À 65 ans, le très, très prolifique Steven Knight n’en finit plus de poser sa patte sur le grand comme sur le petit écran. Il a notamment récemment collaboré sur Maria avec Angelina Jolie, la série militaire Rogue Heroes ou encore une nouvelle adaptation de Dickens avec De Grandes espérances. Sauf que c’est ailleurs que le bonhomme est fortement attendu, lui qui tourne actuellement le film conclusif à sa série culte, Peaky Blinders, prévu sur Netflix.
Et c’est sûrement parce qu’il a senti qu’on était en manque de quartiers anglais crasseux d’un autre siècle et de crimes organisés que Knight a décidé de revenir à ses amours, cette fois sur Disney+. Le nouveau bébé s’intitule A Thousand Blows, soit « Un millier de coups » en français et cela donne déjà un aperçu du programme.
De quoi ça parle ?
Dans les années 1880, Londres est le centre du monde alors que l’influence de la couronne britannique s’étend jusqu’en Chine. Fraîchement débarqués de Jamaïque, province de l’Empire qui a dû y réprimer plusieurs révoltes (cela aura son importance dans le récit), Hezekiah Moscow et son ami Alec sont à la recherche d’une vie meilleure, le premier ayant été engagé pour devenir dresseur de lions dans un zoo.
Toutefois, les deux compères vont rapidement finir dans les rues de l’East End, quartier pauvre de la ville où vivent les immigrés sans un sou qui y luttent pour leur survie. Là-bas, l’événement est créé par des combats de boxe clandestins à mains nues et sans règles. Le maître des lieux et du ring s’appelle Sugar Goodson, un homme connu pour sa violence et sa nervosité. Rapidement, une rivalité va naître entre Hezekiah et lui. Ce qui n’arrange pas les plans de Mary Carr, la reine du gang de femmes les « Quarante Éléphants », qui fomente un braquage ambitieux.
Pourquoi il faut voir A Thousand Blows
Difficile d’apprécier Peaky Blinders et de bouder A Thousand Blows. Bien que cette dernière n’atteigne pas la qualité de sa grande sœur, le même esprit les habite, celui de dépeindre le portrait d’une société anglaise élitiste, faite de discrimination, de racisme, et de sexisme, avec une bande de laissés-pour-compte prêts à tout pour survivre et s’élever. Avec le talent qu’on lui connaît, Steven Knight maîtrise son sujet et transforme les ruelles crasseuses de l’East End en un personnage à part entière.
Ses personnages sont, d’ailleurs, la grande force de la série qui bénéficie d’une troupe de comédiens investis, impressionnants chacun à leur manière. Parmi le trio de tête, Malachi Kirby a tout du jeune héros dont la morale finira irrémédiablement avalée par l’East End. Quant à Stephen Graham (The Chef), il est impressionnant d’animalité dans la peau d’un boxeur vieillissant qui peine à contenir toute la rage qui l’habite à chaque instant. Il est la caution explosive de la série. Et pourtant, les deux hommes font pâle figure face à la reine qui porte bien son titre. Erin Doherty (vue dans The Crown) vole chaque scène et dicte le rythme de l’intrigue. Au point où on ne serait pas étonnés de la voir nommée dans quelques cérémonies de remises des prix dans le futur.
Le créateur n’en oublie pas de faire vivre chaque protagoniste secondaire et tous ont quelque chose à raconter. Du meilleur ami qui sacrifie ses propres rêves à l’érudit chinois poursuivant sa vengeance personnelle en passant par les beaux quartiers où la bourgeoisie anglaise transforme la boxe en « noble art », A Thousand Blows propose un univers foisonnant qui ne manque ni de charme, ni d’épaisseur.

C’est ce qui permet d’arriver à la fin des six épisodes qui composent cette première saison avec une facilité déconcertante, tant on sent que le show a encore beaucoup, beaucoup de choses à raconter. Ce qui est explicité avec le teaser de fin, nous dévoilant les premières images très musclées de la saison 2. Cependant, c’est également son principal défaut. Car toutes les sous-intrigues ne communiquent pas toujours bien entre elles et on a du mal à saisir le propos principal de la série, constamment ballottée entre son histoire de boxe, son braquage, et ses accents plus romanesques.
Ce surplus d’éléments et de caractères dévoile le visage d’une série qui veut tout, tout à la fois et on sort de là avec le goût du trop ET du pas assez, comme si on avait surtout assisté à une introduction en six épisodes et qu’A Thousand Blows n’avait même pas encore énoncé sa lettre d’intention, alors qu’elle avait déjà raconté beaucoup. Paradoxalement, ce manque d’équilibre est, peut-être, ce qui la rend si addictive en définitive. Car il est hors de question qu’on lâche la série avant d’avoir le fin mot de l’histoire ! A Thousand Blows peut être ainsi appréciée comme un Peaky Blinders moins raffiné et bourré de sucre. Et le sucre, ça rend accro.
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