Disney+ recycle à tout-va ses classiques d’animation. Du Roi Lion à Aladdin en passant par La Belle et la Bête, aucune princesse ou personnage de sa licence n’y échappe. Ce n’était plus qu’une question de temps avant que la firme aux grandes oreilles ne s’attaque à son œuvre la plus iconique. C’est tout de même à elle que les studios doivent leur ouverture.
La démarche, assez cynique à vrai dire, est plutôt facile à comprendre. Plutôt que d’investir dans le développement de nouveaux projets, au risque de rencontrer un échec commercial, Disney mise sur une recette qui fonctionnait déjà. Le résultat est là, Le Roi Lion a par exemple amassé plus d’un milliard de dollars au box-office en 2019.
La copie conforme des aventures de Simba a rencontré le succès, alors que d’autres ayant tenté de s’affranchir plus largement de son matériau de base n’ont pas convaincu les spectateurs. C’est le cas de Mulan, qui s’était inspiré du conte et des légendes entourant la guerrière et qui avait ainsi abandonné les chansons et le personnage de Mushu. Le film avait au moins le mérite de prendre un peu de risques.
La première bande-annonce de Pinocchio a confirmé que c’est plutôt la première stratégie qui avait été adoptée. Malgré la présence de Robert Zemeckis à la réalisation, nos craintes étaient nombreuses. On pouvait facilement se dire que le métrage ferait dans la redite. Nous a-t-il fait mentir ? Critique.
Pas du même bois
Geppetto est un vieil homme solitaire qui trouve son bonheur dans la confection d’objets en tous genres. Endeuillé, il va construire un petit pantin en bois pour remplacer l’enfant qu’il a perdu. C’est une nouvelle approche du métrage proposé par Robert Zemeckis, le deuil n’avait jusqu’ici pas été mentionné.
Lorsqu’il prend vie, le pantin doit apprendre à devenir un humain comme les autres pour espérer un jour être fait de chair et d’os. Il s’embarque alors dans une aventure dangereuse où il tirera des leçons de chacune de ses rencontres.
Avant d’être un dessin animé des studios Disney, Pinocchio est surtout un conte italien de Carlo Collodi. Le journaliste et écrivain a voulu, à travers les aventures du petit garçon à la tête dure, aborder les valeurs morales de la ruralité italienne. Le récit, aux mains de Disney, sera édulcoré pour coller à un public plus jeune.
Avec ce Pinocchio 2.0, Disney reprend à quelques détails près le récit du film sorti en 1940. Les modifications mineures visent à le rendre plus contemporain, comme lorsque les cigarettes fumées par les enfants disparaissent au profit de friandises. La narration n’hésite pas non plus à convoquer des références plus contemporaines. La chanson “La vie d’artiste” résonne comme un avertissement à destination des chérubins qui se rêvent stars des réseaux sociaux, influenceurs… Peut-on exister si l’on est pas célèbre ?
Le métrage a une démarche louable, mais ne va jamais au bout de son entreprise. Les pistes de lecture sont nombreuses, mais jamais la narration ne leur consacre assez de temps. Le rythme effréné du voyage initiatique ne lui permet pas de trouver une résonance chez les jeunes et les moins jeunes spectateurs.
C’est un peu le constat que l’on peut appliquer à l’ensemble des nouveautés. La présence d’une ballerine, et de sa marionnettiste qui rêve danseuse étoile est intéressante. Elle sera cantonnée au rôle de compagnon d’évasion. D’ailleurs, toute la partie sur le cirque ambulant sonne comme un véritable gâchis, tant les possibilités de faire évoluer le personnage à travers ses rencontres étaient nombreuses.
Des bonnes idées de narration, ce Pinocchio n’en est pas dépourvu pour autant, notamment dans sa manière de conclure cette aventure avec une fin volontairement ouverte. On notera en revanche un plagiat à peine déguisé de Raiponce. C’est sans doute une manière pour Zemeckis, qui a participé à l’écriture du scénario, de mettre en avant le pouvoir de l’amour, comme le chantait Huey Lewis and the News pour Retour vers le Futur.
Des effets visuels qui rayent le parquet
Pour beaucoup, Pinocchio est une merveille de nostalgie en animation. Les coups de crayon des réalisateurs Hamilton Luske et Ben Sharspteen ont laissé leur empreinte dans l’imaginaire des spectateurs, notamment dans la manière dont les personnages ont été pensés. Ils ont sans aucun doute participé à faire du film de 1940 l’un des métrages les plus iconiques des studios Walt Disney.
