Difficile aujourd’hui de se prétendre amateur de pop-culture sans connaître Michelangelo, Leonardo, Donatello et Raphael. Et non, je ne parle pas des peintres de la Renaissance auxquels ils doivent leurs noms, mais bien des quatre tortues ninja. L’histoire pourrait commencer comme ça : Peter et Kevin, deux inséparables copains d’enfance, fans de films de kung-fu et de tortues, décident avec l’aide de papa-maman de créer leur propre comic book. Il n’en est rien.
Aux origines de la collaboration entre Kevin Eastman et Peter Laird, on trouve le fanzine Scat, édité par Peter Laird. Sorte de Mad version fin des années 70, Scat tape un jour par hasard dans l’œil de Kevin Eastman. Ce dernier, obsédé par l’idée de devenir auteur et artiste de comics, parvient à entrer en contact avec Peter Laird, en lui écrivant une lettre pleine de passion et de respect. Laird l’invite alors à venir chez lui, directement, pour faire connaissance. En franchissant la porte, la première chose que découvre Eastman, est une planche originale de Jack Kirby, sur le mur, dans l’entrée. Il devient fou. À ce moment précis, tous deux comprennent qu’ils vont vivre une incroyable aventure artistique ensemble. Ils créent alors Mirage, leur studio qu’ils appellent ainsi parce qu’il n’a en fait rien d’un studio. Les deux nouveaux amis travaillent directement dans leur salon, tout en regardant la télé et en s’amusant comme des gamins.
[nextpage title=”Frank Miller, ça rime avec Maître Splinter”]
Il ne reste plus qu’à trouver une bonne excuse pour raconter leur histoire. Eastman et Laird étant tous deux grands fans du maître Frank Miller et de son travail à la fois sur Daredevil et Elektra, et sur son comic book plus personnel Ronin, ils décident d’en faire une sorte de parodie. L’ennemi de Daredevil est le clan de la Main ? Le clan ennemi des tortues sera le clan du Pied (Foot Clan). La tenue d’Elektra est bardée de bandeaux rouges ? Les tortues porteront donc des bandeaux rouges. Ils reprennent aussi le style hyper violent des comics de Miller, et vont même jusqu’à parodier son style narratif, en faisant de Leonardo le narrateur actif de tout le premier numéro. Deux mois et demi de leur temps, toutes leurs économies, et un comic book publié à 3000 exemplaires, qui sort en mai 1984.
The rest is history, comme disent les américains. Mais comme vous n’êtes pas américains, et qu’on n’est qu’au début du dossier, nous allons développer.
[nextpage title=”Chevaliers d’écailles et de vinyle”]
La réception par le public pour ce premier numéro est incroyable et dépasse complètement ce qu’avaient imaginé Eastman et Laird. L’une des preuves du fait qu’ils ne pensaient au départ pas faire autre chose qu’un one-shot est la mort de Shredder dans ce premier volume. Oui, celui que l’on connait aujourd’hui comme l’éternel rival des tortues, tantôt menaçant, tantôt ridicule, celui qui veut dîner de la soupe de tortues, l’homme qui passe 5 heures à tout retirer avant de franchir les détecteurs à métaux à l’aéroport, Oroku Saki, dit Shredder, est exécuté par les tortues au terme de la quarantaine de pages de ce comic book. À quatre contre un, sous les ordres d’un Splinter presque fanatique.
Eastman et Laird se rendent alors compte qu’ils peuvent potentiellement vivre leur rêve d’écrire et de dessiner des comics, et décident de se pencher sur le second numéro.
The rest is… non, j’déconne. Ce second numéro sort fin 85 et est tiré cette fois à 15 000 exemplaires, qui se vendent tous en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire (ce qui n’est pas totalement vrai, mais l’expression est cool et assez parlante). Ce second numéro leur rapportera d’ailleurs la somme de 4000 dollars, ce qui, à l’époque, leur parait complètement fou. Ils ne réalisent alors pas vraiment qu’ils sont en train de changer la face des comic books pour toujours, tout en écrivant une page importante de la pop-culture.
[nextpage title=”On joue ?”]
