Bandes dessinées
Pino, l’IA émotionnelle
Scénario et dessin de Takashi Murakami, publié le 3 avril 2024 aux éditions Pika – 20€
S’il ne fallait citer qu’un coup de cœur pour ce mois d’avril, il s’agirait inévitablement de Pino, la dernière pépite des éditions Pika. Imposant et tout en bichromie, le roman graphique de Takashi Murakami est une claque, de ces lectures dont on ne sort pas indemnes. À travers plusieurs histoires croisées, l’autrice questionne notre rapport à l’intelligence artificielle et à l’humanité à travers les yeux de Pino, la première IA sentiente déployée dans le corps d’un robot humanoïde. Lorsque son existence est vouée à disparaître, Pino est frappé par un virus inconnu : celui de la conscience. Alors que les industriels qui l’ont fait naître tentent de désactiver les derniers modèles encore en circulation, le petit robot va tout faire pour sauver les gens qu’il aime avant son départ pour l’au-delà.
Non content de nous avoir tiré quelques larmes, Pino, l’IA émotionnelle est une fable poétique, qui brille par sa douceur et son optimisme. Malgré les thèmes sombres abordés par l’autrice, qui brillait déjà par sa maîtrise de la corde sensible dans Le Chien gardien d’étoiles, ce nouveau roman graphique est sans doute l’une des plus belle surprises qu’il nous ait été donné de découvrir en mai.
Avenir
Scénario de Pierre Benazech et Pierre-Rolland Saint-Dizier, dessin d’Eliot, publié le 12 avril 2024 aux éditions Ankama – 17,90€
L’IA est décidément à l’honneur ce mois-ci. Après la poésie de Pino, place au pessimisme de Pierre Benazech et Pierre-Rolland Saint-Dizier. À mi-chemin entre Minority Report et Divergente, Avenir est un récit sombre et criant de liberté. Dans une société où chaque enfant se voit attribuer un destin en fonction de ses prédispositions, le jeune Matt est estampillé fauteur de trouble, et condamné à être placé en centre spécialisé, alors même qu’il n’a (encore) commis aucun délit. Portée par l’amour et sa soif de justice, sa famille va tout faire pour permettre à Matt d’échapper à sa condition. Mais le prix à payer est peut-être plus élevé que prévu.
Intelligent et brillement illustré, Avenir est une pépite, qui secoue et nous pousse à questionner les dérives d’une IA encore balbutiante. Une très belle découverte à découvrir d’urgence chez Ankama.
Doctor Who : Il était une fois un Seigneur du Temps
Scénario de Dan Slott, dessin collectif, publié le 11 avril 2024 aux éditions Black River – 16,90€
Pour les 60 ans de la série, David Tennant a fait son retour sur petit écran avant de passer la main à Ncuti Gatwa. Le dixième docteur signe aussi une arrivée remarquée au format papier, avec l’adaptation unique de Dan Slott, déjà auteur sur Les 4 Fantastiques et Spiderman et de l’artiste Christopher Jones.
Dans Il était une fois un Seigneur du Temps, David Tennant se lance à la recherche de sa compagne Martha Jones, capturée par les Pyroméths. Pour vaincre ses ennemis, pas de combats sanglants, mais une série de contes sensationnels pour asseoir la légende gallifreyenne. Pensé comme un recueil de nouvelles enchâssées dans une narration indépendante, cette nouvelle aventure inédite en France entend faire d’une pierre deux coups : rendre hommage aux fans dans un épisode anniversaire de haut vol mettant en scène le Docteur le plus emblématique de sa génération, mais aussi offrir une porte d’entrée aux nouveaux, qui voudraient prendre la série en cours de route sans savoir par où commencer.
