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[Chronique] Dragon’s Dogma Dark Arisen : le meilleur ennemi de The Witcher 3 ?

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Cas typique du jeu moyen rehaussé par de bonnes idées et un capital sympathie aux contours flous, Dragon’s Dogma avait pris le temps de conter son…

Cas typique du jeu moyen rehaussé par de bonnes idées et un capital sympathie aux contours flous, Dragon’s Dogma avait pris le temps de conter son histoire d’heroic fantasy enfiévrée il y a maintenant plus de trois ans (sur PS3 et Xbox 360). Une éternité ludique donc, qui ne l’a pourtant pas enterré ; l’hydre de Capcom étant de retour sur PC. Une bonne occasion de rappeler en quoi Dragon’s Dogma est encore le complément/adversaire parfait au RPG ambitieux à l’occidental. Oui The Witcher 3, c’est de toi qu’on parle.

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Pas aussi réputé que les derniers représentants de la série The Elder Scrolls ou que les frasques autant sexuelles qu’héroïques de Geralt, Dragon’s Dogma est pourtant l’un des plus gros projets de Capcom à l’époque de sa sortie. Doté d’un budget très conséquent et d’un staff de plus de 150 personnes, le jeu n’a pu voir le jour qu’au bout de trois ans et demi de développement, expurgé qui plus est d’un tiers de son contenu pour respecter à la fois les délais de livraison et le limites de l’investissement. Il est clair, et le réalisateur de la version initiale Itsuno Hideaki en convient, que Dragon’s Dogma est un ensemble branlant, expérimentation géante et difforme de concepts plus ou moins valables. S’il décrit cela comme « une première pour nous, ce qui implique un grand nombre d’essais et d’erreur », la retranscription en expérience de jeu aboutit à un sentiment mêlé de frustration, de râles de désespoir, accompagnés par l’invité mystère qu’est le souffle de l’aventure. Dans un monde de dragons et de chimères où aller chercher le pain oblige à signer un testament, c’est tout de même le minimum.

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C’est sur ce point que Dragon’s Dogma excelle, susciter l’envie de l’exploration, non par l’appât d’une quête bien écrite – inexistante – ou celui d’un développement du scénario – indigent – mais grâce à ce qu’il propose en terme de sensations de jeu « mécaniques ». Comme le souligne Itsuno dans Famitsu : « Nous voulions un jeu dans lequel le joueur est littéralement jeté dans un monde et où il a besoin d’apprendre à survivre avec la seule aide de sa manette ». Contrairement à la majorité des RPG américains ou européens dans lesquels la dextérité est loin d’être une composante de la victoire, Dragon’s Dogma nécessite d’aller plus loin que le clic frénétique de souris pour dégommer un troll. Bien entendu, les stats, qu’elles soient liées à l’équipement ou à la montée en niveau jouent un rôle dans le pourcentage de réussite d’un combat, ou plus simplement dans la sélection de son adversaire, mais elles peuvent en partie être contournées par un bon vieux skill maturé à grands coups de beat’em up 90’s.

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Et c’est justement le point central du jeu, parvenir à adapter la nervosité d’un Devil May Cry – série sur laquelle ont travaillé Itsuno, le lead designer Ikeda Yoichiro ainsi que le bien connu producteur Kobayashi Hiroyuki – dans un enrobage open-world heroic fantasy rappelant Oblivion ou Fable. Deux inspirations citées par le réalisateur qui s’inscrivent dans le regard des éditeurs et studios japonais vers l’occident au changement de génération de consoles, dépassés par la main-mise technologique, notamment des Etats-Unis, via l’Unreal Engine 3.

Mais à côté de cette mode ou aveu de faiblesse, Dragon’s Dogma vient également du désir de Itsuno Hideaki de réaliser ce genre de jeu d’action non limité à des barrières physiques héritées du beat’em up, mais dans de grands espaces sauvages et bucoliques, hérités de son passé de joueur de Dragon Quest. D’où l’appel dès le début du projet à Makoto Ikehara, homme à tout faire sur la série Breath of Fire afin de donner au jeu un rendu heroic fantasy crédible, tant dans le contexte que dans le bestiaire et les impératifs du genre. Une collaboration courte qui achève de donner un vrai cachet au jeu, rendant l’univers suffisamment captivant pour y ligoter le joueur, préalablement retenu par le système de jeu. Du bondage en tout bien tout honneur qui flirte régulièrement à la frontière du fait divers à cause du manque de peaufinage de tout le reste.

