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Critique The Crow 2024 : l’amour est éternel, le film moins

Puisque personne n’avait demandé une nouvelle adaptation de The Crow, le comics de James O’Barr qui a donné lieu à une œuvre solidement ancrée dans la pop culture, c’est évidemment ce qu’Hollywood nous a prévu. Il fallait oser.

Au commencement, The Crow était un comics de James O’Barr sublimé par Alex Proyas en 1994 dans un film qui resta dans les mémoires autant par ses qualités intrinsèques que par la mort de sa star principale lors d’un accident de tournage, Brandon Lee (fils de Bruce). Mais le corbac ne s’arrêta pas là dans les années 90 et on a eu droit à un second volet en 1996 avec Vincent Pérez (!) et une série d’une saison avec Mark Dacascos (plutôt solide).

Puis vinrent les années 2000 et la franchise pas avare en surprise a décidé de lâcher les chevaux du n’importe quoi directement pour le marché vidéo. On a ainsi eu un troisième opus, Salvation, avec Kirsten Dunst (!) et l’ultime clou fut posé par « Wicked Prayer » en  2005 avec un trio composé d’Edward Furlong, Tara Reid et David Boreanaz ( !, ! et !). Notons que, si chacun de ces films a eu le mérite de nous proposer de nouveaux personnages et donc de ne pas salir la mémoire d’Eric Draven (sauf toi Mark, toi on t’aime), il était grand temps que l’amour éternel rende l’âme.

Pourtant, cela fait plusieurs années qu’un reboot de The Crow se prépare au milieu d’un gros tas de complications. Depuis bientôt dix ans, Hollywood tente de ressusciter la franchise au grès des arrivés et des départs et, pendant un temps, Jason Momoa tenait fermement le premier rôle avant de lâcher l’affaire lui-aussi. Tout cela pour dire que le film qui se dévoile sous nos yeux en 2024 a connu autant de morts et de résurrections que son personnage principal et qu’aucun des membres de l’équipe actuelle n’est à l’origine du projet. Ce détail aura son importance pour la suite.

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© Metropolitan

Pour l’histoire, rien de nouveau sous le soleil. Eric Draven (Bill Skarsgård) est un Dark Sasuke qui croise un jour le chemin de Shelly (FKA Twigs). On est sur un coup de foudre puissance Dieu du Tonnerre et nos deux âmes tourmentées se jurent rapidement un amour éternel sans divorce. Mais Shelly a un passif avec un homme dangereux incarné par Danny Huston qui décide d’éliminer le couple. Sauf qu’une puissance supérieure entend faire revenir Eric d’entre les morts afin d’accomplir sa vengeance au nom de l’amour.

Corbeau déplumé ?

Sur le papier, rien ne nous donnait particulièrement envie de croire en ce projet. Un nouveau récit au sein de l’univers peut se comprendre, mais un reboot est un pari plus que risqué tant Alex Proyas avait non seulement signée une magnifique œuvre gothique, poétique et mystique, mais le décès de Brandon Lee rendait l’ensemble malheureusement encore plus mémorable. C’est la conjugaison des deux qui habite le film de 1994 d’une aura indépassable. Une tentative de reproduction ne peut être que vouer à l’échec, quand bien même la version 2024 serait réussie dans les grandes lignes.

Et puis il y a eu les visuels, les bandes-annonces beaucoup trop généreuses – signe, en général, du manque de confiance de la production dans le projet -, et des premiers retours américains plus que cruels, là où ils ont davantage tendance du contraire en règle générale. Bref, on avait du mal à y croire au début et plus le film faisait parler de lui, plus nous envisagions fortement la catastrophe industrielle de l’année.

Heureusement pour lui, Borderlands semble avoir pris une belle option quant à ce dernier titre et toute cette mauvaise pub semble lui avoir été bénéfique puisque, face au résultat, il faut bien admettre que le pire a été évité. Entendons-nous bien, The Crow 2024 n’est pas une réussite et nous allons en détailler les raisons, mais il ne mérite pas l’insulte gratuite.

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© Metropolitan

Simplement parce que si on arrive à omettre le bébé de Proyas, cette version de Rupert Sanders (Blanche-Neige et le chasseur, Ghost in the Shell) peut satisfaire un public en quête d’une petite histoire d’amour qui tourne au fantastique puis au bain de sang estival. Bien qu’il semble avoir en tête un autre tournage à de nombreuses reprises, Bill Skarsgård fait ce qu’on attend de lui avec professionnalisme et juste ce qu’il faut pour nous faire croire que son couple avec FKA Twigs survivra à la drogue et à la mode émo.

Le réalisateur, habitué des films commandés par les studios, s’applique à emballer l’ensemble sans en faire des tonnes avec la même consigne que le personnage de Romain Duris dans la comédie Coupez ! : simple, pas cher et dans la moyenne. Si on omet ce choix désastreux de lentille qui n’aime pas la netteté du contour. