The Penguin investit le petit écran, avec la promesse d’approfondir les thématiques et intrigues de The Batman. Cela fait un moment que Warner Bros Discovery veut tirer profit du succès du film porté par Robert Pattinson, plusieurs projets sont nés au fil des ans. D’une série consacrée à Gotham PD avec Jeffrey Wright en vedette à une exploration d’Arkham Asylum, le studio a suivi de nombreuses pistes avant d’arriver à la conclusion qu’un récit sur l’un des antagonistes invités par Matt Reeves était la meilleure manière de poursuivre le voyage.
Nous sommes en 2022, et DC Films vient de passer entre les mains de Peter Safran et James Gunn. Il est rapidement déterminé que Matt Reeves, tout comme Todd Phillips, fera évoluer ses héros en autonomie au cinéma comme sur Max. Le DC Elseworlds, nom emprunté aux comics qui s’inscrivent en dehors de la “timeline” principale, est présenté comme un endroit de plus grande liberté pour les créatifs qui n’ont pas à soucier de la chronologie de la licence DC. The Penguin évolue donc en promiscuité avec The Batman, sans avoir à se conformer aux plans de Gunn et à la manière dont le personnage pourrait être exploité à l’avenir. Matt Reeves se charge de superviser le développement de la série, il recrute Lauren LeFranc à la création. Colin Farrell revient pour camper le criminel tandis que Cristin Millioti est conviée pour incarner Sofia Falcone.
L’histoire évolue quelques semaines après le final de The Batman. Gotham est encore sous les flots après les explosions provoquées par The Ridler. La pègre, elle, se remet doucement de la mort du plus puissant chef de clan : Carmine Falcone. Oswald Cobblepot, aussi appelé Le Pingouin, voit en cette disparition une opportunité de grimper sur l’échelle sociale. Lorsque sa route croise celle du jeune Victor Aguilar, il le prend sous son aile et lui enseigne les rudiments du crime organisé. Mais le retour de Sofia Falcone, après un séjour à Arkham, complique les choses.
La montée en puissance des marginaux
En 2022, Colin Farrell a surpris par son interprétation du Pingouin. Sous une quantité impressionnante de silicone, l’acteur irlandais donnait vie à un Oswald Cobblepot captivant, petit prince du crime que personne ne prend au sérieux. Clopinant à travers Gotham, pathétique, il était présenté comme un homme de peu de courage, prêt à tout pour tirer avantage de chaque situation qui se présente. La série The Penguin s’empare de cette idée pour la réinventer, pour donner plus de texture à ce gangster. La création d’HBO repose sur un postulat simple : tout le monde, même les spectateurs, sous-estime ce scélérat.
La création de Lauren LeFranc fait le choix éclairé de convoquer d’autres protagonistes à la marge pour accompagner Oswald, des protagonistes qui n’ont d’autre choix que de se tourner vers la criminalité pour survivre. Si Gotham a toujours été montrée comme une ville gangrenée par le crime, c’est depuis les hauteurs des gratte-ciels et aux côtés du Chevalier Noir que les précédentes productions cinématographiques et télévisuelles évoluaient. The Penguin s’affranchit du regard du riche héritier Bruce Wayne pour mettre les mains dans le cambouis et raconter les bas-fonds de la ville fictive aux côtés de ceux qui la sillonnent.
La principale réussite de The Penguin est sans conteste ses personnages, Oswald évidemment, mais aussi et surtout Sofia (Cristin Milioti) et Victor (Rhenzy Feliz). Les deux acteurs tiennent la dragée haute à Colin Farrell. La première s’illustre par une palette de jeu impressionnante, oscillant entre une détermination glaçante et une fragilité déroutante. Le jeune Feliz n’est pas en reste, il fait montre d’un jeu d’une sincérité impressionnant. Quelques cabotinages sont parfois au rendez-vous, notamment lorsqu’il s’agit de marquer l’ascension de Sofia dans le monde du crime, mais force est de constater que les trois acteurs parviennent à se réinventer sans cesse, à donner de nouvelles couleurs à leurs personnages.
Gangsta’s Paradise
Si The Batman était un hommage aux films noirs et aux aptitudes de détectives du Chevalier Noir, The Penguin puise ses inspirations du côté des récits de gangsters comme Les Sopranos ou Scarface. À la manière de ces productions de légende, la série HBO s’attaque au mythe du rêve américain, décortique le crime et ses acteurs.
Avec un habile jeu de parallèles, la narration confronte des personnages tantôt malmenés par le sexisme, la psychophobie ou plus largement l’intolérance pour mieux les réunir comme les emblèmes d’une Amérique qui promet de grandes choses, mais où seuls certains parviennent à se démarquer. Les dés sont pipés, Oswald, Sofia et Victor décident de jouer selon leurs propres règles. La série trouve sa force dans la relation entre les deux protagonistes masculins, que la narration malmène autant qu’elle la choie.
Le tout a beau parfois manquer de subtilité — la série convoque quelques poncifs du genre — The Penguin est tout de même parmi ce que les licences super-héroïques ont fait de mieux sur le petit écran. À certains égards, la dernière née du catalogue Max rappelle les Marvel Defenders développés par Netflix, Daredevil par exemple, le justicier masqué en moins.
On regrette néanmoins que cette ambition narrative ne se traduise que très rarement dans la mise en scène. La série use et abuse des plans caméras à l’épaule pour traduire l’énergie de ses scènes, sans offrir un répit suffisant aux spectateurs pour prendre les apprécier comme il se doit. Même lorsque la narration s’aventure à Arkham, la réalisation reste trop sage et conventionnelle pour véritablement s’illustrer parmi ce que le petit écran fait de mieux. On regrette également que la ville de Gotham ne soit pas toujours immortalisée comme un tel projet le demande, que la série se contente souvent des intérieurs feutrés de la villa Falcone et des clubs lugubres.
Quand la chauve-souris n’est pas là…
Le spin-off est un jeu dangereux. De nombreux studios s’y sont brulés les ailes, multipliant les projets dérivés de licences emblématiques sans parvenir à faire oublier l’absence des protagonistes les plus emblématiques. Le Pingouin est certes l’un des ennemis les plus célèbres du lore de Batman, mais a-t-il vraiment ce qu’il faut pour s’attirer toute la lumière ? Comme Joker avant lui, et même encore plus, Le Pingouin parvient à s’émanciper de l’ombre du justicier. Si elle plane toujours au-dessus de la ville, elle n’empêche pas l’univers de se montrer sous une nouvelle lumière.
Reste qu’à mesure que l’histoire progresse, le spectateur sera laissé dans l’incompréhension. Pourquoi le justicier masqué, réputé pour être le meilleur enquêteur, n’intervient-il jamais ? La narration fait le choix d’embrasser cette absence sans se lancer dans une explication fumeuse, c’est déjà un bon point.
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Je n’ai jamais compris pourquoi on dit “le pingouin” alors que c’est plutôt “le manchot” qui est la véritable traduction. De plus, si on regarde les animaux, le pingouin et le manchot sont bien différents et le personnage de DC Comics ressemble énormément au manchot.