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Dossier : Notre sélection des meilleurs courts-métrages de Pixar

Le début de cet été 2018 aura été marqué par la sortie en salles du formidable Les Indestructibles 2. Produit par l’incontournable studio d’animation Pixar et précédé par l’émouvant Bao, le film de super héros de Brad Bird marque pour le journal du geek l’occasion de vous livrer ce mois-ci une sélection bien particulière. Celle de ses courts métrages préférés produit par la célèbre firme américaine, et ce, sans classement, mais avec subjectivité et passion.

Depuis trois décennies maintenant, Pixar règne en maître sur le cinéma d’animation international. Créateur de fictions devenues des classiques de la pop culture (la trilogie Toy Story, Wall-E, Monstres et cie,…), les studios ont d’abord fait leur début grâce à Alexander Schure en 1974. À cette époque, cet universitaire et entrepreneur décide de fonder une équipe dans le but de réaliser des films en images de synthèse grâce au Computer Graphics Lab. Un ordinateur révolutionnaire qui permet la fabrication partielle de The Works, un mythique long métrage inachevé et intégralement conçu en 3D.

En 1979, George Lucas recrute l’ambitieuse équipe. Cette dernière prend alors le nom de Graphics Group. Un service de la division informatique de Lucasfilm qui, en collaboration avec ILM, travaille sur des séquences à effets spéciaux de Star Trek 2 : La colère de Khan et Le secret de la pyramide. Rachetée en 1985 par le géant d’Apple, Steve Jobs, la société se diversifie ensuite dans la conception d’ordinateurs et donne notamment naissance au Pixar Image Computer.

Il faut attendre le début des années 1990 pour que Pixar prenne enfin son envol dans le domaine qui l’a aujourd’hui rendu si célèbre. En mai 1991, Walt Disney et la compagnie signent un contrat de plusieurs millions de dollars qui aboutit à la réalisation de trois films. Le premier d’entre eux raconte l’histoire de jouets qui prennent vie dès que les humains ont le dos tourné. Suivront 1001  pattes puis Toy Story 2. Le succès est lancé.

Si Pixar reste depuis ses débuts au cinéma aussi populaire au sein du grand public, c’est sans doute en raison de la grande qualité de ses propositions cinématographiques. Pourtant, un autre facteur non négligeable n’est peut-être pas à écarter. Celui des courts métrages. Ces petites histoires présentées avant chaque film (ou presque si l’on excepte Toy Story et Coco) et qui provoquent généralement un émerveillement aussi bref qu’intense.

Telle une sorte de bonus compris dans le prix du ticket, et véritable rituel indissociable de la projection pour certains, ces créations sont initiées bien avant 1995 et la sortie en salles des péripéties de Woody et Buzz. Historiquement, Les Aventures de André et Wally B d’Alvy Ray Smith sont ainsi ce que l’on peut considérer comme étant le tout premier court métrage de Graphics Group en 1984. Par la suite, John Lasseter (Cars 1 et 2) réalise de 1986 à 1989 quatre autres films de moins de cinq minutes. Luxo jr, Red’s dream, Tin Toy et Knick Knack. Deux d’entre eux obtiendront les honneurs d’une sortie salle quelques années plus tard, en double programme avec un long. La suite, vous la connaissez. Voici donc un florilège de quelques-unes des œuvres courtes les plus sensationnelles de l’illustre firme à rêves.

[nextpage title=”Les grands classiques”]

Luxo jr (1986)

Sur un plan de travail, une lampe de bureau vivante se retrouve confrontée à une balle jaune qui ne cesse de revenir vers elle après qu’elle l’a renvoyée au loin. Après un moment, elle s’aperçoit que c’est une plus petite lampe qui s’amuse à lui réexpédier la balle. Mais celle-ci finit par crever et se dégonfler. Et alors que la plus grande lampe pensait le jeu terminé, la petite lampe revient vers elle en sautillant avec une balle jaune trois fois plus grosse que la première.

D’une durée d’un peu plus de deux minutes, Luxo jr n’est sans doute pas le court métrage le plus impressionnant d’un point de vue narratif produit par Pixar. Pourtant, il reste assurément comme l’un des plus iconiques. Ne serait-ce que pour son héros lampe, devenue depuis la mascotte de l’entreprise américaine et figurant directement sur son logo.

