Adapté d’une série norvégienne, Maniac nous place dans un monde rétro-futuriste tel que nous imaginions l’avenir il y a 20 ans. Un lieu où tout semble possible comme la location d’un ami, mais où chaque situation paraît grotesque à l’image d’un employé payé pour lire les prospectus. Un univers bac à sable dans lequel on découvre Owen (Jonah Hill), vilain petit canard d’une famille milliardaire, en proie à des troubles paranoïaques et schizophrène sur les bords. De son côté, Annie (Emma Stone) ne parvient pas à se remettre de la mort de sa sœur et semble fuir toute perspective de bonheur. Ces deux êtres que tout oppose, sauf le mal-être, vont se retrouver à participer à un test médical censé éliminer toute douleur « inutile » au travers l’absorption successive de trois comprimés.
Sauf que leurs subconscients n’auront de cesse de les réunir au travers de différentes réalités, de la plus crédible à la plus fantaisiste. Et c’est là que les mains expertes du réalisateur Cary Joji Fukunaga et du scénariste Patrick Somerville vont se mettre à l’œuvre pour transformer cette histoire en terrain de jeu idéal pour nous offrir une expérience visuelle et narrative comme on en a rarement vu sur le petit écran.
Un O.V.N.I. télévisuel
Une fois passé les deux-trois premiers épisodes de mise en contexte – bien utiles pour ressentir l’affliction de nos âmes perdues – Maniac déploie ses ailes. Et quelles ailes ! Qu’on suive Owen et Annie dans la peau d’Américains moyens embarqués malgré eux dans une fusillade ou en cambrioleurs renommés, sans oublier un passage en terre elfique, chaque réalité alternative dénote avec les autres dans le fond comme dans la forme. Résultat, c’est comme si nous profitions de plusieurs séries en une seule sans avoir l’impression de morcellement. Une façon aussi pour le show de toujours parvenir à surprendre, à se renouveler, à créer.
On sent que Fukunaga et Somerville se sont payés une sorte de récréation en jouant avec les styles du polar, de la comédie, du film d’action ou encore de l’heroic fantasy. La fluidité du résultat est assez fascinante tant on n’a le sentiment d’aucun temps mort malgré les nombreux bouleversements entre le réel et l’irréel. À ce titre, par sa structure narrative unique, Maniac s’amuse avec nos sens, cherchant à nous faire douter de ce qui est vrai ou non. À la manière des personnages, il nous faudra souvent plusieurs minutes pour analyser la dimension dans laquelle nous nous situons.
Une série (trop) exigeante ?
Toute démarche artistique – car c’est bien d’art dont il s’agit ici – contient une forte part de subjectivité et doit se préparer à se couper d’une partie du public. Maniac ne s’en cache pas : la série ne se destine pas au plus grand nombre et assume son statut d’O.V.N.I.. Il faut ainsi faire preuve de patience avant de saisir ce qu’elle cherche à nous dire et de volonté pour ne pas lâcher le visionnage quand elle se perd elle-même.
Parce qu’inutile de mentir : on n’assiste pas à un sans faute, loin de là. Si l’ensemble des wagons mène le train à bonne gare, chaque compartiment révèle des failles, à commencer par nos personnages. À trop insister, parfois lourdement, sur les dérives mentales de notre tandem, la série de Netflix en oublie souvent de créer de l’émotion chez le spectateur. Et si Emma Stone parvient à sauver les meubles en étant capable de nous émouvoir d’un regard, l’écriture plus linéaire d’Owen – car ce n’est pas tant la faute de Jonah Hill – ne lui offre pas la même chance. Même son de cloche chez le docteur, joué par Justin Theroux, dont le comportement caricatural lasse assez rapidement.
C’est un peu tout le problème de Maniac: un jeu de contraste qui en fait tellement trop (et avec panache) qu’il s’oublie de temps en temps en chemin. Dans ses élucubrations autour de la psyché, le propos tourne plus d’une fois à vide quand il ne devient pas carrément inutilement confus par moment. Tous les curseurs ont été poussés au maximum et le show se maintient sur un fil, menaçant constamment d’exploser à la moindre sortie de route. On balance ainsi entre l’engouement et l’ennui, se disant qu’on assiste vraiment à une expérience singulière qu’on ne reverra sans doute jamais, mais en même temps en se demandant si on en aurait réellement envie…
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