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[Dossier] X-Men : Bryan Singer a-t-il changé le monde ?

Alors que X-Men Apocalypse s’apprête à semer le chaos en Rlu-ray et DVD, nous avions envie de revenir sur ce qui fait polémique depuis quelques années…

Alors que X-Men Apocalypse s’apprête à semer le chaos en Rlu-ray et DVD, nous avions envie de revenir sur ce qui fait polémique depuis quelques années au sein de la communauté des fans de comics : les adaptations au cinéma. Et parce qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, nous avons choisi d’analyser le rôle de Bryan Singer dans les adaptations modernes, et leur impact sur la culture comics. Faites attention où vous mettez les pieds, le terrain est glissant.

dossier

Dans les années 50 et 60, être fan de comics, c’était un peu comme être fan de catch aujourd’hui. Le genre de truc un peu difficile à avouer, et hyper connoté. De nombreux procès étaient intentés contre l’industrie, vue comme un générateur de perversions, ayant pour seul but de corrompre les petits n’enfants. Quand on voit ça aujourd’hui, alors que sortent entre un et trois films de super héros par an au cinéma, que nous sommes inondés de séries télé, que les événements se multiplient dans les comics et que les figurines débordent des étals de magasins de jouets et d’hypermarchés, on peut avoir du mal à y croire. Et pourtant… Les super héros reviennent de loin. Et si l’on ne va pas se lancer dans un pseudo comparatif entre « avant » et « maintenant », il est clair qu’il est plus facile d’être un fan de comics qui s’assume de nos jours.

C’est devenu un phénomène de mode, tout le monde connaît au moins Spider-man ou Superman de nom, et un mec peut dire à une nana (ou inversement) qu’il aime les films MARVEL et qu’il lit des comics sans passer pour un otaku à la virginité évidente. D’ailleurs, le ratio homme/femme lisant des comics est bien plus équilibré aujourd’hui. Le rêve du geek de base de rencontrer une fille qui partage ses passions est désormais hyper facile à réaliser. On peut le dire, si nous ne sommes plus dans l’âge d’or des comics, c’est tout de même la meilleure période pour être fan de comics. Et les adaptations cinématographiques, quel que soit l’avis que vous vous en faites, y sont pour beaucoup.

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[nextpage title=”De la poule ou de l’œuf”]

Si l’on cherche à étudier l’impact culturel des comics aujourd’hui, il est impossible, voire amateur, d’occulter les films et séries qui pullulent depuis quelques années. Si à une époque pas si lointaine, vouloir adapter un comic book faisait ipso facto de votre projet une production de seconde zone, les super héros en collants ont aujourd’hui droit aux mêmes budgets que les plus gros blockbusters de l’été. Alors certes, la qualité de ces films provoque moult débats et fait s’opposer de nombreux fans de par le monde, mais là où tout le monde devrait tomber d’accord, c’est sur le fait que les X-Men ne seraient aujourd’hui pas aussi connus s’il n’y avait pas eu les deux premiers X-Men de Bryan Singer. Et c’est un fait, indépendamment de ce que l’on peut penser de ces films.

Singer fait partie de ces réalisateurs qui ne se sont pas contentés d’adapter des super héros au cinéma ; ils ont décidé de les réinventer, quitte à remodeler certains aspects au marteau piqueur et à, de ce fait, brosser certains fans à rebrousse-poil. Le but de cet article n’étant pas de savoir qui des détracteurs ou des fans de Singer et de son travail ont raison, mais bien de mesurer l’impact de ses œuvres au sein du mainstreamage (néologisme gratuit, c’est cadeau, ça me fait plaisir) des X-Men et plus généralement des super héros issus de comics.

Je chante, je chante soir et matin…

Bryan Singer, donc. Responsable (entre autres) de l’histoire et de la réal’ des deux premiers X-Men, absent du catastrophique X3 car en tournage de Superman Returns, Singer a très rapidement tenu à revenir sur les X-Men. Et plutôt que d’oublier la première trilogie pour simplement repartir sur les bases établies par First Class, il a décidé de lier les deux univers, faisant du film se situant dans les années 60 non plus un reboot, mais bel et bien une préquelle. Ballsy (ça veut dire « courageux », en anglais. Apprenez en vous divertissant, ça ne peut pas vous faire de mal).

On pourrait alors être tenté de reprocher à Singer d’avoir absolument tenu à conserver une continuité entre les deux univers, quitte à provoquer quelques inconsistances scénaristiques, mais ce serait tout de même faire preuve de mauvaise foi et d’un tri sélectif qui n’a rien à voir avec les sacs jaunes. En effet, si l’on veut être totalement honnête, les soucis chronologiques sont légion (et je ne parle pas du fils de Xavier), dans les comics. Alors il serait dommage de se concentrer sur cet aspect, et de passer à côté de la richesse que nous propose cette fusion des deux univers. Mais râler, c’est une tradition.