Tous ? Tous sauf Playmates Toys, un géant du jouet, à qui Freedman réussit à vendre le concept. À l’époque, Playmates développe des jouets pour tout un tas d’autres compagnies, y compris Mattel, mais n’a jamais rien sorti en son nom. La gamme Tortue Ninja va être leur première vraie gamme, et va, là encore, changer historiquement la donne. Mais pour qu’elle fonctionne, il faut d’abord produire un dessin animé, comme c’est souvent le cas à l’époque, qui va permettre de vendre des containers entiers de toys.
Pour vous donner un ordre d’idée, la meilleure année de vente de jouets Tortues Ninja, Playmates a produit et envoyé cent millions d’unités (personnages et véhicules confondus) aux revendeurs. C’est, et de loin, le plus gros chiffre en matière de jouets jamais atteint. C’était la folie complète, et c’était à une époque où un jouet sous blister dans une boutique ne coûtait pas une quinzaine d’euros comme aujourd’hui. L’âge d’or pour le jouet… et les collectionneurs.
[nextpage title=”Cowabunga le cri des ninjas !”]
On y découvre les tortues dans un style graphique bien plus toon, avec une ambiance plus potache et des ennemis souvent stupides et ridicules. Shredder devient l’antagoniste principal, épaulé par deux créations pour l’occasion, et qui deviendront immédiatement cultes : Bebop et Rocksteady. Les soldats du Foot Clan sont désormais des robots, ce qui permet aux tortues de les démembrer dans la joie et la bonne humeur, sans violence aucune. Krang, une créature inspirée de la race pacifiste des Utrom du comic book, fait aussi sa première apparition en tant que méchant intergalactique, pilotant une sorte de colosse géant en slip. Pourquoi pas. Baxter Stockman, pour sa part, devient blanc, très certainement pour éviter de s’attirer les foudres des associations antiracistes, qui verraient sans doute d’un mauvais œil que le tyrannique Shredder passe son temps à hurler des ordres à un afro-américain.
Autre changement notable, Splinter n’est plus ici le rat d’Hamato Yoshi, transformé par du Mutagen, mais Hamato Yoshi lui-même. Il est alors entendu que le mutagen transforme toute créature vivante avec qui il entre en contact, en mêlant son ADN avec le dernier être vivant qu’il a touché. Vous suivez ? Parce que dit comme ça, on dirait presque une formule mathématique. Le truc archi compliqué et que seuls trois gars assis devant comprennent. En gros, les tortues sont touchées par Hamato Yoshi et prennent donc forme humaine, tandis qu’Hamato est frôlé par un rat dans les égouts juste avant d’entrer en contact avec le mutagen. Ce concept ouvre des portes créatives infinies et va permettre de créer une multitude de mutants. Playmates se frotte les mains.
[nextpage title=”Si ça marche…”]
Le succès commercial à tous points de vue de cette série va voir arriver tout un tas de clones et autres repompes plus ou moins inspirées : Street Sharks, Cheetahmen, C.O.W. Boys of Moo Mesa, Biker Mice From Mars ou encore Bucky O’hare, à l’exception que ce dernier existait déjà en comic book, mais n’aurait certainement jamais eu droit à sa série télé sans le phénomène TMNT.
Petite anecdote pour vous la péter en société : Chuck Lorre ça vous dit quelque chose ? Le créateur (entre autres) de Big Bang Theory et Two and a half men, est alors contacté pour scénariser cette nouvelle série. Il décline, faute de temps, mais écrit et produit tout de même le générique désormais mythique. Eh oui, ce générique qui nous fait encore aujourd’hui sautiller sur nos chaises, nous le devons au papa de Leonard, Howard et Rajesh.
[nextpage title=”T’es OK, t’es bath, t’es in”]
Il y a quelque chose d’inexplicable qui se passe, quand on regarde ces figurines, et qu’on les manipule. Leurs articulations sont catastrophiques, elles ne ressemblent que très peu à leurs homologues du dessin animé, les poses ne permettent pas grand chose… mais elles dégagent un truc, une sorte d’âme. La gamme va proposer tout un tas de variantes des tortues, des plus originales (simples tortues transformables en tortues ninja) aux plus inattendues (notamment une gamme Star Trek !), des véhicules mythiques, et même le célèbre Technodrome, véritable base gigantesque !