En le replaçant dans son contexte, Luxo jr est aussi, et surtout, une date dans l’histoire des images de synthèse.  Entièrement réalisé en plan-séquence et plan fixe, le film est principalement conçu pour être une démonstration technique. L’un des buts avoués est ici de créer une nouvelle forme de dessin animé, où l’ordinateur et les images directement générées par ce dernier jouent un rôle essentiel. Une mission que réussit haut la main John Lassetter, et qui va participer dans les années suivantes au bouleversement majeur de l’industrie hollywoodienne. La performance sera saluée à l’époque par l’Académie des Oscars qui lui offrira une nomination dans la catégorie meilleure court métrage d’animation. Une première pour une œuvre de ce type.

Luxo jr précédait la projection de Toy Story 2 lors de sa sortie en salles.

Tin Toy (1988)

Dans un salon, un jouet homme-orchestre tente de divertir un bébé. Mais rapidement, le jeune enfant se montre sadique envers certaines de ses affaires. Le petit homme orchestre, qui se sent menacé, fuit alors sous un canapé. Il y découvre plusieurs dizaines d’autres jouets terrifiés comme lui. Le bébé, de son côté, se fait mal en tombant sur le plancher et se met à pleurer. L’homme orchestre, apitoyé, décide de l’aider et parvient à lui remonter le moral grâce aux sons de ses instruments. Une fois remis, le bébé s’empare du jouet et le secoue dans tous les sens. Avant d’aller jouer avec une boîte en carton, laissant enfin un peu de répit au petit homme orchestre.

https://www.youtube.com/watch?v=ffIZSAZRzDA

Successeur de Luxo jr, Tin Toy poursuit les expérimentations de Lasseter en poussant cette fois-ci le curseur de la technicité encore plus loin. Au scénario encore une fois secondaire, quoique non dénué d’une dimension éminemment évocatrice sur la nature humaine, le futur metteur en scène de 1001 pattes convoque des CGI (computer generated imagery) mémorables. Le bébé est à ce titre un effet spécial à part entière. Aujourd’hui presque effrayant dans sa représentation qui le fait entrer dans la vallée de l’étrange, il siège cependant comme l’un des personnages humains les plus importants et symboliques dans la chronologie des effets spéciaux numériques. Tout simplement un exploit technologique.

Tin Toy a reçu l’Oscar du meilleur film d’animation en 1989.

Geri’s Game (1997)

Dans ce qui semble être un petit parc en extérieur, Geri, un vieil homme, débute une partie de jeu d’échecs en solitaire. Mais bientôt, il se retrouve rejoint par son double, une sorte de version plus dynamique de lui-même et issue de sa psyché. Ensemble, ils décident alors de s’affronter aux échecs. Pour vaincre sa némésis, le vieillard utilise une ruse. Celle de simuler une crise cardiaque pour retourner le plateau de jeu sans que l’autre ne s’en rende compte. Le vieil homme gagne ainsi la partie et son double lui rend son dentier. Mais immédiatement après, l’alter ego disparaît, laissant le vieillard victorieux mais seul autour de la table.

Plusieurs années avant Là Haut, Pixar relevait déjà le défi de raconter une histoire dont le personnage principal appartient au troisième âge. Un parti pris risqué, et donc salutaire, compte tenu de la cible enfantine de l’œuvre. Nonobstant une action restreinte (une partie d’échecs), Geri’s Game atteint cependant son objectif à la perfection. À savoir de faire de son vieillard un protagoniste aussi ludique qu’attachant.

De son écriture psychologique aux mimiques qui lui donnent vie en 3D, Geri est peut- être l’un des premiers grands personnages du studio à posséder une « âme ». Un prodige d’animation incarnée, renforcé par une chute scénaristique à la mélancolie douce-amère, où la solitude, voire la maladie mentale du vieil homme, explose au grand jour. Se transformant en réflexion existentielle, le métrage peut alors jouir d’une multitude de grilles de lecture. L’une d’entre elles pourrait être la suivante : vieillir, c’est souffrir, et seule l’illusion peut encore sauver l’homme de sa propre condition humaine. Du pessimisme joyeusement mis en scène.

Geri’s Game précédait la projection de 1001 pattes lors de sa sortie en salles.

Piper (2016)

Sur une plage, une oiseau de mer tente de rendre son fils plus autonome. Elle veut qu’il soit capable de trouver seul de la nourriture à l’intérieur des coquillages échoués au bord de l’eau. Mais le petit est terrorisé par les vagues. Il trouve finalement le courage d’aller au-devant de ses angoisses lorsqu’il aperçoit un crustacé se mettre dans le sable quand une vague arrive.