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[nextpage title=”C’est français, c’est la police française !”]

Trop souvent, nous sommes prompts à critiquer tel ou tel réalisateur pour des aspects qui ne nous plaisent pas, des choses que l’on pense ne pas correspondre à ce qu’est réellement un personnage, un peu comme si les héros de comics nous appartenaient. C’est d’un égocentrisme fou. Car hormis quelques faits inébranlables (Superman vole et peut casser des planètes à coup de poing, Batman est un super détective, Spiderman grimpe aux murs, Hulk est un peu en colère…), presque tout ce qui définit nos héros préférés n’est jamais vraiment figé. Captain America n’a pas toujours été un super patriote, Spiderman n’a pas toujours été Peter Parker, et Wolverine est alternativement né avec ses griffes, ou les aurait récupérées lors du projet Arme X, selon le scénariste du moment.

Alors pourquoi râle-t-on systématiquement dès qu’un film ne dépeint pas NOS héros comme NOUS le voulons ? Sans doute déjà parce que l’attente pour un film n’est pas la même que celle pour un comic book. Peut-être aussi parce qu’on se fait une image tellement personnelle de ce que pourraient être nos super héros sur grand écran que forcément, quand ça arrive, certains d’entre nous ont pris le pli d’être déçus.

Deux poids…

Et pourtant, toutes ces adaptations au ciné ne font que reproduire ce que des scénaristes de comics proposent depuis des décennies : partir d’un postulat de base et retravailler l’univers d’une façon plus ou moins suivie, cohérente, et réussie. Des méchants qui deviennent subitement gentils, des origines réécrites quand ça arrange tel auteur, des morts qui reviennent à la vie… En un peu plus de 50 ans d’existence des X-Men, il est difficile d’imaginer qu’on puisse absolument aimer l’intégralité de leurs aventures sur papier, et détester viscéralement le travail de Singer. Ça n’a pas de sens. Ce serait d’une mauvaise foi sans nom. Si l’œuvre originale a su proposer du bon et du moins bon, il est clair que les adaptations ciné ont fait de même. Ne faut-il alors pas se satisfaire du meilleur et accepter que de toutes façons, il y a peu de chances pour qu’une adaptation soit à 100% conforme à ce que l’on attendait ?

D’ailleurs, cette déception est-elle systématique ? Et globale ? Que nenni. Nombreux sont celles et ceux (fans ou non) qui ont aimé tous les films X-Men, spin-off compris. Et au final, peu importe le camp dans lequel vous vous trouvez, il n’y a qu’une chose à retenir : tout ceci fait du bien à l’industrie du comic book. Et en tant que fan, c’est tout ce qui devrait compter.

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[nextpage title=”Quand j’s’rai grand, j’s’rai un X-Men !”]

Depuis qu’elle existe, l’industrie du comic book a connu de nombreux hauts et tout autant de bas, et Marvel et DC ont plus d’une fois été à deux doigts de mettre la clé sous la porte. La faute à un medium trop spécifique, visant un public de niche, sans doute. Alors forcément, quand des films mettant en scène des personnages Marvel ou DC ont commencé à arriver en salle, les fans ont pu enfin partager leur passion avec leur entourage, sans avoir à leur faire lire leurs précieux TPB (trade paperback, les comics tels qu’on les achète en kiosque ou en comic shop, aux États-Unis). Mais bien que les années 70, 80 et 90 nous aient réservé leur lot de perles en matière de films de super héros, telles que le Superman de Richard Donner, Blade, les Batman de Burton ou, dans un autre registre, le cultissime Howard the Duck, il faudra survivre à une majorité de (très) mauvaises productions (comme le film Fantastic Four jamais sorti, qui est d’une médiocrité hilarante… mais toujours mieux que ceux produits et sortis plus récemment) et attendre 2000 et l’arrivée du X-Men de Bryan Singer pour que le monde entier prenne enfin les héros en slip dépareillé au sérieux.

Faculté d’adaptation

Ce qu’on va constater au fil des années, dès lors que le phénomène X-Men va envahir les salles, puis les salons des fans et amateurs de films d’action, c’est que l’adaptation ciné se met à déteindre sur les comics. Là où les comics ont presque essentiellement (et depuis leurs débuts) représenté des personnages littéralement hauts en couleur, l’émulation suite au premier opus de la saga X-Men va faire que dans les comics, les personnages vont se retrouver avec des costumes noirs, plus sobres, plus « réalistes ». Certains fans verront ça d’un très mauvais œil, d’autres n’y verront qu’une marque de fabrique comme les pochettes Liefeldiennes ou les coupes de cheveux improbables l’ont été pour les années 90. Chaque ère a ses codes graphiques, et il semble que l’ère moderne ait décidé de les puiser dans les films. Pourquoi pas.

