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[Dossier] Moon Knight ou le culte de la (multiple) personnalité

Il est très riche, porte un costume doté d’une longue cape et d’un masque pour protéger son identité quand il sort estropier de la racaille, cogne…

Il est très riche, porte un costume doté d’une longue cape et d’un masque pour protéger son identité quand il sort estropier de la racaille, cogne dur et est accessoirement complètement schizophrène. C’est ? C’est ? C’est… Oui bah c’est Moon Knight. En même temps vous avez lu le titre du dossier. Qui est-il ? D’où vient-il ? Pourquoi ? Quand ? Comment ? Fera-t-il beau demain ? Le journal du Geek vous dit tout.

Créé en 1975 par Doug Moench et Ron Perlin, Moon Knight fait sa première apparition dans Werewolf By Night N°32, dans la peau d’un méchant. Sa popularité immédiate lui vaudra très rapidement d’être transformé en gentil, et sa première apparition sera maquillée en mission d’infiltration. Les mecs ne doutent de rien, on dirait des politiciens. Bref. Moon Knight, alias Marc Spector est au départ un mercenaire qui a la bonne idée de se faire tuer en Egypte, au pied d’une statue représentant Khonshu, le dieu de la Lune. Khonshu lui propose alors de lui redonner vie, si Spector l’accepte en lui (ce n’est pas sale) et devient son vaisseau sur terre. Spector accepte, bien décidé à ne pas rater le prochain Hanoukka, et revient à la vie, comme prévu. Il rentre donc chez lui, la statue de Khonshu sous le bras, et le linceul gris-blanc dans lequel il se trouvait dans son sac.

De retour aux États-Unis, Spector décide d’utiliser la petite fortune qu’il s’est composée en tant que mercenaire et se crée l’identité de Stephen Grand, un genre de Bruce Wayne, mais sans Batcave. Puis il décide de commencer à combattre le crime. Non, parce que c’est vrai que l’Amérique n’a pas encore assez de super héros. Il se fabrique donc un costume argenté, inspiré par le fameux linceul dans lequel il a repris vie, et se fait appeler Moon Knight (le chevalier de la lune, pour les anglophobes). Et si gérer trois personnalités distinctes n’était pas déjà un challenge assez compliqué, il décide de se créer une quatrième identité, celle du chauffeur de taxi Jake Lockley, qui va lui permettre de garder un œil sur les rues sales et les ruelles moites.

[nextpage title=”Tu veux voir ma lune ?”]

Au delà d’être empli de l’âme d’une divinité jouant avec son esprit, Spector possède aussi un pouvoir, hérité d’une morsure faite par un loup-garou (ne riez pas), à savoir une force qui augmente à mesure que la lune apparaît pleine. En gros, si Moon Knight a la force d’un super athlète quand la lune se montre en croissant, mieux vaut ne pas lui chercher d’histoires un soir de pleine lune. Sauf que l’effet de cette morsure va rapidement s’estomper, poussant Spector à mettre fin à sa vie de super héros et à abandonner ses autres personnalités, pour ne se consacrer qu’à ouvrir des galeries d’art un peu partout dans le monde. Pourquoi pas, hein. C’est pas Batman qui ferait ça, mais pourquoi pas.

Khonshu, pas très content de voir que son vaisseau est devenu un dandy, lui apparaît et lui donne tout un nouvel arsenal inspiré de la lune (imaginez un Batarang en forme de croissant de lune, et vous avez compris le concept), puis pénètre Spector. Non, pas comme ça. Spirituellement. Sérieux, vous avez quel âge ? Cette fusion redonne à Spector ses pouvoirs perdus, et une nouvelle volonté de casser de la boîte crânienne de délinquant.

[nextpage title=”Bis repetita”]

Durant ses pérégrinations, Moon Knight va rejoindre les Vengeurs Côte Ouest, avant d’être abandonné par Khonshu et de quitter l’équipe, puisqu’il semble alors que c’était Khonshu qui rêvait d’avoir une carte de membre plastifiée des Vengeurs, et non Spector. Il part donc retrouver Marlene et Frenchie, ses anciens alliés, et meurt. Hein ? Nan, mais le mec c’est le pire mercenaire de l’univers, il passe son temps à mourir alors qu’il n’a pas les capacités de Deadpool. À un moment, faut peut-être envisager de changer de métier. Heureusement pour lui, Khonshu arrive et lui redonne vie.

