Tout le monde voulait en être
L’œuvre de Tolkien fascine le grand public depuis des décennies. Bien avant que Peter Jackson ne signe sa trilogie désormais légendaire, de nombreux prétendants se sont bousculés au portillon du Professeur pour contribuer à l’adaptation cinématographique.
Cela commence par le regretté Christopher Lee, acteur de génie connu pour avoir incarné toute une flopée de méchants iconiques. Il se trouve que l’interprète de Dracula et du compte Dooku était un inconditionnel de Tolkien, dont il lisait notoirement l’œuvre chaque année depuis … 1954. C’était aussi le seul membre du casting à avoir rencontré Tolkien en chair et en os. Et pourtant, cette loyauté ne lui aura pas suffi à décrocher le rôle qu’il souhaitait, à savoir Gandalf. Mais plutôt que de se passer de ses services, Peter Jackson a décidé de lui offrir le rôle de Saroumane. Et bien lui en a pris; avec le recul, Lee nous a gratifiés d’une superbe performance, et son interprétation du sorcier corrompu figure désormais en bonne place dans sa collection de vilains.
Il y a également nombreuses autres personnalités qui ont été envisagées, mais qui n’ont pas forcément eu les faveurs de Tolkien. On peut citer pêle-mêle différentes rumeurs plus ou moins crédibles qui mentionnaient Sean Connery, Nicolas Cage, Vin Diesel, Uma Thurman, Liam Neeson, ou encore….. les Beatles !?
Ces dernières années, il est en effet apparu que le groupe avait effectivement dans l’idée de tourner son propre film. Les musiciens avaient ainsi dans l’idée de placer John Lennon dans le rôle de Gollum et George Harrisson dans celui de Gandalf. Ringo Starr et Paul McCartney se seraient quant à eux chargés des hobbits, en jouant respectivement Sam et Frodon. Encore mieux : ils auraient même démarché Stanley Kubrick en personne ! Des affirmations qui ressemblent fort à des rumeurs farfelues comme il en existe des dizaines autour du Fab Four, sauf qu’elles ont finalement été confirmées par Peter Jackson en personne.
“Ils ont essayé de le faire, il n’y a aucun doute là-dessus”, affirmait le réalisateur lors d’une interview à la BBC. “Pendant un moment, début 1968, ils ont très sérieusement envisagé de le faire”, insiste-t-il. Mais au bout du compte, ils n’ont pas pu obtenir les droits auprès de Tolkien. “Il n’aimait pas l’idée qu’un groupe de musique populaire incarne son histoire”, explique Jackson.
Vu le succès retentissant de la trilogie de Jackson, on peut donc affirmer que Tolkien a eu le nez creux. Mais d’un autre côté, nous regretterons aussi jusqu’à la fin de nos jours de ne pas avoir eu l’occasion de voir le hippie le plus célèbre de l’histoire arpenter le Mordor à quatre pattes. On ne peut pas tout avoir…
Viggo Mortensen a donné de sa personne
Le casting trois étoiles de la trilogie n’a pas empêché Viggo Mortensen de s’illustrer à bien des égards. Si son interprétation fabuleuse d’Aragorn est depuis passée à la postérité, ce succès ne doit rien au hasard; c’est entièrement le fruit du travail d’un acteur qui s’est investi corps et âme pour donner vie à un héros iconique.
Cela commence par son investissement total dans les scènes de combat. Chez lui, pas question de faire semblant; ses anciens collègues ont par exemple révélé qu’il a un jour perdu une dent lors d’une scène, et qu’il avait insisté pour qu’on “la lui remette en place avec de la super-glu pour qu’il puisse retourner travailler” d’après Elijah Wood.
Et une fois épée en main, Mortensen n’est plus seulement un acteur : c’est aussi un véritable escrimeur amoureux de la discipline qui s’attache à rendre hommage à cet art. Il est par exemple de notoriété publique qu’il insistait pour manier une vraie épée en acier au lieu d’une réplique en aluminium pour contribuer au réalisme des affrontements.
Un dévouement qui lui a valu l’admiration de tous ses collègues. Mais surtout, il a particulièrement impressionné le légendaire Bob Anderson, un escrimeur olympique émérite qui a entraîné une foule d’acteurs célèbres aux combats à l’épée. Celui qui était aussi la doublure de Dark Vador dans Star Wars considère son apprenti comme “le meilleur épéiste qu’il ait jamais entraîné [à Hollywood]”. Ça vous place un bonhomme !