Adapter ce récit en prise de vues réelles est donc un sacré défi. Qui d’autres que Robert Zemeckis pour réussir cet exploit ? Le cinéaste s’empare de cet univers très calibré pour y apporter une certaine touche personnelle. Il rend aussi hommage à l’œuvre dont il s’inspire en reprenant certains plans au détail près. On pense notamment à la caméra subjective utilisée pour introduire la petite maison de Geppetto. Le réalisateur s’affranchit aussi des limites de l’animation des années 40 pour repenser toute la structure de son œuvre.
Jiminy Cricket agit en qualité de narrateur, et la caméra de Zemeckis s’amuse ainsi avec les notions de premier et de second plan pour appuyer ce choix. Il brise souvent le quatrième mur et agit comme un guide dans cet univers fourmillant. Mais au-delà de ces quelques partis pris, Pinocchio manque cruellement d’inventivité.
Véritable orgie de VFX, le film de Disney ne parvient jamais à faire naître un émerveillement chez le spectateur. Nous avons eu l’occasion de le découvrir sur le grand écran, et ce format ne saurait pardonner ses effets visuels de mauvaise facture. Pinocchio est d’ailleurs la première victime de ce qui ressemble beaucoup à une stratégie de l’économie pour Disney.
Le petit pantin de bois, bien que très fidèle à la version animée, n’arrive jamais à prendre vie. Il reste prisonnier de son enveloppe 3D, et ce n’est pas son nez à rallonge qui pourra le tirer de cette impasse. On peut au moins lui accorder certaines boutades qui nous ont fait sourire à plusieurs reprises.
Il en va de même pour certains décors, comme l’île enchantée pourtant si caractéristique dans le dessin animé. Ce lieu où les enfants peuvent laisser libre cours à leurs pulsions destructrices. L’esthétique de cette île des plaisirs n’arrive pourtant pas à se transformer en véritable enchantement. C’est à peine un endroit bon pour faire la bamboche.
Lumières aveuglantes et bières en CGI, l’absence totale de véritables décors se fait ressentir jusque dans la manière dont les personnages sont éclairés. Des yeux d’enfants pourraient pardonner cette esthétique en carton-pâte, pour les adultes, c’est plus compliqué. Et puis à certains moments, on se prend au jeu comme lorsqu’une machine à musique apparaît à l’écran ou que deux truands félins font leur show pour convaincre l’innocent de Pinocchio de choisir la voie de la célébrité.
Pour le reste du casting, on notera que même Tom Hanks ne sait pas trop ce qu’il fait là, le pauvre est un peu seul à bord de ce navire qui fonce vers le naufrage. Les chansons originales sont en revanche plutôt réussi, notamment celle chantée par la ballerine. La jeune fille s’en sort plutôt bien avec sa partition.
Disney a eu le nez creux
Dans le catalogue Disney+, il y a des métrages que l’on aurait aimé découvrir au cinéma. Notamment chez Pixar, privé de salles obscures depuis la pandémie, nombre de longs-métrages nous ont convaincus au point de regretter de ne pas avoir pu vivre l’expérience sur grand écran. Pinocchio, est lui aussi un ajout Disney+ qui n’aura pas droit à une sortie au cinéma.
La plateforme est pour la firme une force de frappe immense, qui lui permet d’éviter les coûts de diffusion au cinéma et de garder le contrôle de ces films du début à la fin. Pour attirer de nombreux nouveaux abonnés, le service SVOD multiplie donc les sorties toutes franchises confondues. C’est aussi une manière d’éviter les échecs au box-office, lorsque le succès n’est pas assuré. Au vu des premiers retours critiques, on dira que Disney a eu le nez creux.
Disney a néanmoins encore de nombreux projets du genre dans ses cartons, à commencer par des relectures de Blanche Neige et La Petite Sirène. Le public va-t-il finir par se lasser d’un tel recyclage ou la firme réussira-t-elle à sculpter une nouvelle tendance ? Seul le temps nous le dira.
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pour faire court : la version originale, qui a plus de 80 ans, est bien plus convaincante, percutante et magique que celle-ci !!
Regardée hier soir, j’ai franchement eu l’impression de perdre mon temps. Tout est plat, il n’y a pas de surprise, l’image est molle, Tom Hanks semble ne servir à rien.
C’est bien un truc de mercanti de servir la soupe tiède d’hier soir au prix d’une soupe neuve du jour. Disney veut faire de l’argent, pas du cinéma….
“à quelques détails près” ” Les modifications mineures”!? Je pense que vous avez raté tout un bout! Entre les remaniements, appropriation culturelle et wokisme ce film est une insulte à l’oeuvre d’origine.