Comment vaincre ses peurs et apprendre à vivre dans un monde dangereux ? Telles sont les problématiques centrales de Piper, qui métaphorise les craintes liées à l’enfance avec une simplicité  déconcertante. Limpide, le sous-texte l’est de la sorte en raison d’un montage virtuose et d’un script constitué d’éléments en permanence symboliques. Et donc naturellement riche de sens.

Mais Piper est également, une fois n’est pas coutume, une merveille de technicité. Des somptueuses textures de l’eau et du sable aux fabuleux jeux de lumière en passant par la modélisation bluffante des animaux, le résultat tient de l’authentique coup de maître. Rarement aura-t-on vu des images de synthèse avec pareille qualité photo-réaliste. À tel point que la frontière entre réel et virtuel paraît ici plus que jamais s’abolir. Une éclatante création.

Piper précédait la projection du Monde de Dory lors de sa sortie en salles.

[nextpage title=”Des courts-métrages à messages”]

Day and Night (2010)

Jour, un personnage dont le corps contient un monde ensoleillé, rencontre Nuit, un protagoniste constitué du même univers mais qui se déroule quant à lui dans l’obscurité. Les deux sont d’abord effrayés et laissent percevoir un regard de grande méfiance l’un envers l’autre. Mais petit à petit, ils découvrent que leurs différences respectives constituent des qualités qu’ils ne soupçonnaient pas au premier abord. Jour et Nuit vont alors commencer à s’apprécier et devenir amis. Jusqu’à ce qu’ils échangent sans faire exprès leur singularité biologique. Le soleil remplace ainsi la lune et vice versa au sein du corps des deux protagonistes. Jour devient alors Nuit. Et Nuit devient Jour.

Sublime, Day and Night l’est à plus d’un titre. D’abord grâce à ses deux héros totalement surprenants. Avec un mélange de techniques rétro et modernes (animation traditionnelle pour les personnages et animation 3D pour l’univers contenu dans leur corps), Jour et Nuit bougent, s’animent et existent d’une manière unique.

https://www.youtube.com/watch?v=q864EalnLvs

Il faut de ce fait souligner l’extrême originalité du projet. Day and Night, plus que tout autre court produit par Pixar, contient l’essence même du média employé. De par sa forme hybride et son concept impossible à retranscrire avec autant de succès sur un film live, ce court métrage use de la spécificité du dessin animé/film d’animation. S’ajoute à cela un sous-texte idéaliste sur la tolérance et la découverte de l’autre, magnifiquement retranscrit par quelques idées visuelles ébouriffantes. On retiendra notamment celle où les deux bonshommes s’amusent en dansant à observer les différences entre une ville de Las Vegas de jour et de nuit. La lumière des casinos produisant à ce moment précis dans le regard du spectateur un enchantement quasi surnaturel.

Day and Night précédait la projection de Toy Story 3 lors de sa sortie au cinéma.

Knick Knack (1989)

Sur une étagère, un bonhomme de neige souhaite plus que tout s’échapper de sa boule de verre pour aller rejoindre une femme en bikini située à seulement quelques mètres de lui. Le personnage cherche alors à briser les parois de son habitat à l’aide de différents outils : marteau, dynamite …tout y passe, mais sans succès dans un premier temps. Jusqu’à ce qu’il remarque que sa boule de verre a légèrement bougé et qu’elle se situe désormais au bord de l’étagère. Le bonhomme de neige finit alors par tomber de cette dernière et atterrit dans un aquarium. À l’intérieur, il aperçoit, heureux, une sirène semblable à la femme en bikini. Mais la boule de verre lui retombe dessus et le bonhomme de neige y reste prisonnier.

Petit chef d’œuvre en soi, Knick Knack rejoint thématiquement un autre des travaux de John Lasseter réalisé deux ans plus tôt. Cette histoire désenchantée de bonhomme de neige évoque effectivement l’inquiétant, voire déprimant, Red’s Dream.

Un court métrage de quatre minutes où Red, un monocycle, vole la vedette à un clown lors d’un numéro de jonglage. Un moment de gloire fugace pour l’objet vivant qui réalise très vite que tout cela n’était qu’un rêve et qu’il se trouve en réalité dans un magasin de vélos.

