NB : cette critique du premier épisode de la série dévoile parfois quelques éléments de l’intrigue.
En ouverture, trois cartons se succèdent pour nous informer du contexte dans lequel va se dérouler la série. En 1845, les navires HMS Erebus et HMS Terror (d’où le nom de la série et par extension du best-seller de Simmons), partent dans une expédition en Arctique dans le but de découvrir le fameux passage Nord-Ouest. À l’époque, l’existence de ce dernier n’est encore que théorique et doit permettre, en contournant les États-Unis, d’éviter la périlleuse route du Cap Horn pour atteindre plus aisément l’Inde et la Chine. Partis à bord avec suffisamment de provisions pour tenir plusieurs années, les bateaux vont être piégés dans la glace près de l’île Victoria et disparaître. Ils seront retrouvés entre 2014 et 2016, mais le sort des 129 membres de l’équipage reste encore aujourd’hui nimbé de mystère.
La série, tout comme le roman, part de ce point de départ bien ancré dans la réalité pour finalement mieux la détourner. Ici, après l’enlisement des bateaux dans la glace, le noble récit d’aventure historique se transforme rapidement en survival fantastique. L’équipage, attaqué par une mystérieuse et terrible créature , doit se alors confronter au monstre et tenter de rester en vie dans des conditions climatiques extrêmes.
Créée par Soo Hugh et David Kajganich (scénariste sur A Bigger Splash) et supervisée par Ridley Scott (Alien Covenant) qui endosse ici le rôle de producteur exécutif, The Terror met en scène Jared Harris (Perdus dans l’espace) dans le rôle de Francis Crozier, capitaine du Terror, et Ciaran Hinds (Harry Potter et les reliques de la mort, Game of thrones) qui interprète John Franklin, responsable du Erebus.
La terreur
De son concept de pur cinéma de genre, le pilote de The Terror tire un début pleinement ancré dans l’horreur. Avec son cadre glacial et sa menace encore quasiment invisible, elle évoque irrémédiablement les grands classiques du genre. À commencer par le chef-d’oeuvre de John Carpenter, The Thing. Exit les navires, les enjeux sont globalement les mêmes. Des hommes coincés à l’intérieur d’un habitat, une nature difficile et un monstre surpuissant synonyme de mort. Si la comparaison risque fort de se faire encore plus pertinente par la suite de la saison, elle n’est cependant pas la seule qui vient à l’esprit. Tout au long de ses 46 minutes, le premier épisode de The Terror fait formellement penser tour à tour à Shinning, Alien et aux nombreux films de fantômes japonais (Ring et Dark Water en tête) sortis ces vingt-cinq dernières années.
Une scène de repas, interrompu par un vomissement sanglant de la part de l’un des protagonistes et précédant l’arrivée du joli mais consensuel générique de la série, se fait dès lors l’écho de la séquence culte (le chestburster) du chef-d’oeuvre de Ridley Scott. De même, la vision cauchemardesque survenant en pleine nuit d’un homme bedonnant vêtu d’un masque aussi étrange que informe fait penser aux apparitions dérangeantes du film de Stanley Kubrick.
Des influences évidemment immenses mais qui n’empiètent pas plus que de raison sur l’identité propre du show d’AMC. Du moins lors de ce pilote. La meilleure séquence de l’épisode réussira même à proposer une imagerie assez inédite dans le genre. Dédiée à l’un des membres de l’équipage qui, à l’aide d’une combinaison en scaphandre, descend dans les eaux glacées pour y localiser un problème matériel, celle-ci s’avère dès ses premiers instants prometteuses. Lors de sa brève incursion, l’homme y apercevra une sorte de cadavre flottant non loin de lui avant de hurler qu’on le remonte. Un moment bizarre et inquiétant. Mais pas forcément mémorable pour autant.
Car malgré ses bonnes intentions et ses véritables ambitions visuelles et narratives, le premier épisode de The Terror ne semble pourtant jamais se mettre au même niveau que son potentiel. Si le fait de ne rien montrer de son monstre pour le moment est évidemment une qualité qui permet une progression plus cohérente, les quelques passages censés amener le récit à plonger petit à petit dans l’épouvante se montrent finalement assez timides. Trop anecdotiques en dépit de bonnes idées qui font davantage illusion sur le papier que dans les séquences achevées, ces derniers ne réussissent jamais vraiment à proposer quelque chose d’aussi terrifiant que ce que les personnages concernés traversent à ce moment-là. Décevant sans être catastrophique.
La foi, don de Dieu ou malédiction ?
Production Ridley Scott oblige, The Terror est aussi l’occasion de retrouver le style du metteur en scène de Gladiator, et ses limites. Doté d’une direction artistique assez solide comme en témoigne le très beau flash-back dans le théâtre ou encore les plans larges en vues zénithales qui ouvrent et clôturent le récit, ce premier épisode démontre à lui tout seul les avancées somme toute bluffantes qui ont été effectuées dans le secteur du petit écran au cours de ces dernières années. Sans être un maître étalon du calibre de Game of Thrones ou à peu près n’importe quelle autre production HBO, la nouvelle création d’AMC semble relativement bien équilibrée dans sa réalisation. Il est alors un peu triste de voir que, pour l’instant, la froideur (aussi visuelle que scénaristique) de Scott ont pour conséquence de mettre en exergue l’absence d’empathie envers les personnages.
Du style du réalisateur de Blade Runner, on retrouve aussi les thématiques. Et notamment celle de la foi et de la religion. Lors d’un monologue prononcé par Francis Crozier, il y est de ce fait question de la bible et de croyance en une entité supérieure.
À ce titre, The Terror fait plus ou moins penser à une version Historique de Prometheus et Alien. Ses deux navires peuvent être facilement perçus comme deux vaisseaux spatiaux s’aventurant dans une galaxie encore inconnue et dangereuse d’où va survenir une menace radicale, capable de remettre en question les fondements de l’espèce humaine. Inévitablement, l’ombre des Montagnes Hallucinés plane également fortement sur l’aventure.
“Le Seigneur veillera sur nous. Quoi que demain nous réserve” déclare Franklin à la fin de l’épisode. Étant donné la vision désenchantée du monde de Scott depuis maintenant quelques années (le suicide de son frère Tony en est immanquablement la cause première, tout autant que l’âge avancé du cinéaste), on se doute bien que, comme chez Nietzsche, Dieu devrait être mort. Avec une telle philosophie du désespoir, The Terror pourrait ainsi se montrer apte à proposer un contenu plus fascinant que la moyenne.
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sauf que the walking dead est detronné depuis longtemps :-p
Walking dead n’est pas la série la plus passionnante qui soit… J’attends de voir ce que donne la suite de The Terror, mais j’aime bien ce début qui n’en rajoute pas des couches, et laisse l’ambiance et les personnages se mettre en place.