Fallout, l’adaptation en série de la légendaire série de jeux vidéo éponyme, est en train de faire un sacré carton sur Amazon Prime Video. Un constat à la fois surprenant et très réjouissant, sachant que c’est loin d’être la norme dans ce domaine. Par le passé, les réalisateurs ont plutôt eu tendance à mutiler sauvagement le matériau d’origine, produisant ainsi d’infâmes feux de poubelle qui ne plaisait ni aux amoureux du septième art ni aux gamers.
Or, même si la série réalisée par Geneva Robertson-Dworet et Graham Wagner n’est clairement pas parfaite, elle a au moins réussi à esquiver les pièges dans lesquels ses prédécesseurs ont souvent foncé tête la première. Un constat rare qui ne doit rien au hasard, et dont les autres réalisateurs auront tout intérêt à s’inspirer ; voilà pourquoi Fallout devrait servir de mètre étalon pour les prochaines adaptations de jeu vidéo.
Des désastres cinématographiques à la pelle
Le premier point positif de la série, c’est que les réalisateurs n’ont pas eu la prétention de croire qu’ils pourraient complètement réinventer les fondements de la saga. Une grave erreur qui a coûté cher à d’autres adaptations qui sont devenues cultes pour les mauvaises raisons. L’exemple le plus connu est sans doute le Super Mario Bros (1993), qui a été vécu comme une vraie insulte par les fans. Il faut dire que les réalisateurs n’ont eu aucun scrupule à transformer complètement l’atmosphère féérique et bon enfant qui caractérise la franchise. À la place, ils ont fait évoluer le plombier italien dans une version dystopique de New York qui s’apparente davantage à un bad trip — tout l’inverse de ce qu’attendaient les amateurs.
L’autre point sur lequel Fallout se démarque, c’est la cohérence des dialogues et des différents arcs narratifs avec l’univers des jeux. Rien à voir avec l’adaptation de Street Fighter (1994), par exemple. Malgré la présence d’un Jean-Claude Van Damme en tête d’affiche, le film s’est notamment ridiculisé à cause de ses dialogues tout simplement pitoyables, clairement écrits par une personne qui n’avait absolument aucun amour pour le matériau d’origine.
Et malheureusement, même d’autres réalisateurs à l’approche moins condescendante n’ont pas toujours réussi à extraire ce qui rendait les jeux intéressants. On peut citer l’adaptation de Max Payne en 2008 ; malgré de bonnes intentions évidentes, l’équipe derrière le film a eu toutes les peines du monde à retranscrire l’ambiance sombre et mature qui a fait le succès des jeux. Même chose pour l’adaptation d’Hitman en 2007, où toutes les contradictions et la complexité du personnage de 47 sont complètement passées à la trappe.
Certes, il s’agit surtout de films et pas de séries, et il faut admettre que les contraintes ne sont pas tout à fait les mêmes. Mais le constat reste le même : il y a aussi une ribambelle d’ adaptations qui ont toutes lamentablement échoué à capturer l’essence de l’œuvre originale. Monster Hunter (2020), Tekken (2009), Far Cry (2009), Silent Hill : Revelation (2012), ou encore l’hallucinant House of The Dead (2003), les exemples sont légion, et on voit souvent émerger les mêmes motifs : manque de cohérence par rapport à l’œuvre originale, exploitation superficielle du lore et écriture bas de gamme à des années-lumière des histoires que les studios derrière les jeux ont réussi à raconter.
Rien de tel qu’un expert passionné
Or, même si la série Fallout n’est pas parfaite, elle a au moins réussi à éviter ces écueils. On sent rapidement que les créateurs de la série ont mis un point d’honneur à rester fidèles au lore extrêmement dense de la franchise et à retranscrire l’ambiance si particulière qui fait le succès des jeux, peut-être encore plus que n’a réussi à le faire l’adaptation de The Witcher — une autre adaptation qui a globalement été plutôt bien accueillie.
Certes, ce dernier était d’abord un livre avant d’être adapté en jeu vidéo par CD Projekt RED. Mais les deux tournages avaient un point commun qui peut facilement expliquer tout cela : la présence d’une personne extrêmement cultivée sur l’univers de l’œuvre originale. Dans le cas du Sorceleur, il s’agissait d’Henry Cavill en personne ; outre son jeu d’acteur brillant, l’ex-Superman est aussi connu pour son amour inconditionnel et sa connaissance profonde du lore de la franchise. De nombreuses anecdotes ont émergé à ce sujet, et la volonté de l’acteur de rester fidèle à l’œuvre originale a même généré des tensions significatives sur le plateau. Et même s’il n’avait pas autant de contrôle que les scénaristes sur le résultat final, la série aurait sans doute été de moins bonne qualité sans cette contribution.
Or, Fallout a poussé ce concept un niveau plus loin en s’attachant les services de Todd Howard en personne, le directeur du studio Bethesda qui a racheté les droits de la franchise après le deuxième jeu. Et il ne s’agissait pas d’un rôle de consultant anecdotique, loin de là ; en tant que producteur exécutif, le grand manitou de Bethesda faisait partie des voix qui comptaient sur le plateau. Or, même si les inconditionnels des deux premiers opus sont souvent très sévères par rapport aux titres de Bethesda, il est incontestable qu’Howard connaît le lore de Fallout sur le bout des doigts et qu’il maîtrise très bien les codes narratifs et esthétiques de la franchise — et ça se sent !
Une démarche qui doit devenir systématique
Certains y verront sans doute un déluge de fan-service, mais il est évident que les créateurs ont mis un point d’honneur à extraire l’essence de l’univers de Fallout. Et on peut affirmer sans trop de risque qu’Howard a joué un rôle central dans ce processus. Et c’est sur ce point en particulier que Fallout devra servir de référence pour les prochains réalisateurs d’adaptations.
Car même si la série n’est pas exempte de défauts, accorder une place importante à une personne qui a joué un rôle central dans la création des œuvres qui l’ont inspirée représente une plus-value indiscutable, surtout lorsqu’elle partage la responsabilité financière du projet comme c’était le cas ici.
De notre côté, nous espérons sincèrement que cette démarche deviendra systématique. Si davantage d’adaptations faisaient appel à des spécialistes du matériau d’origine, et leur donnaient des moyens ainsi qu’un vrai rôle dans le processus de décision, les adaptations convaincantes finiront peut-être par devenir la norme… et par pousser ces infâmes navets insultants pour les joueurs et indigestes pour le reste du public vers la sortie. Croisons les doigts !
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bon article !!
je valide +++. Les réalisateurs se croient généralement au-dessus de tout et pensent toujours que leurs films seront des chefs-d’œuvre blabla…
Mais il faut obligatoirement avoir une personne qui connait l’univers du jeu par cœur, afin de le respecter.
Pas toujours … vous avez oublié Wing Commander de Chris Roberts … parfait contre exemple ! OK, le problème de celui ci n’était pas le même, vu que ce n’est pas vraiment un réalisateur !
J’espère que Bioshock sera au moins de la même qualité.