NDLR : La deuxième partie de cette interview sera centrée sur l’éthique dans les jeux vidéo et sera publiée la semaine prochaine.
Qu’est-ce qui fait que les gamers vont apprécier ou non un jeu vidéo ?
Une question centrale ici est celle de la motivation. Quand on joue ou, plus généralement, quand on fait une activité, on aime avoir des buts précis, les accomplir et être récompensé pour cela. C’est vrai dans un jeu mais également à l’école ou au travail. C’est ce qu’on appelle les motivations extrinsèques. Dans un jeu, il est donc important d’avoir des buts clairs, de savoir ce qui se passera quand on les atteindra, etc. Il y a également ce qu’on appelle les motivations intrinsèques et elles sont tout aussi importantes. C’est l’idée que les humains sont plus motivés par une activité qui satisfait leurs besoins en compétence, en autonomie et en affiliation.
Cela se traduit de quelle manière dans un jeu vidéo ?
Si on progresse dans un jeu, qu’on monte en niveau, ça donne envie de continuer car on sent qu’on est compétent dans cette activité. Il est donc important que les joueurs comprennent bien comment jouer. On réfléchit d’ailleurs beaucoup à la construction de l’introduction : l’idée est faire comprendre le fonctionnement du jeu aux participants mais de façon ludique. Plutôt que de recevoir une foule d’instructions, les joueurs ont ainsi l’impression d’apprendre par eux-même.
Et le besoin d’autonomie que vous évoquez ? Qu’est-ce cela signifie ?
Les être humains aiment s’exprimer. Pouvoir choisir un avatar, ses vêtements, des mouvements de danse comme sur Fortnite… tout cela permet de s’exprimer. L’autonomie cela signifie aussi pouvoir faire des choix dans un jeu. Il y en a qui nous donnent plus ou moins d’autonomie. Si des jeux comme Minecraft ou GTA sont si populaires, c’est notamment parce qu’ils offrent énormément de liberté.
Et le sentiment d’affiliation ?
C’est le besoin de se sentir affilié à d’autres personnes. Nous sommes une espèce sociale. Nous avons donc tendance à apprécier les jeux qui permettent d’interagir de façon intéressante avec d’autres personnes. On le voit d’ailleurs aussi dans le sport : beaucoup de pratiques sont des sports collectifs. Dans le jeu vidéo, les interactions peuvent reposer sur la compétition. Mais il ne faut pas oublier la coopération qui est, elle aussi, très intéressante même dans les jeux compétitifs. Dans Fortnite par exemple, on peut collaborer. Et dans les RPG, chacun a un rôle précis à jouer donc on a tous besoin les uns des autres.
Comment appliquez-vous les sciences cognitives aux jeux vidéo ?
Quand on parle d’UX, d’expérience utilisateur, il y a deux axes fondamentaux : est-ce que le jeu est utilisable et est-ce qu’il est engageant. L’utilisabilité, c’est se demander si on comprend où aller, comment les ennemis peuvent nous faire du mal, comment on les combat, etc. Nous réfléchissons aussi beaucoup à la quantité d’informations que les joueurs doivent mémoriser car il faut éviter de les surcharger. C’est pour cela que le choix des éléments qui seront affichés en permanence ne doit pas se faire à la légère. Dans Fortnite par exemple, à chaque fois que vous êtes proches d’un élément que vous pouvez ouvrir, un pop-up vous indique sur quel bouton appuyer pour le faire. Vous n’avez donc pas besoin de le mémoriser. Cela simplifie la vie de ceux qui démarre dans le jeu et de ceux qui y reviennent après quelques semaines de pause. Concernant l’engagement du joueur, le travail va par exemple porter sur l’introduction de certains éléments. Dans Fortnite, la construction est très importante mais elle est très complexe. Dans le mode histoire, on a donc décidé de l’introduire à un moment où les joueurs sont bloqués. Les joueurs s’intéressent plus à ce qu’ils apprennent à ce moment-là que si on leur avait donné une longue liste de consignes très en amont de l’obstacle.
Dans le cerveau du gamer. Neurosciences et UX dans la conception de jeux vidéo. A paraître le 24 juin aux éditions Dunod.
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