On se souvient également de cette scène mémorable dans le second opus, Les Deux Tours. Aragorn vient alors de découvrir une pile de corps calcinés qui semble sceller le sort de Merry et Pippin, qui sont dans de beaux draps à ce moment de l’intrigue. Dans un mouvement de rage, Aragorn assène alors un grand coup de pied à un casque qui traînait là avant de tomber à genoux dans un cri de désespoir.
Ce qu’on ne savait pas au moment de la sortie du film, c’est que ce cri ne résultait pas seulement de l’excellent jeu d’acteur de Mortensen. Il se trouve que le casque en question était un vrai heaume en métal particulièrement lourd sur lequel l’acteur s’est tout simplement cassé deux doigts de pieds ! Plutôt que d’interrompre la scène, il a choisi de canaliser cette douleur physique dans un cri viscéral qui accentue encore la gravité de la scène. Chapeau bas !
Une révolution technique
En plus d’être brillante en tous points, cette trilogie s’est également illustrée en révolutionnant complètement le monde de l’imagerie par ordinateur. Cela commence par Gollum, qui a changé le monde de la CGI à tout jamais. Le hobbit corrompu par l’anneau doit son succès à deux parties tout aussi exceptionnelles les unes que les autres. D’un côté, il y a évidemment son interprète Andy Serkis; il ne fait aucun doute que sa voix, sa gestuelle et ses mimiques phénoménales ont largement contribué à la popularité du personnage.
Mais l’effet n’aurait certainement pas été le même sans le travail des vrais sorciers de la Terre du Milieu, à savoir les troupes de WETA Digital. Ce sont ces pros des effets spéciaux qui ont fini de transformer Serkis en Gollum, et pour cela, ils ont dû inventer à la volée de nombreux systèmes qui font aujourd’hui partie des standards de la CGI. Cela commence par le concept de la performance capture, qui consiste à partir d’un acteur en chair et en os pour reconstituer un personnage virtuel plus vrai que nature. Les Deux Tours a été le tout premier film au monde à utiliser ce type de système de capture de mouvement en temps réel.
Le défi était immense, sachant qu’il s’agit d’un des personnages principaux; il passe un temps considérable à l’écran, sous le regard intransigeant du spectateur, et il n’y a donc pas de place pour l’approximation. Et le pari a été remporté haut la main. À bien des égards, c’était la toute première fois qu’un être vivant était aussi bien reproduit et intégré avec un niveau de réalisme grossièrement comparable à celui des acteurs qui l’entourent. “Quand nous avons fait Gollum, personne n’avait encore produit une œuvre qui exigeait à ce point que la créature soit visuellement crédible pour le public”, expliquait Eric Saindon, directeur des effets spéciaux chez Weta dans une interview à Vulture.
Pour commencer, ils ont été les premiers à utiliser un système de musculature virtuelle pour déformer automatiquement et naturellement la peau de Gollum. C’est cette technologie qui lui confère ce côté organique qui le rend d’autant plus dérangeant et marquant. Mais ce qui a le plus contribué au réalisme de feu Smeagol, c’est avant tout la transluminescence.
Dans la nature, la lumière traverse et se diffuse dans les couches superficielles de la peau, ce qui change radicalement l’apparence des humains. Si vous avez déjà vu de mauvais effets spéciaux où les humains ont le teint d’un robot en plastique, c’est probablement parce que l’artiste n’a pas simulé la transluminescence, contrairement aux équipes de WETA pour Gollum. Cette technique qui contribue largement au réalisme de la peau et des yeux est devenue standard aujourd’hui, mais qui n’en était qu’à ses balbutiements à l’époque du tournage. Tout restait donc à inventer, et des films comme Matrix: Reloaded ont largement bénéficié de leurs travaux par la suite. Un exploit retentissant qui a transformé la CGI au point de leur rapporter un Oscar bien mérité.
Et ces exploits techniques ne concernent pas que Gollum. On se souvient par exemple de l’araignée Shelob ou du Balrog; l’impact de ces deux créatures et des scènes qui les définissent aurait certainement été bien moindre sans la magie des troupes de WETA.
C’était aussi la première franchise de films à utiliser un framework baptisé MASSIVE (Multi-Agent Simulation System in Virtual Environment). Vu l’échelle des combats, il était évidemment inconcevable de demander à des artistes d’animer manuellement des milliers de personnages en pleine bagarre. À la place, MASSIVE leur a permis de générer automatiquement des affrontements dantesques pour alimenter les plans larges. Les artistes ont donc pu se consacrer entièrement aux scènes plus détaillées.
