L’été a été avare de nouveautés en août. À l’exception d’Urban Comics qui lançait son opération d’été couplée à une nouvelle collection poche de ses bandes dessinées cultes notamment inauguré avec le premier tome de Transmetropolitan, les éditeurs sont passés en mode repos ces dernières semaines. On s’en doute, c’est pour mieux préparer une rentrée particulièrement chargée : les retards accumulés du covid-19 et de la pénurie de papier semblent s’être tassés, et le petit monde de l’édition a repris son cours. Voici les quelques nouveautés qui ont attiré notre attention entre deux spritz au bord de la piscine.
Recette de famille
Scénario et dessin de James Albon — 320 pages
Publié le 24 août 2022 aux éditions Glénat — 27€
Malgré un calendrier des parutions discret cet été, Recette de famille s’impose peut-être comme notre coup de cœur du mois d’août. L’auteur écossais James Albon est une révélation, avec son trait graphique et ses couleurs vives. Plutôt habitué au dessin de presse, l’artiste signe une première incursion réussie dans l’édition classique chez Glénat, on en demanderait bien du rab. Dans cet univers culinaire impitoyable qui n’est pas sans rappeler celui du détective cannibale Tony Chu, Recette de famille nous plonge dans les affaires de Tulip et Rowan, deux frères qui se lancent dans la gastronomie, et voient leur vie basculer après la découverte d’un mystérieux champignon aussi rare que délicieux.
Cruelle et bien plus sombre qu’il n’y parait, l’œuvre s’impose comme un roman graphique noir et acerbe, qui questionne non seulement notre rapport à la nourriture, mais aussi l’intégrité d’une famille aux ambitions trop grandes pour elle. Une très belle découverte à dévorer sans modération.
Space Connexion (T2)
Scénario d’El Diablo, dessin de Romain Baudy — 64 pages
Publié le 17 août 2022 aux éditions Glénat — 15,50€
On vous avait déjà présenté le tome 1 au moment de sa sortie. Space Connexion revient cet été avec un second volet, et de nouvelles aventures toujours aussi loufoques. Porté par El Diablo et Romain Baudy, ce nouveau projet revisite avec brio les codes de la science-fiction, dans une anthologie déjantée dont on ne se lasse pas. Ce nouvel opus est à la SF ce que Doggy Bag est à l’horreur, un rendez-vous déjà incontournable de la bande dessinée.
Death Note : Écrire un nouveau monde
De Clément Pélissier — 206 pages
Publié le 30 juin 2022 aux éditions Third — 24,90€
En plus de s’imposer comme l’un des mangas les plus haletants du XXIe siècle, Death Note a aussi marqué toute une génération, chez les Japonais comme les Occidentaux. Loin des codes du genre shonen, le récit imaginé par Takeshi Obata et Tsugumi Ohba questionne bon nombre de sujets, depuis les sectes jusqu’à la justice et la soif de vengeance et l’avenir d’une jeunesse désabusée. C’est dans un très bel essai publié chez Third que le docteur en littérature Clément Pelissier explore la dualité entre les personnages et toute la complexité du récit.
Comme toujours chez l’éditeur, ce nouvel ouvrage est aussi beau qu’exigeant. Sa lecture est réservée aux fans les plus aguerris, mais promis, elle en vaut largement le détour, et apporte une dimension nouvelle à l’œuvre culte.
Découvrir Death Note : Écrire un nouveau monde
Serial
Scénario et dessin de Terry Moore — 224 pages
Publié le 31 août 2022 aux éditions Delcourt — 19,99€
Zoe a dix ans depuis cinquante ans. La jeune tueuse sociopathe de Rachel Rising a passé sa vie à fuir Malus, un démon qui avait pris possession de son corps. Désormais libérée du mal, elle décide de s’offrir la vie normale dont elle rêvait. C’était sans compter sur le meurtre de sa meilleure amie d’enfance, dernière victime d’un mystérieux tueur en série. Le personnage décide d’utiliser ses compétences pour venger sa mort, et part à ma chasse d’un nouveau type de monstre.
