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Critique The Electric State : Netflix et les pères d’Avengers Endgame viennent de terminer le cinéma

Il est presque ironique de voir que les responsables d’un des plus gros succès du cinéma avec Avengers : Endgame soient également à l’origine de l’extinction de ce dernier. Avec The Electric State, les frères Russo et Netflix ont mis le dernier clou sur le cercueil.

The Electric State a bénéficié d’un budget estimé à 320 millions de dollars. Une somme astronomique qui en fait l’une des productions les plus chères de l’histoire, plate-forme de streaming et salles obscures confondues. C’est 4 millions de plus qu‘Avengers : Infinity War, 20 millions de + que Pirates des Caraïbes : jusqu’au bout du monde, 83 millions de plus qu’Avatar ou encore 95 millions de plus que Le Hobbit : la désolation de Smaug. On peut taper sur The Gray Man, Red Notice ou Green Lantern autant qu’on veut, ces derniers n’ont coûté « que » 200 millions.

Le service de SVoD nous a habitués, depuis un moment, à nous proposer davantage des blockbusters de catalogue, dont la nécessité de respecter un cahier des charges a supplanté la créativité. C’est ainsi qu’on a droit, chaque année, à une légion de contenus de catégorie « regardable puis oubliable ». The Electric State étant la production originale la plus coûteuse pour de Netflix, on pouvait espérer sortir de ce cercle vicieux et avoir un film à l’ambition de ses moyens. C’est beau de rêver.

Dans une réalité alternative, les années 90 ont été le théâtre d’une guerre entre robots mascottes et humains. Un traité de paix a conduit les premiers a été confinés dans une zone d’exclusion impénétrable. Quelque temps plus tard, le monde est sous l’emprise de Sentre, une entreprise dirigée par Ethan Skate, un génie visionnaire qui a trouvé le moyen de connecter la conscience humaine à des drones. Orpheline suite à la mort de ses parents , Michelle voit débarquer un petit robot cachant la conscience de son frère. Ensemble, ils vont partir à la recherche du corps de ce dernier et trouver des alliés improbables en chemin.

The Electric State (2)
© Netflix

Un budget ambitieux pour un film ambitieux ? Les premiers retours américains, plutôt bienveillants en règle générale, semblaient avoir statué sur l’objet avec 10% d’avis positifs sur Rotten Tomatoes (19% à l’heure actuelle). On a donc enfilé les gants de boxe et entamé le visionnage avec l’idée qu’on allait devoir affronter un ennemi de la même trempe que Le Jardinier ou In The Lost Lands – vous l’aurez compris, c’est votre serviteur qui se retrouve toujours en première ligne, alors que ce n’était pas sa guerre. Ramène-toi le mauvais goût, on va valser au son de The Clash at Demonhead.

La belle mécanique de The Electric State

The Electric State est-il le pire film proposé en 2025 par Netflix ? Non et ce, pour deux raisons. La première, c’est que l’année est encore longue et on sait que le service de streaming peut encore nous étonner à ce niveau. Ce qui marche aussi dans l’autre sens par ailleurs, puisque Adolescence est sans doute l’une des meilleures séries de la plate-forme. La seconde, c’est qu’il serait malhonnête de ne pas voir l’argent investi à l’écran.

Visuellement, cette adaptation du roman de Simon Stålenhag est impressionnante, du moins au niveau de sa partie la plus robotique. Animatroniques et effets numériques se confondent avec les acteurs, de sorte que l’on puisse réellement croire en leurs interactions. Le film mélange à la fois le charme du rétro et du moderne avec ce qu’il faut de rouille et d’os pour lui donner une ambiance propre. C’est parfois bluffant et on se dit que le spectacle aurait mérité un grand écran par moment, rien que pour rendre hommage au travail de l’équipe en charge des effets spéciaux.

The Electric State (1)
© Netflix

Bien que le décorum soit particulièrement pauvre, le film se divisant en 3-4 décors principaux, beaucoup de soin a été apporté du côté des machines avec des androïdes originaux et variés. D’autant que leur statut, pour la grande majorité, de mascottes, leur donnent ce petit côté unique, loin des productions de science-fiction qui ont tendance à construire les leurs à la chaîne. Cela leur permet d’obtenir ce petit surplus de personnalité à laquelle on s’attache. Et puis on ne va pas se mentir, que ce soit des robots à l’image du capitalisme qui se révoltent pour leur liberté, l’ironie est plaisante.

Rien dans la carrosserie

Pourquoi les camarades ricains ont donc autant descendu le long-métrage des Russo ? Peut-être parce qu’avec 320 millions de dollars en poche, les frangins bientôt à la barre d’Avengers : Doomsday et Avengers : Secret Wars ont délibérément mis à mort l’industrie du grand spectacle. The Electric State est une belle coquille, néanmoins complètement vide une fois à l’intérieur.

Le scénario, signé par Christopher Markus et Stephen McFeely, les hommes de mains des Russo, est un énième exemple de pilotage automatique où des personnages sans personnalité vont aller d’un point A à un point B en cochant tous les passages obligés. Des acteurs connus à l’écran et au doublage – Chris Pratt, Stanley Tucci, Giancarlo Esposito (qui doit avoir validé ses heures d’intermittent du spectacle en apparaissant dans une production sur trois), Anthony Mackie, Alan Tudyk, Ke Huy Quan ou encore Woody Harrelson – pour des rôles qui n’ont aucune épaisseur. Quant à Millie Bobby Brown, elle a épousé le statut de machine programmée par Netflix et chacun de ses personnages portera désormais le nom d’« héroine interchangeable numéro 123 ».

The Electric State (3)
© Netflix

Aucune tension, aucun rebondissement imprévisible, aucun sens du spectacle (un comble) et toutes les idées narratives lancées ici et là retombent sans que quelqu’un ne veuille les rattraper. L’important est d’avancer, pas de réfléchir. La performance technique vacille face à la vacuité du reste et on reste là, à contempler le néant habillé sur son 31.

Ce n’est pas la première production à mettre en avant ce genre de défaillance. Toutefois, elle cristallise tout ce que l’on peut reprocher à une certaine vision moderne du blockbuster. Celui qui va se contenter de joliment emballé un récit sans aspiration ni inspiration, préférant vanter son budget et son casting, alors que c’est justement ce budget et ce casting qui lui permettait d’aller chercher bien mieux. Le film n’est pas plus ambitieux, n’est pas plus créatif qu’une multitude de ses prédécesseurs. C’est un objet beau sans aucune âme et son probable succès sur la plate-forme risque de lui donner raison. Une production qui gueule ouvertement qu’elle n’est pas du cinéma. The Electric State pouvait être grand et il se contente, volontairement – et c’est ça qui fait le plus mal – de n’être qu’un film de catalogue conçu pour plaire à la foule du Colisée. « Ne vous êtes vous pas assez divertis ? ».

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Notre avis

Pour paraphraser le méchant de l'histoire, The Electric State est « une poubelle en feu flottant au-dessus d'un océan de pisse ». C'est un long-métrage qui a les armes financières et techniques pour briller ; et il démontre qu'il pourrait être capable de briller s'il le souhaitait. Mais il ne le veut pas. Il veut engranger les visionnages, occuper l'espace du « divertissement sans prise de tête » et peut-être produire une suite. The Electric State n'est pas un film, c'est une machine, et une machine qui nous fait un immense doigt d'honneur.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 3 / 10

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