Mardival
Scénario et dessin de Yann Cozic, publié le 24 avril 2024 aux éditions Glénat – 16,95€
Entre le roman de cape et d’épée et la fable fantastique, le premier roman graphique de Yann Cozic chez Glénat nous offre une très belle leçon d’héroïsme. Les aventures de la jeune Moira et de son amitié improbable avec le déserteur Grégoire n’ont de prime abord rien de bien original : des reliques sacrées, une destinée maudite et des chevauchées à travers la forêt… même le retournement de situation final était attendu. Reste que le ton et les dessins font mouche. L’ambiance médiévale nous transporte dans des époques lointaines, et on ne se lasse pas des personnages inspirants qui peuplent le récit.
À l’image de Nimona, le long-métrage animé qui brisait les codes chez Netflix, Mardival est une réussite de la première à la dernière page. Il ne nous reste plus qu’à espérer que les premières aventures de Moira donneront lieu à une flopée d’héritiers, tous aussi héroïques et chevaleresques.
Superman Lost
Scénario de Christopher Priest, dessin de Carlo Pagulayan, publié le 12 avril 2024 aux éditions Urban Comics – 24€
Alors que Clark Kent et Lois Lane aspirent à une vie presque normale, le super-héros de Métropolis quitte la maison un matin pour assurer une mission de routine. Pourtant, le soir venu, c’est un autre homme qui revient. Tremblant, agité, Superman montre tous les signes d’un stress post-traumatique. Devant l’incompréhension de sa femme, il assure être parti non pas quelques heures, mais vingt ans.
Chez DC, tous les supers ne sont pas logés à la même enseigne. Jusqu’à présent, c’est Batman et son batverse qui avaient eu droit aux récits les plus profonds, et fatalement, les plus intéressants. Au final, il n’était pas tant question de combattre les super-méchants de Gotham que de décrire les affres d’un esprit torturé. Cette année, c’est Superman qui s’offre cet honneur. L’homme d’acier livre avec Superman Lost, un récit brillant de fêlures et d’humanité. Un one-shot puissant et très réussi, porté par le trait maîtrisé de Carlo Pagulayan.
Arca
Scénario de Van Jensen, dessin de Jesse Lonergan, publié le 7 mars 2024 aux éditions 404 Graphic – 22€
La planète est morte, mais les plus riches ont survécus en entamant un grand exode vers les étoiles. Derrière le postulat dystopique d’Arca, Van Jensen dresse un constat amer et pessimiste (décidément, c’est le thème du moment) sur notre société moderne. Alors que l’Arca abrite les grands noms de ce monde en quête d’un foyer plus accueillant, des centaines de jeunes adolescents sont réduits en esclavage, aveuglés par la promesse d’un avenir meilleur loin de la Terre.
Bien plus actuel qu’il n’y paraît, Arca parle de notre présent plutôt que de notre futur, sur fond de lutte des classes et d’injustice sociale. Si vous avez aimé la série 4% sur Netflix, pas de risque de vous tromper. Les mésaventures de Perséphone dans le vide intersidéral sont une claque visuelle et narrative, qui vous tiendra en haleine jusqu’à la conclusion finale. Mention spéciale pour la qualité du roman graphique, qui sublime les thématiques SF abordées, dans un très bel objet éditorial comme on en voit rarement.
On a aussi aimé :
- Métal Hurlant – Spécial Chats (Les Humanoïdes Associés)
- Qui laisse passer la lumière (Glénat)
Mangas
Luca, vétérinaire draconique (T1)
Scénario et dessin d’Yuna Hiarsawa, publié le 17 avril 2024 aux éditions Glénat – 7,90€
Après la poésie de Terrarium (série en 4 tomes terminée en 2022), l’autrice Yuna Hiarsawa nous plonge dans un nouvel univers onirique. Le post-apocalyptique laisse place à la fantasy, et les robots s’inclinent face aux dragons. Jeune vétérinaire à la carrière prometteuse, Luca rêve de suivre les traces de son père. Une fois diplômée de l’Institut supérieur des sciences draconiques de Kogniel, elle se lance dans une mission folle : soigner tous les dragons qui croisent sa route, et rendre le monde (un peu) plus beau.
