Bien que Mad Max : Fury Road se positionne comme l’un des films majeurs de la décennie écoulée, nombreux de ses détracteurs pointent du doigt une absence d’histoire, résumant ce dernier à « une course de Mario Kart dans le désert » (dixit). Une critique réductrice, mais néanmoins compréhensible pour qui ne se serait pas laisser happer par le spectacle grandiose de George Miller. Qu’ils se rassurent, Trois Mille ans à t’attendre pourrait se voir comme une réponse leur étant adressés ; le réalisateur rappelant à toutes et tous qu’il n’est pas qu’un génie de l’image, c’est également un formidable conteur.
Ici, le cinéaste entend disséquer le poids des mots et des mythes dans notre société, sans quitter le postulat féerique de son récit. Dès le premier plan, Tilda Swinton prend la posture de narratrice et prévient que ce qui suit, bien que ce soit vrai, sera plus acceptable si on le prend sous forme de conte de fées. On retrouve le thème de la foi, cher à Miller (très présent dans Fury Road), approché ici de manière très cartésienne : pour que quelque chose devienne réelle, il faut juste accepter d’y croire.
C’est ainsi qu’il fait de son héroïne une narratologiste dont l’étude des récits lui a permis de conclure (prématurément comme elle le découvrira) que les Génies – ou Djinns – et autres créatures de légende n’étaient qu’un moyen pour leurs contemporains d’expliquer l’inexplicable, avant que la science vienne rendre ses êtres obsolètes. Néanmoins, l’homme, ayant toujours cette soif de croire, s’est tourné alors vers les aventures des figures super-héroïques modernes. Mais si ces créatures oubliées existaient bel et bien et que c’est nous qui les avions rendus inaptes à ce monde ? Et si ces récits du passé en disaient bien davantage sur l’Homme que la science ? Lorsque Alithea Binnie rencontre un Djinn lui proposant d’exaucer trois souhaits, elle n’a étudié que trop le côté néfaste des vœux et refuse de se laisser tenter. Jusqu’à ce que le jinn lui raconte son histoire…
Trois mille ans à t’attendre se présente comme une revisite actuelle assumée des contes des Mille et Une Nuits où deux êtres solitaires se trouvent en se racontant des souvenirs passés. Miller s’amuse d’ailleurs à déguiser son film en livre, le découpant par chapitres au grès des mémoires de ses héros. Un bel écrin pour celui dont l’imagination s’allie constamment avec le sens du spectaculaire, nous offrant de véritables tableaux dès qu’il nous plonge dans les siècles oubliés où les légendes prennent vie.
Que l’on soit dans les couloirs du palais doré de la Reine de Saba, des guerres turco-persanes ou des inventeurs du XIX siècle, la mise en scène de Miller déborde de détails, de magie et surtout, exprime continuellement quelque chose. Chaque scène contient un propos, une partie du conte et amène le spectateur vers un voyage dans le temps afin de vivre une expérience sensorielle. Une expérience décuplée par la science du montage avec des transitions entre le passé et le présent tellement harmonieuses qu’on passe d’une séquence à l’autre aussi simplement qu’on tournerait les pages d’un livre.
Trois Mille ans à t’attendre démontre d’un maestria esthétique qui va de pair avec son sens de l’allégorie. Ici, les images répondent aux mots et ces derniers ont un sens, partie intégrante d’une vision, d’un sentiment finalement très humain ; le plus beau qui soit. Parce que les histoires de Trois Mille ans à t’attendre n’en sont finalement pas, ce sont des voyages vers la psyché, explorant notre rapport à l’autre et à ce qui nous entoure. Chaque minute du film est une invitation à nous laisser aller et nous emporter.
Conte onirique, travail d’orfèvre, interprétation magistrale de Tilda Swinton et Idris Elba… il ne manque rien à Trois Mille ans à t’attendre et c’est peut-être là son principal défaut. En nous livrant un scénario verbeux doublé d’une peinture esthétique immaculée, Miller signe un de ses films les plus aboutis, mais aussi l’un des plus froid. Tout du long, on a eu la sensation, purement subjective par définition, de rester à l’écart. D’assister, justement, à quelque chose qu’il nous était raconté, mais dont on ne faisait pas partie. On admire la beauté des mots et des images, sans s’en imprégner. On est témoin de deux vies qui nous échappent. Le film transpire l’émotion, mais ne la provoque pas, du moins concernant l’auteur de ces lignes.
Plus objectivement, le métrage pourra également laisser sur le carreau celles et ceux qui ne succomberait pas à un scénario qui se laisse couler, sans imposer de rythme, d’énergie. Là où Fury Road brillait par son action, Trois Mille ans à t’attendre en est presque dénué. C’est une proposition de cinéma et comme toute proposition, il ne tient qu’à celui ou celle qui regarde de l’accepter ou non, de croire ou non.
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C’est très bien ce truc
“Cest très bien ce truc”. Ouah! Ça c’est l’avis de la génération Twitter. Vous avez un nombre limité de caractères donc vous devenez paresseux intellectuellement c’est ça ? On n’est pas sur tweeter et vous avez le droit de vous exprimer sur une histoire qui commence comme un deal et qui progressivement glisse vers le conte puis vers l’amour provoquant de l’émerveillement puis la tritesse car “les djinns ont tout le temps du monde”. Ceux qui ont vu le film comprendront. Tant de chose que vous DEVEZ aller voir vous même
J’ai très hâte