Zack Snyder est-il un Dieu ? À en croire ses déclarations depuis qu’il a posé ses valises chez Netflix, il ne semble pas loin de se l’imaginer. À en lire les commentaires de ses fans les plus extrêmes dont on pourra en retrouver certains ici assurément, ils le pensent. À en voir ses dernières productions sur la plate-forme de streaming, absolument pas. Qu’il s’agisse de son Army of the Dead ou de ses différents Rebel Moon, le cinéaste affichait une ambition mal placée dans des films ne brillant ni par leurs écritures, ni par leur originalité. Au point où Netflix aura revu sa copie quant à l’avenir des « franchises » Snyder dans son futur catalogue. Et voilà que Twilight of the Gods vient nous rappeler que Zack Snyder peut encore être un Dieu.
En développement depuis 2019, Twilight of the Gods est une série d’animation en huit épisodes d’une trentaine de minutes chacun, supervisée par le papa de 300, bien accompagné par Jay Oliva et Eric Carrasco, tous deux étant des habitués du super-héros et de l’animation. Snyder lui-même réalise le premier et le dernier épisode (chacun écrit par Eric Carrasco), laissant la main pour le reste à une équipe plus que compétente : Jay Oliva, Andrew Tamandl, Tim Divar et Dave Hartman.
Librement inspirée par la mythologie nordique, on y suit la quête de vengeance de Sigrid, guerrière farouche qui a vu tout son clan se faire massacrer par Thor le soir de ses noces. En compagnie de son futur mari Leif et d’une troupe hétéroclite, elle va entreprendre un voyage aux mille dangers entre les mondes afin de confronter directement les Dieux d’Asgard. Dans l’ombre, le malicieux Loki a ses propres objectifs.
Gode of War
C’est une habitude dans une production Snyder, Twilight of the Gods a tenu une bonne partie de sa promotion sur ce que le cinéaste juge désormais encore plus indispensable que son utilisation de l’imagerie numérique et de ses ralentis : du sang et du sexe. Il a tenu six mois uniquement sur ces deux mots concernant les fameuses Director’s Cuts de Rebel Moon. Effectivement, la série ne manque ni de l’un, ni de l’autre, et ce dès le premier épisode.
Un premier épisode qui donne le ton et marque sa différence quant à l’usage que le show va faire de ces deux outils. Du sang et du sexe oui, mais jamais gratuitement. Loin de satisfaire un penchant primitif ou de faire sa publicité autour d’un contenu adulte, Twilight of the Gods raconte ses personnages par l’intermédiaire de ces séquences. La haine de Sigrid envers Thor autant que notre propre compréhension de sa quête – qu’on soit d’accord ou non – n’auraient pas eu la même valeur si nous n’avions pas assisté au déferlement de violence de la part du Dieu du Tonnerre. L’extrémisme de la séquence est un pilier fondateur de l’intrigue, du même ordre que les scènes charnelles permettent de mesurer les émotions des personnages.
Plus que du sang et du sexe, ces moments servent à confronter les personnages à leurs sentiments, leurs contradictions, leurs résolutions. Des héros sans cesse ballottés entre le désir de vivre et la pulsion de mort à mesure que les corps se rapprochent et se détruisent. À l’heure où les débats continuent sur les réseaux afin de juger de la pertinence ou non de la sexualité ou de l’hémoglobine dans les fictions, Twilight of the Gods est une belle réponse.
Le choc des Titans
Série fantastique dans son écriture, elle l’est aussi évidemment dans ce qu’elle revisite de la mythologie nordique. En nous plongeant dans les prémices du Ragnarök, le show se montre particulièrement généreux dans les nombreux éléments du lore qu’il convoque, sans qu’on n’en perde le fil. Un univers riche qui prend néanmoins le temps de se construire, de nous raconter des histoires d’hommes, mais aussi de Dieux. À ce titre, on saluera l’épisode 6 sous forme de multiples contes où réel et imaginaire se confondent, renouant avec la dimension religieuse que tout n’est qu’une question de croyance.
À sa façon, Twilight of the Gods n’est pas sans rappeler Le Choc des Titans (le film de 1981, pas de 2010) où nous pouvions voir les Dieux, grecs cette fois, jouer avec les hommes comme on joue avec des poupées. Ce pouvoir des figures divines sur les mortels, le show de Netflix le met en avant autant par l’impuissance apparente des seconds sur les premiers, mais également dans cette manière qu’ont les premiers d’utiliser les seconds.
Que Thor les voit comme des défouloirs ou que Loki s’en servent comme des pions, l’écart de statut n’est jamais remis en question, de sorte que la vengeance de Sigrid semble ne pouvoir la conduire qu’à sa perte. De l’autre côté, c’est bien la vanité des Dieux qui menace leur existence, eux qui sont incapables de voir les dissensions dans leurs propres camps. Pendant huit épisodes, le récit est rythmé par le rappel des actes odieux d’Asgardiens méprisant les autres races, se croyant intouchables. Pourtant, eux-mêmes sont soumis à des émotions bien humaines. La rage, la tristesse, la peur du futur… Les Dieux ne sont que des hommes.
Et c’est là où on retrouve la présence de Zack Snyder à la création. Lui qui aura convoqué à loisir la figure divine au cours de sa filmographie, souvent pour la railler, trouve ici une boîte au trésor où il peut s’en donner à cœur joie, jusqu’à être parfois particulièrement grossier, il est vrai. Qu’est-ce qui caractérise un Dieu ? Simplement qu’il l’est ? Doit-il être vénéré ? Défié ? Questionné ? Dieu fait-il l’homme ou est-ce l’homme qui fait Dieu (à ce sujet, l’écriture de Loki est particulièrement intéressante) ? Si certains doutent encore de la position de Snyder sur le sujet, on rappelle que le titre peut se traduire littéralement par « Le crépuscule des Dieux » et qu’un géant n’a qu’un mantra : « On ne craint aucun Dieu ».
Évidemment, on ne peut mettre tout le crédit entre les mains du monsieur puisque la réussite de Twilight of the Gods vient d’un collectif. L’équipe de scénaristes ayant pensé un sujet du début à la fin en donnant à chaque épisode une âme qui lui est propre. Le formidable travail des animateurs français de Xilam. Et même Hans Zimmer participe à la bande-sonore. Un pur projet créatif qui réhabilite Snyder (à nos yeux) et qui installe la réputation de Netflix à choisir ses productions animées. Sunrise of the Gods.
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