Si Hollywood aime bien revisiter ses classiques au moins une fois par décennie si ce n’est plus, du côté de l’animation japonaise, rares sont les anciennes œuvres à avoir eu droit à une remise au goût du jour. Et quand elles le sont, elles ont droit parfois à des retours assez lunaires, comme lorsqu’une confrère d’un média national reprochait à la nouvelle version de Captain Tsubasa de ne pas inclure davantage de figures féminines. Pourtant, on peut dire que la tendance au remake des séries d’animation semble commencer à se dessiner puisque Netflix prépare une nouvelle version de One Piece, que Dragon Ball Daima nous fait rêver avec une possibilité de voir l’œuvre originelle de Toriyama prendre ce chemin, ou encore que Ranma ½ vient d’accoucher d’une première saison cuvée 2024 sur la plate-forme TUDUM.
Et c’est justement le manga de Rumiko Takahashi qui nous intéresse aujourd’hui. Une œuvre publiée entre 1987 et 1996 par celle qu’on surnomme « la reine du Shonen » (genre très majoritairement occupé par ses collègues masculins) que la génération Club Dorothée connaît bien. Afin d’assurer la succession de son dojo d’arts martiaux, Soun Tendo souhaite marier l’une de ses trois filles au fils de son ami de longue date, Genma Saotome. Sauf que Genma et son fils Ranma reviennent de Chine avec un secret : suite à un plongeon dans des sources maudites, le contact avec l’eau froide transforme le premier en panda géant et le second en fille. Seule l’eau chaude leur permet de retrouver leur apparence originelle. Rapidement, c’est la cadette Akané qui est désignée pour être la fiancée de Ranma. Problème, les deux jeunes gens ne s’entendent absolument pas.
Il n’est pas compliqué de comprendre ce que le studio d’animation Mappa, responsable de Jujutsu Kaisen et Chainsaw Man, a trouvé d’intéressant à ramener Ranma ½ sur le devant de la scène. Le manga, comme l’animé, a une intrigue autant coincée dans le passé avec la tradition japonaise du mariage arrangé qu’elle n’a jamais été aussi moderne avec la capacité de son héros à changer de genre. Une série qui pourrait être aisément qualifiée de « woke » aujourd’hui alors qu’en réalité, elle a toujours joué sur les deux tableaux. Au contraire, on peut même dire que c’est parce qu’elle joue sur les deux tableaux qu’elle est aussi pertinente et agréable à regarder.
Un deux seins animés comme un autre ?
Ranma ½ n’a pas l’intention de se fâcher avec les « anti », d’autant que lors de sa création, ces notions n’existaient même pas encore. Le héros se définit bien comme un homme et vit son changement de sexe comme une « malédiction » de prime abord. Hétérosexuel, il n’a pas soudainement une attirance pour la gente masculine lors de ses transformations. De même, aucun personnage féminin n’est séduit par Ranma fille. Les Japonais n’étant pas les plus ouverts sur le sujet, le succès du manga s’explique parce qu’il sait très bien quelle limite ne pas dépasser et l’animé version 2024 n’a pas l’intention de changer cet état d’esprit.
Cependant, chacun des douze épisodes qui composent cette première saison (une deuxième a été officiellement annoncée) est particulièrement évocateur quant à l’ouverture d’esprit dont la série fait preuve. C’est bien en fille que l’on découvre Ranma pour la première fois et il souligne régulièrement que le corps féminin n’a plus de secret pour lui, il s’y est habitué. Parfois, la version féminine est même présente alors qu’aucune goutte d’eau froide n’est venue la justifier. Pour Ranma, le genre auquel il s’identifie n’a aucun rapport avec le sexe qu’il possède à l’instant et il n’a jamais peur de jouer de ses charmes lorsque la situation l’exige. Ranma ½ normalise la distinction de genre et de sexe bien avant que cela devienne un sujet de société. Et alors que celle-ci se déchire sur ces notions, très souvent par incompréhension, ce remake permet de s’ouvrir au sujet sans forcer et avec beaucoup d’humour.
Un remake feel-good d’utilité générale
On aime Ranma ½ pour ses scènes de combats chorégraphiées, réalisées d’une main de maître par le studio Mappa, mais on adore Ranma ½ pour son humour. La relation Ranma / Akané se rapproche de celle d’un Ryo / Kaori dans City Hunter avec ce côté « je t’aime moi non plus » où les chamailleries des personnages rythment les épisodes, et que les sentiments plus profonds émergent en filigrane. Est-ce que cet aspect plus léger, voire cliché, a mal vieilli en 2024 ? Pas vraiment, car ce qui fait le charme de chaque personnage, c’est l’exagération avec laquelle il est écrit. Tout n’est qu’absurdité et quel délice de voir un duel de patinage martial (oui, ça existe ici) alterner entre sérieux et grand n’importe quoi.
C’est ce qui rend certaines situations d’un autre temps plus digestes, comme le fait de faire souvent fi du consentement pour jouer plutôt cela autour d’un duel ; parce que l’on sait que, quoi qu’il arrive, le résultat se fera au détriment des participants. Quant à la fameuse « censure » redoutée pour correspondre à notre époque, elle est au mieux absente, au pire invisible. Et à ceux qui répondraient « et Happôsai alors ?! », on répondra que le vieux maître pervers n’est censé apparaître qu’en saison 2.
Ranma ½ est plus qu’un remake nécessaire, c’est un bonbon qui s’apprécie parce qu’il est bon de rire devant un animé qui se prend rarement au sérieux. L’histoire ouverte sur le monde de Takahashi et le travail d’animation de Mappa forment une parfaite association pour créer une série intemporelle, entre passé et présent, dont on a déjà hâte de (re)découvrir le futur.
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