Nouvelle série super-héroïque ? Bien au contraire, The Franchise nous plonge dans le tournage d’une de ses productions qui font déplacer des millions de fans. Fraîchement arrivée sur Max, elle entend taper là où ça fait mal, non sans un brin de compassion pour ces usines à rêves.
Série Marvel-ous ?
Le créateur Jon Brown et son équipe de scénaristes se garderont bien de citer ouvertement le studio derrière Iron Man au sein de The Franchise. La série a l’ambition de disséquer une production de film de super-héros, et plus largement, d’un blockbuster, sans pointer personne du doigt spécifiquement. Néanmoins, il faudrait presque être de mauvaise foi pour ne pas voir que dans les cibles privilégiées, Marvel et DC, l’une enchaîne les projets, toujours à la recherche d’un succès digne d’Avengers : Endgame, et l’autre est encore trop en reconstruction pour faire office de victime amusante.
Peut-être aussi parce que Marvel occupe le paysage médiatique du genre depuis plus longtemps, avec plus de poids, les références à la Maison des Idées ne manquent pas et chacun pourra rattacher les intrigues des épisodes à un événement impliquant cette dernière. Le réalisateur indépendant reconnu qui voit sa vision complètement bridée par les besoins du studio autour de l’univers partagé, l’actrice oscarisée victime malgré elle d’une féminisation forcée, le jeune acteur espérant voir sa carrière décoller avec ce rôle, son camarade dramaturge de renom ne se cachant pas d’être venu toucher un chèque… La liste est longue, depuis Darren Goldstein jouant un proto Kevin Feige, casquette en prime, jusqu’au titre du studio fictif Maximum.
Petit détail qui a son importance, The Franchise est une série HBO pour la plateforme Max, les deux étant des propriétés de Warner Discovery, au même titre que le studio DC. On peut mordre la main qui nous nourrit, mais pas trop quand même.
Un manque d’impartialité qu’il convenait de préciser, sans que cela nuise particulièrement au show. Est-ce que les fans de Marvel se sentiront plus précisément heurtés par les moqueries de The Franchise ? Pourquoi ils le seraient ? Cela fait des années que les médias spécialisés, à l’image de notre rédaction, couvrent l’envers du décor de ces productions et la série ne fait que mettre en images ce que tout à chacun a déjà pu lire, entendre, ou observer en personne, et c’est ce qui la rend aussi amusante. D’autres séries ne se sont d’ailleurs pas privées pour taper sur les supes avant The Franchise, à l’image de The Boys, qui depuis 4 ans, met à mal les justiciers en collants.
Une série Veep fait bien fait ?
Coïncidence, il se trouve que l’auteur de ces lignes a récemment rattrapé l’intégrale de Veep et la série d’Armando Iannucci hante littéralement The Franchise. Pas étonnant, l’homme est à la production et Jon Brown faisait partie de l’aventure. On y retrouve ce ton caustique, cette manière de disséquer un haut lieu de pouvoir (ici une superproduction hollywoodienne) au travers ceux qui tentent de faire marcher la machine, de la fonction la plus importante au simple rouage, avec ce qu’il faut de malchance et d’incompétence. Une filiation évidente et assumée au point où certains personnages semblent avoir simplement franchi la porte séparant les deux plateaux de tournage.
Une galerie de protagonistes composée de la figure centrale, Daniel (Himesh Patel), premier assistant-réalisateur qui se voit seconder par Dag (Lolly Adefope), troisième assistante. Chaque jour, il va devoir régler les problèmes de productions et d’ego entre un réalisateur allemand trop sûr de son talent et sa vision (Daniel Brühl), un acteur en constante insécurité par rapport à la pression du premier rôle (Billy Magnussen), l’antagoniste (peut-être) du film joué par un comédien d’expérience qui n’a aucune envie d’être là (Richard E. Grant), le porte-voix du studio autoritaire et grande gueule (Darren Goldstein) et une nouvelle productrice débarquée, qui se trouve avoir eu une histoire avec Daniel (Aya Cash).
À chaque épisode son problème et la série nous amuse très souvent par son cynisme, son rappel à des faits réels et ses personnages caricaturaux. On enchaîne les huit épisodes de 30 minutes avec une grande facilité et un certain plaisir malsain de savoir ce qu’il pourrait bien encore foirer par la suite. À l’image de Sam Mendes à la réalisation du pilote qui, en un superbe plan-séquence, parvient à nous décrire toute la difficulté du travail de Daniel, il y a derrière The Franchise une équipe expérimentée qui sait maîtriser le rythme, le ton et l’humour. C’est une pause récréative qui divertit en tapant là où ça fait mal autour de références que tout le monde aura.
Une vision sur le long terme ?
Cependant, cet esprit Veep qui fait sa force est également sa principale limite. À l’image d’un décor claustrophobique où rien n’existe au-delà des murs du plateau de tournage, The Franchise apparaît rapidement avoir fait le tour de son sujet et peine à trouver une vraie existence au-delà de la moquerie.
Cela se ressent notamment dans la gestion de ses personnages, où aucun ne semble pouvoir dépasser son propre stéréotype et n’aura aucune existence une fois sa scène passée. Dans Veep, on sait ce que chacun veut, où il tend aller, son évolution possible. Ici, les interactions sont systématiquement raccourcies par l’urgence du calendrier de tournage, de sorte que certaines sous-intrigues sont bazardées, à l’image de la relation passée entre Daniel et Anita. Mention spéciale à Dag dont on ne comprendra jamais vraiment le rôle ni son intérêt sur le plateau.
Un manque de maîtrise et d’équilibre qui s’explique par un souci de raconter plutôt que de se raconter et on arrive à la conclusion avec cette sensation d’avoir passé un bon moment, s’en avoir une envie de suite, alors que le show semble nous le promettre. Simplement parce que la satire est désormais devenue banale avec des séries comme The Boys et même Marvel a su se moquer de lui-même avec des sorties comme Deadpool & Wolverine ou She-Hulk. Des exemples, que chacun jugera ratés ou réussis, mais qui avaient l’avantage de ne pas s’arrêter à la moquerie. En n’étant QUE ça, The Franchise ne paraît pas avoir la capacité d’en devenir une.
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Moralité, il fallait faire l’inverse : montrer les bons côtés, arriver à bien expliquer pourquoi c’est bien et pourquoi de temps en temps ça échoue… prouver qu’il y a de l’humanité et pas du cynisme (ce sont des pros quand-même), déjouer le snobisme des critiques.
Et ne pas oublier de remettre ça dans le contexte… ce sont Tous les blockbusters qui sont concernés, pas juste ceux avec des protecteurs surhumains.