Une trajectoire qui rappelle celle du héros de Knick Knack qui, pensant avoir enfin accédé à la liberté et au bonheur à la fin de son aventure, se retrouve à nouveau enfermé dans un espace confiné. Un propos nihiliste qui détonne considérablement avec l’animation colorée et le design enfantin du bonhomme de neige. Pourtant, rarement aura-t-on eu autant l’impression de voir ici le cœur profond de Pixar. Le même qui constituera, des années plus tard, l’esprit des fascinants Là Haut, Wall-E et Vice Versa. Ou quand le film pour enfants devient universellement profond.

Knick Knack précédait la projection du Monde de Nemo lors de sa sortie en salles.

Lou (2017)

Dans une école maternelle, Lou, une créature vivante dans une boîte d’objets perdus qui constituent également son corps, s’occupe de récupérer les jouets et autres vêtements égarés des élèves pour les disposer le jour suivant dans la cour, et ainsi les restituer à leur propriétaire. Mais un jour, un jeune garçon du nom de J.J. se met à voler les affaires de ses camarades pour s’amuser. Lou, révolté, sort de sa boite et s’empare de l’ours en peluche de l’enfant, qu’il décide de lui rendre à la condition que ce dernier redonne toutes les affaires volées à leur propriétaire. J.J. accepte et s’exécute. Mais au moment de récupérer son ours en peluche, il s’aperçoit qu’au fond de la boîte où vivait Lou, la créature a disparu. Le jeune garçon s’en va alors jouer avec ses amis, tout heureux d’avoir récupéré leurs objets perdus.

Formidable récit de rédemption fantastique, Lou bénéficie d’un monstre-vedette que ne renieraient sans doute pas Steven Spielberg et Guillermo Del Toro.

À la fois vecteur d’émerveillement, de mélancolie et de gaieté, la créature fonctionne à divers degrés de compréhension. Jouet amusant pour les plus jeunes, matérialisation de la conscience de J.J. pour les adultes, ou encore figure miroir de l’homme et de sa ‘‘monstruosité’’ pour d’autres, elle transmet dans chaque cas une aura de fascination certaine.

En dehors de son croque-mitaine positif, Lou trouve une seconde raison d’exister lors de son final. Tragique et optimiste en même temps, il suffit à ce dernier d’un seul plan pour bouleverser. En l’occurrence, celui sur la boîte d’objets du monstre où sont inscrites les lettres « Lost and found ». « Perdu et retrouvé ». Des mots qui font bien évidemment écho à l’évolution psychologique et émotionnelle de J.J.

Lou précédait la projection de Cars 3 lors de sa sortie en salles.

La Luna (2011)

La nuit, à bord d’une barque, un jeune homme, son père et son grand-père se déplacent calmement au beau milieu de la mer. Les deux aînés offrent au garçon la même casquette qu’ils portent, mais commencent à se disputer sur la façon dont l’enfant doit la porter. Puis ils attendent, jusqu’à ce qu’apparaisse une pleine lune dans le ciel. À l’aide d’une échelle, le jeune homme grimpe dessus, rejoint bientôt par le père et le grand-père. Ils commencent tous les trois à balayer de petites étoiles recouvrant le sol de l’astre. Mais les deux aînés se disputent à nouveau sur la façon de procéder. Une étoile beaucoup plus grande que les autres tombe alors à côté d’eux. Après plusieurs tentatives qui se soldent toutes par des échecs, c’est l’enfant, grâce à un léger coup de marteau, qui parvient à débloquer la situation et à retirer l’étoile de sa croûte lunaire.

Par la suite, le garçon décide de porter sa casquette à l’envers et prend comme outil un râteau et non plus un balai. Une fois le travail fini, les trois protagonistes remontent dans leur barque et peuvent voir apparaître dans le ciel un croissant de lune.

Somptueux récit poétique où le gigantisme côtoie la plus pure fantasmagorie, La Luna offre au spectateur un cheminement intérieur de personnage typique de Pixar. En laissant l’enfant faire ses propres choix au lieu de suivre didactiquement le chemin tracé par ses deux aînés, le studio démontre une nouvelle fois sa volonté de disposer d’ un propos philosophique et politique au sein d’une fiction en apparence destinée aux plus jeunes. Grâce au pouvoir de l’allégorie et de l’imaginaire, La Luna se fait alors appel à changer le monde. Car au-delà d’une simple histoire de transmission, le film est avant tout une suggestion à devenir libre. Libre de penser, d’être et d’agir différemment des voies voulues et imposées par les autorités quelles qu’elles soient. Pixar au sommet de son art.

La Luna a été diffusé pour la première fois au Festival d’Annecy en 2011, avant d’être projeté en première partie du long métrage Rebelle l’année suivante.

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