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Astérix : retour sur plus de 50 ans de dessin animés dédiés aux irréductibles Gaulois

Lorsqu’on évoque les aventures d’Astérix au cinéma, ce sont les longs métrages en prises de vues réelles réalisés respectivement par Claude Zidi, Alain Chabat, Thomas Langman/Frédéric Forestier et Laurent Tirad qui viennent presque instantanément à l’esprit. Une popularitéqui eclipse quelque peu les nombreux dessins animés inspirés de la célèbre bande dessinée éponyme, régulièrement rediffusés sur M6 lors des fêtes de Noël. A l’occasion de la sortie d’Astérix – Le Secret de la potion magique (notre critique ici), le Journal du Geek vous propose de revenir sur plus de 50 années d’une saga d’animation qui aura très largement contribué à l’élaboration d’un mythe à part entière au sein de la culture hexagonale.

Qu’est-ce que ‘‘Astérix’’ ? Personnage culte d’un univers qui l’est tout autant, ce nom est aujourd’hui une véritable marque autant qu’un symbole de la culture populaire française. Créé par le scénariste René Goscinny et le dessinateur Albert Uderzo dans la bande dessinée éponyme, Astérix apparaît pour la première fois dans le numéro 1 de la revue Pilote en 1959. La première aventure du héros, intitulée Astérix le Gaulois, invente alors les codes de ce qui devient rapidement l’une des séries les plus aimées en France. Il y est notamment question d’Astérix et Obélix, deux Gaulois franchouillards fermement opposés à César qui, grâce à l’utilisation d’une potion magique qui confère d’immenses pouvoirs, repoussent les troupes romaines.

« Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ. Toute la Gaule est occupée par les Romains… Toute ? Non ! Car un village peuplé d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur. Et la vie n’est pas facile pour les garnisons de légionnaires romains des camps retranchés de Babaorum, Aquarium, Laudanum et Petibonum… »

C’est par ces mots aujourd’hui indissociables du monde dans lequel évolue le héros gaulois que commence chacun des 37 albums d’Astérix. Un texte qui résume finalement assez bien le contexte initial de chaque histoire, à savoir la lutte incessante entre Gaulois et Romains.

Rencontrant dès ses débuts la reconnaissance des lecteurs, Asterix devient de fait une série. Les raisons du succès ? Des jeux de mots qui font mouche, des gags visuels jouissifs, un comique de répétition savamment dosé, un contexte historique typiquement français, des personnages iconiques, une potion magique fantastique et un style graphique immédiatement identifiable.

Bien évidemment, il ne faut pas attendre bien longtemps avant que le monde de l’audio-visuel ne vienne s’accaparer du phénomène. Dès février 1967, un téléfilm réalisé par Pierre Tchernia donne vie à Astérix. Intitulée Deux Romains en Gaule, l’œuvre met en scène de façon poétique la fin de journée d’un jeune garçon qui se retrouve aspiré à l’intérieur de son manuel d’Histoire à l’époque des Gaulois et des Romains. Si l’intrigue se focalise sur deux légionnaires incarnés par des acteurs de chair et de sang, Astérix et Obélix apparaissent quant à eux sous forme animée et doublés par Roger Carel et Jacques Morel.

Quelques mois seulement après la diffusion de l’œuvre à la télévision, un premier long métrage sous forme de dessin animé sort au cinéma. Adaptée logiquement de l’album Astérix le Gaulois avec lequel il partage le même titre, cette première incursion cinématographique se solde par un excellent résultat au box office. 2 415 920 millions de spectateurs découvrent ainsi le métrage en salles. La popularité du métrage assoit alors encore un peu plus la toute puissance du personnage dans l’inconscient collectif.

Aujourd’hui désuet et semblable à une banale transposition en images animées de la BD, le film reste une date importante au sein de la saga d’animation, non seulement pour sa consécration des premiers pas d’Astérix sur grand écran, mais aussi pour son impact sur la suite de la franchise. Totalement écartés de la création du dessin animé, qui fut réalisé par le belge flamand Ray Gossens, et aussi mécontents du résultat final que de leur absence d’implication dans le projet, Uderzo et Goscinny souhaitent un changement drastique de méthode pour le long métrage suivant.

Initialement prévu pour être le second dessin animé Astérix à voir le jour dans les salles obscures, La Serpe d’or, alors pratiquement achevé, se retrouve annulé et détruit par les exigences imposées par le duo. Leur objectif est alors de s’impliquer totalement dans la conceptualisation du prochain film et d’en détenir le plus possible le contrôle artistique.

