rôle de tutoriel explicatif. La maman n’était alors bonne qu’à réveiller notre héros dans son lit, et à le lancer dans sa folle aventure à travers le monde. Protectrice et rassurante donc, mais quand même pas au point d’empêcher son gamin de 10 ans de vivre son rêve de faire combattre des Pokémon à travers la région. Limitée à sa fonction primaire, la mère du héros n’avait souvent même pas besoin de nom. Dans Chrono Trigger (1995), les level designers du jeu vont jusqu’à la priver de chambre à coucher dans la maison familiale, estimant sans doute que son rôle se limiterait au coin-cuisine, comme c’est d’ailleurs les cas dans la saga Cooking Mama, où le personnage principal se cantonnera aux fourneaux entre 2006 et 2008, avant de se diversifier en se lançant dans le jardinage (Gardening Mama en 2009), les DIY (Crafting Mama en 2010) ou même le baby-sitting et le camping entre 2010 et 2011.

Harmonie et Luma dans Super Mario Galaxy
© Nintendo

De Mother à Golden Sun en passant par Pokémon, l’idée d’une gentille mère au foyer entièrement dévouée à sa famille aura grandement influencé la pop culture — et donc les jeux vidéo de l’époque. Le règne animal et les confins de la galaxie n’échappent d’ailleurs pas à la règle, comme dans Super Mario Galaxy (2007), où Harmonie endosse le rôle de mère adoptive pour les Lumas orphelins, allant jusqu’à leur bâtir un véritable foyer dans les étoiles. Dans la saga Shelter (2013), les joueurs incarnent une mère blaireau ou lynx, dont la mission sera de protéger à tout prix sa portée… avant que cette dernière ne soit assez grande pour vous abandonner dans un ultime et dramatique épilogue. Certains titres réussissent heureusement à sortir (un peu) du lot, comme Grandia, qui offrait à la mère de Justin un passé d’ancienne pirate reconvertie en cheffe cuisinière.

Une mère morte est une bonne excuse pour guerroyer

Si les mères de jeux vidéo restent à la maison, c’est parce que ces dernières ont une fâcheuse tendance à mourir tragiquement lorsqu’elles s’aventurent un peu trop loin. Heureuse coïncidence scénaristique, ces pertes provoquent souvent un déclic chez nos héros et nos héroïnes, qui s’investissent alors d’une mission divine pour retrouver ou venger leur génitrice adorée. C’est notamment le cas de Hinawa, la mère de Lucas et Claus dans Mother 3 (2006), qui meurt après s’être interposée entre ses fils et un Drago, déclenchant ainsi la vendetta de ces derniers.

Ni No Kuni
© Level 5

Car si une mère morte est une bonne excuse pour partir à l’aventure, l’élan chevaleresque de nos héros est décuplé lorsque cette dernière s’est sacrifiée pour les sauver (un bel exemple de charge mentale). On retrouve encore une fois cette notion d’instinct maternel poussé à l’extrême dans Ni no Kuni (2011), quand la mère d’Olivier meurt après l’avoir sauvé de la noyade. Traumatisé par ce sacrifice, le héros mettra tout en œuvre pour la retrouver dans un monde alternatif au sien. Même schéma narratif dans A Plague Tale : Innocence (2019), où Béatrice de Rune passe sa vie à couver son fils chétif avant d’être capturée et torturée par l’Inquisition. Un élément déclencheur qui poussera le jeune Hugo, aidé de sa sœur Amicia à quitter son huis clos pour partir à la recherche de sa mère.

L’exception qui confirme la règle : les ma-mentors

L’archétype de la mère ne se limite heureusement pas à faire des tartes, et trouve notamment des variantes intéressantes dans des œuvres plus récentes et moins formatées. Dans Overwatch (2016), le personnage d’Ana Amari est présenté comme une combattante avant d’être une mère. Si la sniper est dévouée à sa fille Pharah, elle a le bon goût de se doter d’un lore complet qui en fait un personnage complexe et abouti. De plus, elle constitue un véritable modèle pour sa fille, qui décide de suivre sa voie en s’engageant dans l’organisation Overwatch.

Ana dans Overwatch
© Blizzard

Dans God of War (2018) aussi, la figure maternelle forte est mise à l’honneur à travers le personnage de Freya. Reine des Valkyries, épouse d’Odin et Sorcière des bois, la déesse nordique est aussi la mère de Baldur, le principal antagoniste de la saga. Une mère légèrement surprotectrice, puisque cette dernière n’a pas hésité à jeter un sort à sa progéniture pour que rien sur Terre ne puisse le toucher ou le blesser. Incapable de ressentir la moindre sensation, Baldur vit cette invulnérabilité comme une malédiction. De son côté, Freya se rangera dans le camp de Kratos et Atreus dans leur combat contre son fils, avant de connaître une fin tragique.

Freya dans God of War
© Sony

En plus d’être des modèles de courage et de force, les mères peuvent aussi faire figure de mentors. C’est notamment le cas de Yennefer, qui décide d’adopter Ciri dans la saga The Witcher (2007), ou encore de The Boss, dans Metal Gear Solid 3 (2004). Bien que n’ayant aucun lien de sang avec Naked Snake, la mère des forces spéciales prend la jeune recrue sous son aile et lui apprendra l’art de la guerre pendant près de dix ans.

Pour grandir, il faut tuer sa mère

Au-delà du sacrifice de la figure maternelle prête à donner sa vie pour sa progéniture, bon nombre de jeux exploitent aussi un complexe hautement freudien : celui de la nécessité de tuer sa mère (ou son père) pour évoluer et devenir adulte. Dans Metal Gear Solid 3, Naked Snake finit par tuer The Boss pour endosser le rôle de Big Boss. Les créateurs du génial South Park : L’Annale du Destin n’hésitent pas de leur côté, à pousser le concept jusqu’au bout, en imposant aux joueurs de choisir qui tuer entre leurs deux parents.

The Binding of Isaac
© Edmund McMillen, Florian Himsl

Si certains jeux exploitent le rejet et la mort de la mère mentor, d’autres sont bien plus manichéens, et imposent au héros des figures maternelles bancales, pour ne pas dire complètement psychotiques. C’est le cas de Dahlia Gillespie dans Silent Hill, qui tente de sacrifier sa fille pour en faire le vaisseau d’une secte sataniste. C’est aussi le cas du personnage de la mère dans The Binding of Isaac, qui après avoir entendu Dieu, se met en tête de sacrifier son fils pour reproduire l’épisode biblique d’Abraham. On ne saura jamais réellement à quoi elle ressemble, d’ailleurs, cette affreuse mère. Représentée au début du jeu de manière caricaturale dans les dessins d’Isaac, seuls ses jambes noueuses, son œil omniscient et son cœur seront montrés aux joueurs.

Fête des mères oblige, il est de bon ton de terminer cette liste non exhaustive en rendant hommage aux mamans héroïnes. Même si les développeurs ont encore du mal à les extraire de leur sempiternel rôle protecteur (et souvent étouffant), les figures maternelles ont gagné en profondeur et en complexité dans l’imaginaire collectif. En plus de leur rôle souvent ingrat, elles aspirent désormais à faire figure de modèles inspirants pour la jeune génération, en s’offrant une vie en dehors de la maternité. Il était temps.

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1 commentaire
  1. On a aussi de “bons” exemples dans le dernier resident Evil avec les différentes visions de la maternité au travers de Mirande, Dimitrescu et en moindre mesure Mia ^^

Les commentaires sont fermés.

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