C’est à cette époque que l’on sent vraiment l’inspiration de Batman dans les aventures de Moon Knight. Spector prend un sidekick, un petit jeune du nom de Midnight, et croise la route de Black Cat. Les similitudes avec le Dark Knight de Gotham city sont légion, mais ce genre de procédé est habituel dans l’univers des comics. Moon Knight continue à combattre le crime, mais s’éloigne définitivement des Vengeurs quand ces derniers lui demandent de répondre de la façon dont il a affronté Doctor Doom. Puis, pour changer, Spector meurt une nouvelle fois brutalement, en 1994, mettant fin à sa série après 60 numéros. Le mec.

[nextpage title=”Pleine lune”]

Ce n’est que quelques années plus tard, en 1998, que Spector est ressuscité. Ceci dit, son utilisation est alors assez sporadique et anecdotique, comparée à celle de Batman chez DC. Marvel ne sachant pas vraiment comment traiter ce personnage. Ce n’est qu’à partir de 2006 que le personnage commence à trouver un second souffle, lorsque l’on apprend que les méthodes hyperviolentes de Spector ne plaisent pas à la majorité des super héros (tu m’étonnes). Tony Stark craint même pour la santé mentale de Spector après que ce dernier tue son ancien sidecick devenu super vilain.

Comme nous sommes alors en pleine campagne d’enregistrement des super héros (l’arc qui inspiré le film Captain America Civil War), Spector et ses multiples personnalités sont entendus par un psy, qui décrète qu’il doit être placé en détention, pour sa sécurité et celle des autres. Personne ne s’en doute alors, mais il s’agit là des prémices de ce qui va être une renaissance pour le personnage de Moon Knignt, qui va devenir l’un des super héros les plus intéressants et fascinants de l’ère moderne. « Sérieux ? » demandez-vous. Est-ce que je suis du genre à dire des conneries ? Oui, bon, ok. Mais là, je suis sérieux, en fait.

[nextpage title=”Avant j’étais schizo… mais on va mieux”]

Spector ayant pris la fuite pour le Mexique durant l’arc Civil War, ce n’est qu’après celui-ci qu’il décide de revenir, plus tourmenté que jamais. Désormais, en plus de posséder plusieurs personnalités, il est aussi hanté par une image de Khonshu, qu’il se représente costumé en Moon Knight, mais avec une tête de squelette d’oiseau. Vous voyez les tronches d’oiseaux que fait le couple dans Beetlejuice ? Ce truc top flippant ? Bah voilà. La même. Et le mec est constamment assailli par cette vision. Quand il dort, quand il combat le crime, quand il est aux cabinets… Tout le temps. Et pour couronner le tout, cette vision de Khonshu le pousse à tuer.

Avance rapide sur une multitude d’aventures plus ou moins violentes, durant lesquelles Moon Knight/Lockley/Spector va multiplier les dépressions nerveuses, et s’approcher chaque fois un peu plus de la folie pure. L’un des points culminants arrive dans Moon Knight Vol.4, lorsqu’il développe trois nouvelles personnalités, basées sur Spider-Man, Captain America et Wolverine. Tout va bien. Puis la personnalité de Wolverine tue celles de Spider-Man et Captain America, et tout ne va plus aussi bien. Vol.4 se termine en nous montrant un Spector développant une nouvelle personnalité, celle d’Iron Man. Mais c’est réellement la série Moon Knight Vol.5 qui va lui donner ses nouvelles lettres de noblesse.

