En 2008 sortait directement en vidéo en France The Strangers premier du nom. Joli succès surprise en salles aux Etats-Unis, le film, réalisé par Bryan Bertino, avait marqué les amateurs du genre grâce à son atmosphère si particulière. Il y était question d’un couple en crise, venu séjourner dans une maison de famille isolée, qui se retrouvait rapidement agressé par trois mystérieux assaillants masqués. Un point de départ simple et efficace que la mise en scène de Bertino parvenait à complètement transcender en mélangeant les codes du home invasion movie et du film de maison hantée. Un peu comme si Funny Game rencontrait La Maison du Diable.
Aujourd’hui mis en scène par l’intéressant Johannes Roberts (The Door, 47 meters down), Prey at Night reprend donc plus ou moins les éléments instaurés par son prédécesseur en remplaçant cette fois-ci la figure du couple défaillant par une famille dysfonctionnelle. Et en ne limitant plus l’action au huis-clos mais en l’élargissant à un quartier entier. L’idée n’est donc pas ici, dès le départ, de créer quelque chose de fondamentalement nouveau à la manière des classiques du genre (Aliens, The Devil’s Reject,…). Mais bien de reprendre une formule qui avait fonctionné par le passé et de tenter d’en extraire un simulacre réussi.
Train Fantôme
Une fois la famille arrivée dans le mobile home leur servant d’habitation pour la nuit, quelqu’un frappe à leur porte. Sur le perron, une jeune fille le visage plongé dans le noir demande à la mère qui vient lui de lui ouvrir : “Est ce que Tamarra est là ?“. Ce à quoi la femme, qui semble ne pas comprendre, lui répond qu’elle a dû se tromper de bungalow. De façon étrange et absurde, la jeune fille s’en va alors dans un silence inquiétant. Quelques minutes plus tard, la même scène se produit. Cette fois-ci c’est le père de famille qui ouvre la porte et fait face au protagoniste dont le visage baigne toujours dans l’obscurité. “Est ce que Tamarra est là ?” entend-on alors une nouvelle fois. Avant que la jeune fille ne reparte de manière aussi déroutante, s’arrête quelques mètres plus loin, se retourne vers le père en le fixant, puis disparaisse au loin.
Ces deux séquences, réalisées avec trois fois rien, et qui reprennent une idée du film antérieur, constituent un démarrage progressif dans l’horreur aussi efficace qu’angoissant. En lorgnant du côté de l‘inquiétante étrangeté de Freud, The Strangers : Prey at Night fait par conséquent preuve d’un petit savoir faire dans la gestion de son héritage atmosphérique.
S’ajoute à cela un premier degré salvateur. Une simple scène de quelques secondes vient ainsi donner aux personnages des parents une authenticité surprenante. Lors d’une légère étreinte sur laquelle une musique mélancolique vient s’apposer, une émotion fugace surgit. Un instant rassurant et teinté d’un frêle lyrisme. Le traitement des antagonistes, jusqu’au-boutiste, fait preuve d’une approche respectueuse des codes du genre. Le climax, qui s’attirera les moqueries des plus cyniques des spectateurs, entretient donc la mythologie fantastique amorcée par le premier film.
D’une violence assez crue, les différents assauts perpétués sur les personnages constituent eux aussi un gage de qualité. Bien loin de l’aseptisation des trop nombreuses ghost story qui n’en finissent plus d’envahir Hollywood (le récent I Wish – Faites un voeu en tête).
Watch out
Ces maigres qualités sont cependant très vite contrebalancées par des carences scénaristiques trop imposantes pour faire de l’oeuvre un simple clone réussi du premier opus. Là où la thématique du couple en crise apportait dans le précédent volet une dimension adulte plutôt bienvenue, la suite de Roberts peine à renouveler le même petit exploit. Si les personnages paraissent plus ou moins tangibles, ils n’en demeurent pas moins de vieux stéréotypes qui peinent à s’extraire de leur représentation inaugurale. De tous les membres de la famille, c’est celui de la fille qui cumule presque tous les principaux soucis d’écriture. Poncif de l’adolescente à problèmes, celle-ci peine à susciter l’empathie. Et à donner un peu de hauteur au récit balisé du slasher. Handicapant.
De même, presque toutes les séquences de meurtres et de tensions sont, à défaut d’être complètement ratées, d’une pauvreté regrettable. Coups de couteaux, déambulations nocturnes, apparitions surprises en pick-up,… chacune des péripéties a déjà été vue ailleurs, et en mieux. Un comble au vu du potentiel du film. Les trois tueurs masqués se prêtaient effectivement un peu plus au jeu du bac à sable sanglant et inventif. Le manque d’imagination général fait tomber ces derniers dans des figures fantastiques trop convenues pour les laisser pleinement se démarquer d’un Michael Myers (la saga Halloween) ou d’un Jason Voorhees (la franchise Vendredi 13).
Roller coaster horrifique sans idées un tant soit peu novatrices, The Strangers : Prey at Night reste ainsi condamné à n’exister que dans l’ombre de son modèle. Au lieu de fondamentalement changer la formule gagnante de ce dernier, et de prendre davantage de risque, Johannes Roberts préfère exercer le strict minimum. Le tout agrémenté de clichés qui ne font qu’un peu plus desservir l’intérêt de l’oeuvre. Pourtant, malgré cela, la modestie et l’aspect très premier degré de l’ensemble lui confèrent une certaine et relative sympathie.
Essentiellement dispensable, donc, et à réserver à un public avant tout conciliant et exempt de tout cynisme.
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