Suite directe de la saga Rachel Rising, Serial apporte un nouveau vent de fraîcheur à la saga initiée par Terry Moore en 2011. Contrairement à Stranger in Paradise ou Motor Girl, qui se déroulent pourtant dans le même univers, cette nouvelle aventure lancée l’année dernière assume définitivement son titre de spin-off. Une très belle découverte glaçante, à conseiller à tous les fans de l’œuvre originale, mais pas seulement.
Crime Book – Meurtre à Hollywood
De Stéphane Anquetil — 208 pages, à partir de 14 ans
Publié le 25 août 2022 aux éditions 404 – 14,95€
Entre le polar et le jeu d’enquête interactif, ce premier Crime book est l’activité parfaite pour occuper un ado (ou un adulte) à la rentrée. Objectif : résoudre le plus brûlant des cold cases, l’affaire du meurtre de William Desmond Taylor, retrouvé assassiné d’une balle dans le dos alors qu’il séjournait dans sa luxueuse villa hollywoodienne. Le réalisateur le plus en vogue du moment n’avait pas que des amis dans le milieu du show-business, et c’est à vous de démasquer le coupable.
Au programme, un livre bourré d’indices, des suspects, et une pochette remplie de documents d’époque. Pour ce nouveau format à dévorer, 404 fait fort, et réalise un très beau tour de force, entre le jeu de rôle et le roman noir. On en redemande.
Découvrir Crime Book — Meurtre à Hollywood
Billionaire Island
Scénario de Mark Russel, dessin de Steve Pugh – 144 pages
Publié le 26 août 2022 aux éditions Urban Comics – 17€
Brûlant, pessimiste et cruellement d’actualité, on tient notre pépite de l’été chez Urban Comics. Dans Billionaire Island, les industriels les plus fortunés des États-Unis décident d’échapper au réchauffement climatique et aux conflits mondiaux en s’exilant sur une île artificielle démesurée au cœur des eaux internationales. Là-bas, pas de morale ni de loi, si ce n’est celle de l’argent. Imaginée par les géniaux Mark Russel (Not all Robots, Prez) et Steve Pugh (Animal Man), cette nouvelle satire acerbe de la société capitaliste est un uppercut dans l’estomac, qui donne la nausée autant qu’elle secoue.
Car sous ses airs de dystopie ultra-capitaliste, force est d’admettre que les propos de Billionaire Island brillent par leur justesse. Le monde décrit par ce one-shot brutal n’est pas si éloigné de nous, et force est d’admettre qu’il laisse peu d’espoirs de rédemption. On ressort de notre lecture dépités, mais avec la sensation d’avoir lu un très bon roman graphique.
Le Printemps de Sakura
Scénario et dessin de Marie Jaffredo – 112 pages
Publié le 31 aoput 2022 aux éditions Glénat – 19€
Sakura est une Franco-Japonaise de huit ans. Après la mort de sa mère, la petite fille tente de faire son deuil aux côtés de son père. Lorsque ce dernier est contraint de s’absenter pour des raisons professionnelles, elle se retrouve cloitrée chez Masumi, sa grand-mère japonaise aux habitudes bien différentes des siennes. Le temps d’un printemps, le personnage de Sakura va apprendre non sans mal à se reconstruire, tout en découvrant la beauté de la campagne japonaise.
Émouvant et sensible, ce roman graphique est un énième récit de vie sur l’enfance, le deuil et la reconstruction. Pourtant, le trait et le discours de Marie Jaffredo sonnent juste, et nous font plonger la tête la première dans une tranche de vie qui brille par sa poésie, avec l’innocence et la maturité que l’on pouvait notamment retrouver dans l’excellent Jizo de Mr Tan et Mato.
Découvrir Le Printemps de Sakura
Et aussi
- Thor, déesse du tonnerre – de Jason Aaron et Russell Dauterman (Panini Comics)
- L’Empire du pire — de Théo Grosjean et Auriane Bui (Jungle)
- Thanos Returns – de Jeff Lemire et Mike Deodato Jr (Panini)
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