Au bout du compte, il est fondamental de rappeler le travail de WETA, des décorateurs, costumiers, accessoiristes, maquilleurs, et de tous les autres artistes qui ont apporté leur pierre à l’édifice. Sans cette véritable masterclass technique, cette saga à couper le souffle n’aurait assurément pas été épique à ce point.
Des caméos à n’en plus finir
La trilogie de Peter Jackson est tellement haletante qu’il est impossible de remarquer tous les détails au premier visionnage. Mais même après la dixième séance, il reste des éléments qu’il est plus ou moins impossible de remarquer à moins de les connaître à l’avance; c’est notamment le cas des nombreux caméos qui se sont glissés dans les trois films.
Cela commence par les employés des deux branches du studio WETA (WETA Digital et WETA Workshop). Pour les récompenser de leur travail exceptionnel (sur la CGI pour les premiers et les costumes pour les seconds), Peter Jackson a choisi de leur offrir des petits rôles de figurants. Ils interprètent donc des personnages divers et variés comme les seigneurs nains Linnar et Sindri, des archers elfes, des forgerons orcs, ou encore des corsaires d’Umbar.
Peter Jackson lui-même s’est aussi offert une apparition dans chaque volume. Dans le premier, on le voit très succinctement dans la peau d’un pauvre bougre en train de manger une carotte sous la pluie. Il réapparaît ensuite dans Les Deux Tours dans l’armure d’un soldat du Rohan qui projette sa lance sur un Uruk-hai lors de la défense du Gouffre de Helm. Enfin, dans le dernier opus, il jour un Corsaire d’Umbar qui succombe à une flèche d’Orlando Bloom dans la version longue.
Le réalisateur n’est d’ailleurs pas venu seul : il a également offert quelques secondes d’écran à ses deux enfants. Au fil des épisodes, Katie et Billy Jackson se sont tantôt transformés en hobbits captivés par les histoires de Bilbo, puis en jeunes réfugiés au Gouffre de Helm et à Minas Tirith.
Et il n’était pas le seul à avoir fait participer sa progéniture. C’est aussi le cas de Sean Astin, désormais célèbre pour son rôle de Samsagace Gamegie. Dans la toute dernière scène de la trilogie, lorsque le sidekick le plus loyal de l’histoire du cinéma retrouve sa Comté adorée, une petite fille vient lui sauter dans les bras pendant que le narrateur récite la dernière lettre de Frodon à son ami. Il se trouve que la fillette en question n’est autre qu’Alexandra Astin, la fille biologique de l’acteur. Elle n’était âgée que de quatre ans à l’époque, et n’avait donc probablement aucune idée qu’elle était la cerise sur le gâteau d’une conclusion ô combien émouvante.
Enfin, il est aussi indispensable de mentionner Royd Tolkien, arrière-petit-fils du Professeur, qui joue un ranger à Osgiliath dans Le Retour du Roi. Une jolie façon de boucler la boucle !
Les fantômes de la Grande Guerre
L’œuvre de Tolkien, c’est un ouvrage gargantuesque qui a été consciencieusement modelé tout au long de sa vie. Son récit est donc teinté de ses propres réflexions et expériences personnelles, y compris certains souvenirs douloureux. C’est notamment le cas de la Première Guerre mondiale, qui a marqué le jeune Tolkien au fer rouge pour le reste de sa vie.
Il a notamment servi sur les champs de bataille de la Somme, l’un des fronts les plus tristement célèbres de cette époque terrible. Comme on le voit une nouvelle fois dans le film biographique qui raconte sa jeunesse, le fait d’avoir été en première loge pour assister à l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire moderne a largement influencé son écriture.
Il estimait lui-même que sa description des Marais Morts était teintée de souvenirs de la Somme. Dans les films, cette zone est le théâtre d’une scène mémorable; lorsque Frodon traverse ces fameux marais en compagnie de Sam et Gollum, il s’attarde un moment sur les visages déconfits de cadavres laissés à l’abandon dans l’eau stagnante. Une scène que l’on imagine relativement comparable aux horreurs que Tolkien a dû supporter pendant son service.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.
Ganfald !!!
Gandalf serait préférable 😉
Probablement les films et les livres que j’ai le plus vus et lus, et ce, toujours avec grand plaisir.
Quel dommage que Le Hobbit ne soit pas au niveau de la trilogie.