En 1968, sort ainsi Astérix et Cléopâtre, l’un des récits les plus célèbres de la franchise. Uderzo et Goscinny ont alors bel et bien obtenu gain de cause puisqu’ils se retrouvent cette fois-ci crédités réalisateurs et scénaristes de ce second volet. De ce changement radical en coulisse, les aventures du Gaulois chez Cléopâtre n’en gardent que peu de stigmates. Relativement similaire à Astérix le Gaulois dans sa volonté de rester le plus fidèle possible à l’album dont il s’inspire, le film ne se révèle être une suite supérieure que grâce aux qualités intrinsèques de la bande dessinée et son cadre égyptien resplendissant.

Quelques instants hors du temps tels que le passage chanté lors du bain de Cléopâtre et la scène du pudding d’Arsenic permettent au métrage de se hisser au- dessus de la plupart des autres volets animés, et d’en constituer l’un des plus beaux représentants.

En 1974, ouvre le studio d’animation Idéfix créé par Albert Uderzo, René Goscinny et leur éditeur Georges Dargaud, Un rêve devenu enfin réalité pour le scénariste et le dessinateur, qui voient là la possibilité de devenir les Walt Disney français. Une ambition énorme, que les propos d’Uderzo viennent appuyer :

« Goscinny et moi étions très malheureux à la vision des précédents films, même si le public les avait suivis. Les deux premiers films n’ont pas été un titre de gloire pour nous. Et il a fallu subir plusieurs fois les premières… À force de revoir ces défauts que nous ressentions toujours plus parce que nous les connaissions mieux, ils étaient devenus énormes ! Pour celui-ci, on pourra éviter ce genre de choses. Goscinny et moi faisons le storyboard et nous espérons tout superviser. Car cette fois le dessin animé sera réalisé à Paris, par un studio que nous avons nous-mêmes créé. Nous serons à la fois auteurs et réalisateurs, nous travaillerons vraiment étroitement avec les animateurs. Si l’on se lance dans cette aventure, c’est que l’on a mis le paquet ! »

La création du studio Idéfix entraînera seulement deux longs métrages dont le fabuleux Les Douze Travaux d’Astérix en 1976 et La ballade des Daltons en 1978. Le premier, inspiré par les douze travaux d’Hercule, reste encore aujourd’hui comme l’un des meilleurs films Astérix jamais fait, toute catégorie confondue.

Toujours réalisé par les deux comparses, ce troisième épisode propose une succession de séquences d’anthologie où se mêlent une multitude de registres. Un parti pris qui donne lieu à un spectacle extrêmement varié, où l’horreur s’immisce même le temps de la fantastique septième épreuve. Dans celle-ci, Astérix et Obélix doivent pénétrer dans l’antre de la Bête, une terrifiante caverne plongée dans le noir dans laquelle réside une galerie de créatures étranges. L’occasion pour Uderzo et Goscinny de matérialiser à l’écran quelques visions surréalistes et dérangeantes dont une partie de tennis effectuée avec un crâne et l’apparition d’oiseaux squelettiques. Grâce à la force de son originalité et une solide promotion qui voit notamment Pierre Tchernia interviewer Astérix et Obélix dans une vidéo de 5 minutes constituée d’images en prises de vue réelles et d’animation, Les Douze Travaux amasse 2 210 277 millions d’entrées en France et 7 198 628 en Allemagne. Malheureusement, cette franche réussite marquera aussi bien la prospérité économique de la licence que le chant du cygne de son géniteur.

Le 5 novembre 1977 à Paris, René Goscinny meurt d’un arrêt cardiaque après avoir effectué un test d’effort chez son propre cardiologue. En effet, alors qu’il pratique le corps couvert d’électrodes une séance de vélo d’appartement, l’artiste indique se sentir mal. Il perdra la vie quelques instants plus tard, à l’âge de 51 ans. Une fin tragi-comique pour le créateur d’Iznogoud, digne des gags les plus mémorables inventés par le défunt auteur. L’année suivante, et en conséquence, le studio Idéfix ferme prématurément ses portes.

La franchise Astérix disparaît alors des écrans pendant presque 10 ans, avant que Astérix et la Surprise de César n’en marque le retour en 1985 grâce à Gaumont et Dargaud Films. Aux commandes de ce nouveau long métrage, les frères Brizzi adaptent cette fois-ci Astérix légionnaire (1964) et Astérix gladiateur (1967). Les deux réalisateurs en tirent une histoire sympathique qui voit Astérix et Obélix s’engager dans les armées de César dans le but de sauver Falbala et son fiancé Tragicomix de l’emprise des Romains. Un épisode satisfaisant de la licence animée, qui se distingue notamment par sa qualité graphique supérieure à ses prédécesseurs.