[nextpage title=”Comme Batman, mais mieux”]

Vous vous souvenez de ce dossier dans lequel je revenais sur la possibilité que Bruce Wayne soit en fait schizo et que la majorité de ses aventures aient lieu dans sa tête ? Et bien c’est exactement ce que les auteurs de Moon Knight Vol.5 ont choisi d’explorer. Quand un super héros n’est plus capable lui-même de séparer la réalité de la fiction, les faits des fantasmes, comment savoir ce qui s’est réellement produit ? Réalisé de main de maître par Warren Ellis et Declan Chalvey, ce nouveau Moon Knight a tout pour plaire. Un graphisme exceptionnel, avec un Mr Knight (une nouvelle personnalité de Spector qui travaille en étroite collaboration avec la police et se déplace en limousine autonome) entièrement blanc qui évolue dans un décor en couleur, des histoires courtes de type pulp, très référencés années 50-60, sombres et noires comme un polar, et une trame qui tapisse les murs capitonnés de la cellule psychologique dans laquelle est enfermé Marc Spector.

La suite, scénarisée par Brian Wood, pousse encore plus le concept de pulp et le dessin et les découpages de Greg Smallwood apportent un côté indépendant bien trop souvent absent des publications mainstream. Le ton est donné, Moon Knight n’est plus un ersatz de Batman ni un gentil gars perturbé, mais bien un schizophrène hyperviolent et complètement déconnecté de la réalité. Seulement, au meilleur moment, Marvel décide de rebooter l’univers Marvel et l’avenir de Moon Knight, comme celui d’autres personnages, est alors incertain. Jusqu’à l’arrivée de Moon Knight Vol.6.

[nextpage title=”De l’art sur papier”]

Ces nouvelles aventures de Moon Knight commencent fort, très fort. On y découvre Marc Spector enfermé dans un asile de fous, dans lequel il serait en fait enfermé depuis de nombreuses années. Moon Knight, Lockley, son passage chez les Vengeurs… tout ça ne se serait donc produit que dans sa tête et il ne s’agirait que d’un pensionnaire schizophrène paranoïaque à tendance hyperviolente. Persuadé que tout ceci n’est qu’un coup monté pour le rendre plus fou qu’il ne l’est, Spector tente de s’enfuir… et tombe successivement sur toutes les personnes qui ont compté dans sa vie. Tantôt c’est une assistante médicale qui possède les traits de sa bien-aimée, tantôt un maton est son pire ennemi, tantôt un autre pensionnaire ressemble trait pour trait à l’un de ses associés. L’angoisse est palpable et parfaitement ressentie, et on a presque les mains moites en tournant les pages. Jeff Lemire, l’auteur, maîtrise complètement son sujet et le résultat est époustouflant. On a le souffle haletant et on s’accroche à son comic book. Pour ne rien vous gâcher, je ne vous spoilerai pas et vous conseille plutôt vivement de découvrir ça par vous même. Conseil de lecture avant de passer à la conclusion : offrez-vous les deux premières reliures de Moon Knight Vol.5 (la troisième est très dispensable) et passez à Moon Knight Vol.6.

[nextpage title=”La folie des grandeurs ?”]

L’idée de développer un super héros schizophrène n’est pas nouvelle, et même DC a par le passé timidement tenté d’explorer les recoins sombres de la psyché de Batman. Mais Moon Knight nous apporte quelque chose que l’on a jamais vraiment vu avant : Un héros mainstream, complètement pété, qui le sait, vit avec, et tente de faire au mieux. Alors oui, vous allez me dire que Deadpool est aussi pété, mais c’est encore différent. Là où Deadpool joue le clown pour masquer une tristesse et une peine inconsolables mais est au final bien ancré dans la réalité, Spector, lui, vit dans un monde à part dans sa tête, et tout ce qu’il vit, pense, ressent, est potentiellement le fruit de son imagination. Cela apporte une pression constante, du genre qui empêche de respirer correctement.

Là où de nombreux super héros sont un peu chiants comme la mort, d’une platitude absolue et souffrent d’une absence totale d’originalité, Moon Knight fait figure d’uppercut au foie. Un peu à la manière de l’excellent Fight Club, auquel il prend d’ailleurs quelques codes, le nouveau Moon Knight nous montre qu’il reste de l’espoir pour des histoires culottées, originales, et adultes, dans le monde des merveilleux culturistes en collants moulants.

Ah et oui, il fera beau demain. Pas forcément chez vous, mais quelque part, statistiquement, y’a des chances.

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