En 2020, quelques mois après son déploiement dans le pays de l’Oncle Sam, Disney+ s’invite en France. En plein confinement, alors que les amateurs de séries et de films cherchent une manière de se divertir à tout prix, la plateforme est accueillie à bras ouverts. Forte d’un partenariat avec Canal+, l’entreprise espèce conquérir d’importantes parts d’un marché largement dominé par Netflix et Prime Video. L’engouement est tel que les fournisseurs d’accès demandent un report de quelques jours, le temps de muscler leurs services et éviter de faire le coup de la panne aux futurs abonnés.
À cette époque, The Mandalorian est la seule production tout à fait inédite d’un catalogue qui comporte nombre de classiques d’animation, de blockbusters de super-héros et de productions familiales. S’il faut attendre le lancement de la division Star pour que l’entreprise se libère de son image très enfantine, force est de constater que la mayonnaise prend.
Aujourd’hui, Disney+ se revendique troisième plateforme de streaming par abonnement dans l’Hexagone. Selon David Popineau, leader de Disney+ en France, la plateforme séduit des clients de tous horizons. Ce mardi 10 décembre, lors d’une conférence de presse, la plateforme a dressé le bilan d’une année 2024 riche en enseignements, tout en évoquant ce que l’avenir réservait à l’entreprise qui ambitionne toujours d’accentuer sa croissance en France.
Canal+ et Disney+, l’heure du divorce
L’on apprenait il y a quelques jours que le partenariat entre Canal+ et Disney+ allait prendre fin au 1er janvier 2025. La filiale de Vivendi évoque des coûts trop élevés et une difficulté à maintenir une compétitivité. Dès le début d’année prochaine, la plateforme quitte les offres du groupe en même temps que tous les métrages proposés en accès privilégié. Les répercutions pour Disney+ seront nombreuses, à commencer par une diminution mécanique du nombre d’utilisateurs en France.
Dans quelques semaines, ce sont plusieurs millions de spectateurs qui seront amenés à souscrire un abonnement par leurs propres moyens. Canal+ revendique plus de 10 millions de clients dans l’Hexagone, répartis sur toutes ses offres qui n’incluent pas nécessairement la plateforme américaine. David Popineau, leader de Disney+ sur le marché français, que nous avons pu rencontrer quelques jours en amont de la présentation, ne craint pas une désertion massive en 2025. Selon lui, la plateforme a su faire valoir ses arguments et convaincre que le jeu en valait la chandelle pour les amateurs de séries et de films. “On a une marque forte et reconnue”.
L’arrivée de la publicité a aussi favorisé une plus large adhésion aux offres de SVOD, permis de conquérir un nouveau public. En rognant sur la facture, et en usant de pages de réclames, Disney+ comme ses concurrents, espère draguer celles et ceux pour qui la télévision linéaire ou le replay reste encore la norme. D’ailleurs, quatre souscriptions sur dix se font par le biais de la formule supportée par la publicité.
Outre la potentielle disparition d’une certaine base d’utilisateur, Disney+ devra composer avec l’absence de ces licences phares du Canal+ six mois après leur sortie au cinéma. Captain America : Brave New World qui aurait, dans le cadre de l’accord avec l’entreprise française, été proposé sur Canal+ en août 2025 ne sera pas visible avant 18 mois. Disney+ pourrait avoir une carte à jouer. Selon un article des Échos, Disney+ envisagerait de revoir son investissement dans la création à la hausse pour profiter d’une fenêtre d’exploitation plus avantageuse. La chronologie des médias, revue en 2022, arrive à échéance et Mickey veut jouer des coudes avec Canal+ pour obtenir le droit de proposer ses films entre neuf et six mois après leur sortie en France.
Un passage en douceur en 2025
En 2022, Disney+ s’était lancé dans un bras de fer avec le CNC lors des discussions entourant la révision de la chronologie des médias. La firme avait menacé de ne pas proposer Black Panther 2 au cinéma, avait réservé Avalonia, l’étrange voyage aux seuls rayons de son offre. À l’époque, l’entreprise regrettait une chronologie trop limitante pour les services de streaming par abonnement. Deux ans plus tard, les dialogues reprennent doucement. Si la crise gouvernementale retarde largement le processus, les prochains mois seront cruciaux.
Chez Disney, on assure d’abord penser au consommateur afin de proposer une chronologie plus simple. “Il ne faut pas que les gens se demandent où ils trouveront un film”. Popineau confesse néanmoins qu’il encore trop tôt pour évaluer de l’efficacité des règles en jeu depuis 2022, les films concernés se comptant les doigts d’une main. L’idée d’une fenêtre de 45 jours comme aux États-Unis n’est évidemment pas à l’ordre du jour. David Popineau tire tout de même quelques leçons des deux dernières années, à commencer par la gestion du catalogue de Disney+ en collaboration avec TF1. Au 22e mois, la première chaîne profite de l’exclusivité des films Marvel et Star Wars avant qu’ils ne retournent dans les rayons de la plateforme. Selon lui, les derniers mois ont prouvé qu’il n’existe pas de cannibalisation, chacun des acteurs du secteur parvenant à tirer son épingle du jeu au moment opportun.
Plus de productions françaises…
Si Disney+ ne craint pas la fin du partenariat avec Canal+, l’entreprise envisage d’autres collaborations avec des acteurs du paysage français (comme les fournisseurs d’accès internet, par exemple), il lui faudra tout de même continuer de muscler son jeu au cours des prochains mois. Cela passe notamment par l’investissement dans la création locale. Depuis Parallèles en 2022 — sa première série française — l’entreprise a multiplié les projets hexagonaux. L’année 2024 a été marquée par la sortie de Becoming Karl Lagarfeld ou Les Enfants sont rois.
Le succès est au rendez-vous et la firme ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Le chantier de l’année prochaine sera fait en collaboration avec France Télévisions. Avec Lucky Luke, la plateforme espère signer le début d’une longue collaboration avec le service public et réunir de nombreux spectateurs devant les aventures du cowboy incarné par Alban Lenoir. Le projet est particulièrement prometteur, selon David Popineau, qui a pu poser les yeux sur de premières images.
… et du direct
Outre la fiction, Disney+ pourrait expérimenter un nouveau format de diffusion. Nouveau ? Pas vraiment, puisqu’il s’inscrit dans la linéarité traditionnelle du petit écran. Comme Netflix il y a quelques semaines avec le combat Jake Paul vs Mike Tyson, la firme aux grandes oreilles espère réunir des spectateurs en direct autour d’un événement essentiel de la scène culturelle américaine. Le 2 mars prochain, grâce à l’expertise d’ABC,
Disney+ diffusera les Oscars en direct.
Ce n’est pas la première fois que le géant s’essaie à ce genre de production live, c’était le cas avec un concert d’Elton John et le débat des présidentielles Trump – Harris. Reste que, comme ses concurrents, il lui faudra muscler son jeu techniquement pour éviter les impairs.
Netflix a fait face à une panne majeure durant le combat, ses serveurs n’ont pas supporté l’affluence et le N rouge a dû se résoudre à rogner sur la qualité du flux pour assurer le bon déroulé de son événement. Le Directeur Marketing Digital de Disney+ salue les ambitions de son principal rival, tout en expliquant tirer des enseignements de ce moment qui marquera l’histoire de la firme de Los Gatos. Reste à voir désormais quelle forme prendra la proposition de Disney+ et si le public sera au rendez-vous. Tandis que l’inflation pèse toujours plus sur les ménages, et alors que le secteur est un tournant, Disney+ devra se montrer solide sur ses appuis pour garder sa place de troisième acteur du streaming payant en France.
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