Léger, optimiste et très maîtrisé graphiquement, Luca, vétérinaire draconique signe un premier tome à la hauteur de nos attentes. La série promet de ne pas s’éterniser, on prendra soin d’en déguster chaque tome à sa sortie, et de suivre de près le travail de l’autrice.
Découvrir Luca, vétérinaire draconique
YAN (T1)
Scénario et dessin de Chang Sheng, publié le 3 avril 2024 aux éditions Glénat – 14,95€
Premier tome d’une série en trois volumes, YAN est une relecture brillante des codes du seinen. Entre l’Opéra et les super-héros, l’auteur livre un récit explosif et déjanté, qui mêle avec brio la pop culture moderne et les traditions chinoises. Après avoir été accusée à tort du massacre de sa famille, la jeune Yan, 15 ans promet de se vanger. Incarcérée dans un mystérieux centre de recherche, elle finit par retrouver la vie réelle, et se lance à corps perdu dans une spirale de vengeance.
Mekka Nikki (T1)
Scénario d’Exaheva, dessin de Félix Laurent, publié le 3 avril 2024 aux éditions Les Humanoïdes Associés – 12,99€
Pour délivrer son village d’une malédiction, Nikki et son robot Perko partent à la recherche d’un remède. Comme son père dix ans plus tôt, la jeune exploratrice va devoir redoubler de courage et de hardiesse pour se frayer un chemin au milieu de créatures toutes plus effroyables les unes que les autres. Une épopée fantasque et mécanique, dans un univers loufoque, loin des sentiers battus. Les nostalgiques d’Adventure Time devraient adorer. On a hâte d’assister au dénouement de cette aventure inspirante, qui se termine en quatre tomes.
On a aussi aimé :
- Rave – Perfect Edition T1 (Glénat)
- Undead Girl Murder Farce – T1 (Panini)
Romans
Arrietty, le petit monde des chapardeurs
De Mary Norton, publié le 24 avril 2024 aux éditions Ynnis – 13,90€
Roman à l’origine du chef-d’œuvre de Ghibli, Arrietty, le petit monde des chapardeurs est une plongée dans la poésie de notre enfance. Quand une fillette miniature rencontre par hasard un ami issu du monde des humains, elle est contrainte de bouleverser son monde pour mettre sa famille hors de danger. Par son imprudence, Arrietty vient de briser la première règle des chapardeurs. Mais c’est aussi ce faux pas qui va lui offrir l’amitié dont elle a toujours rêvé. Une œuvre majeure de la low fantasy, qui a valu à son autrice tous les honneurs, et nous plonge dans un univers poétique et onirique.
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La dernière fée des sables
D’Edith Nesbit, publié le 10 avril 2024 aux éditions Novel – 15,90€
Avant Harry Potter et le Seigneur des Anneaux, il y avait Edith Nesbit et ses romans fantastiques modernes, capables d’influencer les plus grands auteurs et autrices modernes du XXe siècle. Alors que cinq enfants décident d’aller explorer les environs de leur nouvelle maison, ils tombent nez à nez avec une fée. Du moins, c’est ainsi que le gremlin ronchon et poilu qui se tient devant eux se décrit. Capable d’exaucer les voeux, même les plus fous, la créature magique va rapidement prouver qu’elle n’a décidément rien de féérique. Lorsque les rêves des enfants s’effondrent, Cyril, Anthéa, Robert, Jane et Biquette n’ont plus que leur courage pour s’en sortir.
On a beau savoir que La dernière fée des sables a été écrit et publié en 1902, impossible de se dire que le récit a plus de 120 ans, tant il brille par la modernité de sa narration et de son style d’écriture. Une très belle découverte publiée chez Novel il y a quelques jours.
Découvrir La dernière fée des sables
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