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Dragon’s Dogma est aujourd’hui une sorte de 13ème Guerrier qui affiche avec panache ses blessures de réalisation tandis que The Witcher 3 s’apparente davantage à un classique écrasant de maîtrise mais plus timide, L.A Confidential du conte européen. Deux « écoles » se distinguent, l’une qui table sur la résolution des obstacles proposés au joueur par sa faculté à développer son personnage, à interagir avec son environnement dans un grand bain de spécialisations, d’ouverture, et l’autre qui offre des builds tout fait, très peu de gestion, mais qui oriente vers un gameplay-roi, ultime solution à chaque situation.

[nextpage title=”Le draque sauvage”]

En résumé, le coup d’épée dans la face au lieu de la potion qui prépare à modifier son coup d’épée suivant le type d’adversaire. La logique n’est pas la même, la finalité non plus. The Witcher, Oblivion, Skyrim ou Fallout sont articulés autour d’un système d’histoire à embranchements, qui laisse de la place au joueur, qui lui autorise un roleplay à divers degrés. Et cette liberté se traduit en jeu par une place prépondérante laissée aux dialogues, aux liens entre les personnages, où les combats, aussi intéressants soient-ils, restent un affrontement de dés hérité des jeux de plateaux. L’action est présente comme dynamisant, et ce même si The Witcher 3 a opéré une certaine migration vers un système un peu plus « sensible » que ses concurrents.

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Dragon’s Dogma concentre sa narration dans un principe extrêmement classique de révélations à déclenchement précis, au fur et à mesure de quêtes principales accomplies. Rien d’effectué en marge ne changera le déroulé des événements. De fait, le jeu est plus resserré, ce qui légitime une approche plus directe. La perte de temps effective fonctionne sur un terreau qui lui laisse la place d’exister, ce qui n’est pas le cas ici. Surtout venant de Capcom, dont les productions se sont longtemps concentrées autour du jeu de baston/platformer 2D nerveux, deux genres où la science d’un gameplay ciselé est indispensable. Malgré ses errances et ses lourdeurs de construction, Dragon’s Dogma est finalement la meilleure alternative possible, même après trois ans, à ce qui est apparu pour beaucoup comme l’un des meilleurs jeux de l’année passée. Image miroir d’un genre, témoignage d’une approche, en un sens culturelle, autour d’un même noyau, le jeu de Capcom est le membre qu’il manque à CD Projekt ou Bethesda. Il rate ce que réussissent les productions occidentales et inversement. Fallout 4, Skyrim, The Witcher 3 divertissent sur une tonalité qui résonne plus lourdement, ils proposent une aventure qui fascine, entraîne plus qu’elle n’amuse. Ici, il est question de réelle distraction un brin frivole. Un réveil physique de la main sur la manette où le joueur s’accroche au stick lorsqu’il grimpe sur un cyclope.

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Dragon’s Dogma diffuse sa dose d’aventure et de randonnée armée, sans oublier qu’il peut aussi être joué en courtes sessions. Et même les 15 minutes les plus vides du monde au niveau de l’implication dans une quête permettent de prendre du plaisir. Peut-être simplement parce que Itsuno, Kobayashi se sont concentrés sur un savoir-faire et un style qui leur sont proches, entourés d’inspirations elles aussi centrées autour de connaisseurs (Makoto Ikehara), tout en essayant de toucher quelque chose de nouveau. S’arrimer pour se laisser porter sereinement. Un mouvement qui s’est réduit chez les gros éditeurs/studios depuis, perdurant bien davantage sur la scène indé, créant des concepts intéressants à défaut d’être toujours réussis. En cela, avec son approche largement plus agréable et équilibrée, The Witcher 3 semble tenter une ouverture similaire. Sans regarder vers le Japon, mais conscient des limites de sa zone de confort. Et c’est bien pour cela que lui et Dragon’s Dogma peuvent marcher sans problème main dans la main. Il serait dommage d’essayer l’un sans jeter, vous aussi, un regard curieux vers l’autre.

Dragon’s Dogma Dark Arisen, disponible sur PC (30 euros sur Steam)

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