Tous les ayants-droits comprennent alors qu’il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin et la décision est prise de lancer un comic book reprenant l’univers du dessin animé.
Teenage Mutant Ninja Turtles Adventures, édité par Archie Comics entre 1988 et 1995, reprend dans un premier temps les histoires du dessin animé, avant qu’Eastman ne décide de confier le projet à Stephen Murphy et Ryan Brown de Mirage, qui créent alors des histoires inédites. C’est d’ailleurs ce duo qui va créer la célèbre équipe des Mighty Mutanimals, que l’on retrouve encore dans la série et le comic book actuels.
[nextpage title=”Il y avait Paul et Mickey…”]
La folie des censeurs ne s’est pas arrêtée là, puisque les épisodes eux-mêmes ont été édités. Déjà, Michelangelo est quasiment absent du générique, parce que pour les censeurs outre-Manche de l’époque, le nunchaku est une arme bien trop violente pour être montrée à la télé. Défoncer du punk à coup de bâton, planter des saïs dans des extraterrestres ou découper du robot-Foot à coup de katana, pas de problèmes. Mais montrer un nunchaku qui tournoie, non !
Dans certaines scènes du dessin animé, des armes sont éditées, chaque fois que le mot ninja apparaît, il est effacé, et des séquences complètes sont entièrement squeezées. Nous vous avons mis un comparatif du générique original, et de la version éditée pour le Royaume-Uni ci-dessus. Par ailleurs, vous y entendrez les paroles, elles aussi censurés.
Heureusement pour les fans européens, si le dessin animé a alors été frappé par la censure, les jeux vidéo eux, sont arrivés chez nous intacts. Et quels jeux !
[nextpage title=”Pizza Power !”]
Le second arrive en arcade, et dans la grande tradition des beat-them-all sauce Konami, il est jouable à 4 joueurs simultanément. C’est la folie dans les salles d’arcade et nombreux sont les copains qui se regroupent pour tenter d’en venir à bout en cramant tout leur argent de poche. Et si ce jeu est déjà très bon, que l’on aime ou pas la licence, c’est sa suite qui va vraiment marquer les esprits et, plus généralement, le monde de l’arcade et du jeu vidéo. En 1991 sort donc Teenage Mutant Ninja Turtles : Turtles In Time, en arcade et sur Super Nintendo, et son succès est immédiat et phénoménal. De nombreux fans de par le monde font la queue dans des salles enfumées dans l’espoir de pouvoir jouer quelques minutes leur tortue préférée, dans un jeu aux graphismes hallucinants et à l’ambiance électrique.
D’autant qu’en 91, les tortues ne sont plus seulement des stars de comics et de dessin animé. Elles sont entre temps devenues des stars de cinéma.
[nextpage title=”Radical, dude !”]
Mais tout ce qui monte doit finir par redescendre, et vous allez voir dans la seconde partie de notre dossier que la hype autour des Tortues Ninja ne fait pas exception à cet adage.
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Au top cet article !
je ne commente jamais les articles mais la .. vraiment très bon article
Sympa l’article …. super dossier !
Hate de lire la suite …
Super dossier !!!!!!!!! Vivement la suite !!!!!!!!!
Et d autres dossier de la même qualité ^^
Merci Feel !
Hâte de lire la suite ! 🙂
ps : maintenant, j’ai le générique des TMNT en tête pour la journée ! 😀
C’est toujours mieux que du Maître Gims 🙂
bravo, bel article j’ai fait un back in time au boulo en lisant ça, bon je m’y remet j’ai 1heure de retard
c’était vraiment mieux avant … vous avez vu le dessin animé tortues ninja récent diffusé sur france 4.
c’est une tuerie, une insulte à la licence, un irrespect complet pour celui qui le regarde (age mental conseillé : 3ans), comment peut ont osé diffuser un dessin animé aussi naze
Toi, tu vas pas aimer mon avis sur cette série dans la suite du dossier 😀
Par contre, je pense vraiment que pour dire ça, tu es passé à côté de quelque chose durant le visionnage. Parce que c’est juste une des meilleures séries d’animation modernes, TMNT ou pas.
Après, peut-être que la VF est une catastrophe, je ne saurai dire, je la regarde en VO.