Film de Pino VAN LAMSWEERDE
Affiche

Un an seulement après cette renaissance au cinéma des aventures du petit Gaulois, Astérix chez les Bretons, tiré de la bande dessinée du même nom, sort dans les salles françaises. Très fidèle au matériau d’origine, le film en conserve l’humour et l’ambiance. On retiendra ainsi divers anachronismes s’amusant avec la culture anglaise au détour des visions d’un Big Ben en bois et de la Tour de Londinium. Du reste, comme pour Astérix et la surprise de César, le métrage se contente de restituer au mieux le look de l’œuvre d’origine, sans jamais proposer de nouveautés significatives.

Un constat qui s’applique tout aussi bien aux deux films suivants, à savoir Astérix et le coup du menhir en 1989 puis la production franco-allemande Astérix et les Indiens en 1995. Sans jamais se réapproprier véritablement le travail imaginé par Goscinny et Uderzo, les deux dessins animés en proposent des adaptations somme toute efficaces, des divertissements honorables, à défaut d’être inoubliables. Avec respectivement 1 445 980 et 1 059 709 millions d’entrées cumulées en France, ces épisodes réussissent à maintenir un certain intérêt auprès des spectateurs, en dépit d’un affaiblissement notable dans les chiffres par rapport aux volets passés.

La fin de la décennie 1990 voit la fin provisoire des versions animées du Gaulois, mais pas du personnage. Celui-ci prend vie en 1999 dans le film live Astérix et Obélix contre César. Un blockbuster français mis en scène par Claude Zidi qui réunit plus de 8 millions de spectateurs au moment de sa sortie. A partir de ce moment- là, la franchise se déporte alors principalement dans des métrages en prises de vues réelles. Ce n’est qu’en 2006 qu’Astérix et les Vikings, libre adaptation d’Astérix et les Normands, signe le retour de l’animation pour le personnage.

Plus que pour son résultat final (louable mais manquant d’audace), cette nouvelle tentative d’adapter Astérix en dessin animé marque pour la série un changement d’approche dans sa technicité. Les traits rigides de l’animation traditionnelle présents dans les volets des années 1970 à 1995 disparaissent ici au profit d’un rendu visuel bien plus fluide.

A propos de la fabrication du film, son réalisateur Jesper Møller explique: ‘‘Ce fut notre challenge pour ce film. On devait respecter la physionomie des personnages mais aussi l’état d’esprit de la BD. Il faut que le film apporte un plus par rapport à la BD, mais il ne faut surtout pas dénaturer l’énergie et les caractéristiques qui font le succès d’Astérix et Obélix. Même si nous utilisons la technique traditionnelle, nous nous sommes aussi servis de l’imagerie informatique pour obtenir des images plus denses, plus riches. Ce n’est pas l’ancien contre le moderne, mais l’alliance des deux pour un résultat optimal.’

Astérix effectue une mutation intégrale en 2014 en employant pour la première fois dans l’histoire de la saga, sur l’intégralité d’un long métrage, des images de synthèse.

Avec 2 996 194 millions d’entrées en France, Astérix – Le Domaine des Dieux réalise dans son pays le meilleur score au box office pour un Astérix animé. Un succès mérité, tant le talent d’écriture d’Alexandre Astier, Jean-Rémy François, Philip LaZebnik permet au métrage d’être doté de dialogues inventifs et ciselés (« -Il faudrait un nom qui évoque Rome mais qui ne soit pas vraiment Rome. -Rhume. »). Des qualités aussi attribuables à la réalisation de Louis Clichy, un ancien animateur de chez Pixar, et Astier. D’un générique virevoltant à un ballet aérien de Romains castagnés par Obélix en passant par une séquence musicale où la chanson Sarà perché ti amo rythme le quotidien des Gaulois, tout fait écho à l’humour et l’émerveillement propre à l’univers originel.

Une jolie prouesse donc, qui aura permis au protagoniste de Goscinny et Uderzo de retrouver de sa superbe après plusieurs années d’errance artistique (Astérix aux jeux olympiques en 2008, Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté en 2012) en parvenant à combiner nostalgie, fidélité et innovations techniques. Dans un certain sens, et à l’aune de la sortie d’Astérix – Le Secret de la potion magique qui proposera une aventure totalement inédite, on serait tenté de dire que l’héritage des deux hommes aura davantage brillé du côté de l’animation que du film live, exception faite du quasiment intouchable volet réalisé par Alain Chabat en 2001.

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