En mars, les dystopies se mangent à toutes les sauces. Écologiques, technologiques ou capitalistes, les auteurs et autrices semblent s’être donné le mot pour nous faire déprimer avant l’été. Ça tombe bien, une petite remise en question ne fait jamais de mal.
Datamania : Le grand pillage de nos données personnelles
Scénario de Audric Gueidan, dessin de Halfbob – 96 pages
Publié le 15 mars 2023 aux éditions Dunod – 16,90€
Nos données personnelles sont une mine d’or, surtout pour les GAFAM qui les exploitent. Audric Gueidan est médiateur numérique. Quand ce passionné d’informatique décide de mettre ses connaissances au profit des autres, il réalise vite que la situation est plus grave que prévu. En marge de l’illectronisme, ce mot-valise inventé pour désigner celles et ceux qui ne maîtrisent pas les codes des ordinateurs, le grand public n’est pas assez conscient des dangers qui guettent lorsque l’on navigue sur le web.
Didactique et bourré de bonnes intentions, Datamania est une plongée dans l’Internet de demain. Un web plus responsable, mais surtout plus conscient, où le pouvoir reviendrait enfin à ses utilisateurs et utilisatrices. En voyageant à travers l’espace numérique, cet essai graphique publié aux éditions Dunod est aussi l’occasion de glaner quelques conseils salutaires pour mieux gérer son mot de passe, ses mails et d’une manière générale, sa vie sur les réseaux. Une lecture courte mais nécessaire, qui frôle l’utilité publique.
Dissident Club
Scénario de Taha Siddiqui, dessin de Hubert Maury – 264 pages
Publié le 15 mars 2023 aux éditions Glénat – 29€
En 2018, le journaliste d’investigation pakistanais Taha Siddiqui est enlevé. Après avoir échappé de peu à une tentative d’assassinat, il quitte son pays pour se réfugier en France. Une fois en sécurité, il va tenter de faire la lumière sur cette affaire, qui relève autant de l’affaire d’État que de son histoire personnelle. Entre bribes autobiographiques et enquête journalistique, Dissident Club est une claque, superbement illustré par le dessinateur et scénariste Hubert Maury. On y découvre le récit d’une enfance radicalisée en Arabie Saoudite, construite sur la haine de l’occident et le respect des sourates. Le ton est faussement léger, et s’assombrit au fur et à mesure du récit.
Lauréat du Prix Albert Londres en 2014 pour le reportage La guerre de la polio, Taha Saddiqui est un exemple parmi tant d’autres de ces destins que la profession journalistique n’a pas su protéger correctement. Rappelons que la presse subit de plus en plus de violences et d’attaques ciblées ces derniers mois. En Équateur, cinq attentats coordonnés à la clé USB piégée ont légèrement blessé un journaliste la semaine dernière. Reste que ce nouveau roman graphique édité chez Glénat est un témoignage nécessaire, et poignant.
Ceux qui n’existaient plus #1
Scénario de Philippe Pelaez, dessin d’Olivier Mangin – 72 pages
Publié le 1er mars 2023 aux éditions Bamboo – 15,90€
Brisée après un traumatisme, Natacha se porte volontaire pour devenir le cobaye d’une expérience neurobiologique inédite en Russie. La jeune femme espère se libérer de ses démons, mais les traitements liés au projet Anastasis semblent avoir de curieux effets sur elle. Rapidement, elle réalise qu’elle et ses congénères ne sont pas celles et ceux qu’ils prétendent, et que le Professeur Vetrov n’a rien d’un philanthrope.
Entre Vol au-dessus d’un nid de coucou et Orange mécanique, Ceux qui n’existaient plus s’impose comme un thriller psychologique haletant, qui prend racine dans les méandres de la conscience humaine. Ce premier tome se dévore d’une traite, et on a déjà hâte de découvrir la suite de la série.