D’ailleurs, la mode du cuir noir et des situations réalistes n’a pas touché que les X-Men, puisque Marvel a surfé sur la vague et a lancé en 2002 l’univers Ultimate, une sorte de réalité alternative, et plus spécifiquement les Ultimates, une version plus réaliste et plus sombre des Vengeurs, avec des personnages aux costumes plus proches des tenues militaires que des justaucorps de gymnastes russes.

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[nextpage title=”Sivoupléééé…”]

Si la volonté première de Marvel a très certainement été financière, dans l’idée d’attirer tout un nouveau public, en proposant un univers qui démarre de zéro, avec des codes redéfinis, une ambiance plus contemporaine et des ennemis moins pittoresques, l’univers Ultimate a permis à Marvel d’étoffer encore plus le Marvel Universe en proposant quelques histoires épiques, et des versions remises au goût du jour de la plupart des personnages les plus célèbres. Dès lors, si l’on analyse les relations de cause à effet, on comprend que sans les X-Men de la Fox et donc sans Bryan Singer, il n’y aurait certainement pas eu l’univers Ultimate. Et sans l’univers Ultimate, il y a très peu de chances que Marvel se soit lancé dans des adaptations comme Iron Man, Captain America ou les Vengeurs. Pas non plus de Deadpool ou de série Daredevil, ou en tout cas pas avec cette exigence de production et de réalisation. Alors même si ça en dérange certains, nous ne pouvons que remercier Bryan Singer d’être (in)directement à l’origine de l’âge d’or cinématographique des super héros.

Monde alternatif

L’erreur que peuvent faire de nombreux fans lorsqu’ils vont voir une adaptation de comics au cinéma, c’est de se méprendre sur la définition même de l’adaptation. Hormis Watchmen et le premier Sin City, les adaptations copier/coller archi-fidèles au medium original sont tout de même hyper rares. Les libertés prises par les scénaristes et/ou les réalisateurs vont parfois au-delà de ce que l’on est habitué à voir en tant que fan, et sont de deux ordres : soit une incompréhension totale et une méconnaissance absolue du personnage ou de la série originale, soit un désir de s’affranchir de l’œuvre de départ et d’y apporter une touche personnelle. Et ce n’est pas toujours la première qui donne les pires résultats. Par exemple, ne pas comprendre ce qu’est vraiment Superman peut amener à quelque chose comme Man of Steel. Maîtriser son sujet mais vouloir par contre apporter sa touche personelle donnerait quelque chose comme le Superman de Tim Burton (dont nous vous parlerons prochainement dans un dossier spécial). Pourtant, le Superman de Snyder a bien fonctionné, alors que celui de Burton, qui aurait pu être incroyable, a été jeté aux oubliettes. Comme quoi.

Tout ça pour dire que parfois, un regard neuf sur une œuvre aussi majeure que les X-Men, présenté à l’aide d’un medium différent, peut avoir des avantages insoupçonnés, aussi bien pour l’éditeur, que les fans les plus sceptiques (non, pas comme des fosses). Et qu’on aime ou pas le travail de Singer sur les X-Men, force est de constater qu’il a pu nous permettre de voir des mutants coller des pains sur écran géant à tout un tas de super vilains. Et ça, vu comme ça a fait avancer le shmilblik, ça n’a pas de prix. Enfin si, celui d’une place de cinéma, d’un DVD ou d’un Blu-ray.

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Et demain ?

Pour finir sur Singer et sa vision des X-Men et du X-Verse, il semble que l’on n’ait pas tout à fait fini d’en entendre parler. S’il est fort possible que X-Men Apocalypse soit un peu le chant du cygne en matière de films sur l’équipe principale (en attendant un possible X-Force), nous savons déjà que Bryan Singer va être producteur d’un show X-Men pour la télé et d’une série X-Men, annoncés respectivement pour 2016 et 2017, et qu’un troisième spin-off Wolverine devrait très bientôt venir clore le chapitre des mutants du professeur Xavier au cinéma. Bryan Singer n’a donc pas dit son dernier mot et, même si tous les fans des X-Men ne partagent pas sa vision, nous pouvons tous le remercier pour le travail qu’il a fait pour cette bande de rejets de la société, en leur donnant une visibilité universelle, et un casting sympa pour les immortaliser. Dans trente ans, quand vous irez au cinéma pour voir la sortie de film de super héros du mois avec votre petit-fils, vous pourrez lui dire que papy/mamie était là quand les films de super héros ont changé le monde… et la vie du nerd que vous étiez.

[nextpage title=”Pour aller plus loin”]

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