Découvrir Ceux qui n’existaient plus
Batman One Bad Day : Le Sphinx
Scénario de Tom King, dessin de Mitch Gerads – 72 pages
Publié le 17 mars 2023 aux éditions Urban Comics – 15€
Il suffit d’une mauvaise journée pour voir son destin basculer. Habitué aux séries à thème, Urban comics publie ici le premier récit de son anthologie One Bad Day. L’occasion de comprendre encore un peu mieux la genèse des grands méchants du Batverse, tout en découvrant de nouveaux récits glaçants.
Pour ce premier volet, c’est au Sphinx que Tom King et Mitch Geradi s’attaquent. Du haut de ses 72 pages, l’auteur de Gotham City, Rorschach ou encore Batman Rebirth nous offre une plongée dans l’angoisse et le malaise, avec un Edward Nigma plus cruel que jamais, et un Batman en proie à de sérieuses difficultés.
Découvrir Batman One Bad Day : Le Sphinx
Clear
Scénario de Scott Snyder, dessin de Francis Manapul – 160 pages
Publié le 29 mars 2023 aux éditions Delcourt – 16,95€
Le maître Scott Snyder a encore frappé. Dans un futur proche, les États-Unis ont perdu la guerre contre la Chine et la Russie. Le pays de l’Oncle Sam est dévasté. Pour oublier une réalité plus sombre qu’elle ne pourrait le supporter, la population s’est réfugiée derrière des voiles, des filtres artificiels pour la vraie vie, qui permettent de fantasmer le monde en dessin animé, road movie des années 80 ou cabaret pornographique.
Au milieu de cette folie ambiante, Sam est un détective privé qui traque les voiles noirs illégaux. Lorsque l’ancien flic apprend le suicide de son ex-femme, il décide de tout quitter pour enquêter sur l’affaire. Kendra avait sans doute beaucoup de défauts, mais elle n’était pas suicidaire. Brisé, il se lance finalement dans une course poursuite qui le dépasse. Le scénario de cette fable d’anticipation est signé par le grand Scott Snyder, à qui l’ont doit notamment l’un des plus beaux arcs narratifs de Batman (La cour des hiboux), et profite d’une mise en image lumineuse de la part de Francis Manapul. Un comics déjà culte, publié aux éditions Delcourt il y a tout juste quelques jours.
Mémoires d’un cétacé
Scénario et dessin d’Anne Defreville – 136 pages
Publié le 29 mars 2023 aux éditions Delcourt – 17,95€
Ne vous fiez pas à ses illustrations toutes douces à l’aquarelle. Mémoires d’un cétacé a beau s’imposer comme une parenthèse de douceur et de contemplation dans cette sélection ultra-violente et teintée de dystopie, le discours d’Anne Defreville n’en reste pas moins dramatique. Sous la forme d’un journal de bord scientifique, le roman graphique questionne notre rapport aux cétacés, mais surtout à l’écologie. À l’heure du réchauffement climatique, l’environnement est désormais une question de vie ou de mort pour notre espère autant que pour le reste de l’écosystème terrestre.
Superbement illustré, richement documenté, Mémoires d’un cétacé brille par son intelligence et son discours. On n’en attendait pas moins de la part du nouveau-né de la collection Octopus de Delcourt, qui depuis cinq ans nous régale de ses récits engagés et scientifiques. Une nouvelle pépite à ajouter à notre collection.
Découvrir Mémoires d’un cétacé
Monkey Meat
Scénario et dessin de Juni Ba – 160 pages
Publié le 22 mars 2023 aux éditions Panini – 24€
La viande de singe ça vous tente ? Perdue sur une île au milieu de nulle part, la Monkey Meat Company promet mont et merveilles en commercialisant sa célèbre viande simiesque au monde entier. Le succès est tel que l’entreprise prospère, et se met à participer à des expériences scientifiques à la limite du surnaturel.
Critique dystopique assumée de l’ultralibéralisme moderne et de la société de consommation, cette première fournée de Monkey Meat est l’un de nos coups de cœur du mois de mars. Le style hybride survolté de Juni Ba nous a littéralement laissé sans voix, avec un style graphique tranchant et incisif entre le manga, la bande dessinée et l’art contemporain. Le résultat est explosif, et vaut clairement le détour.
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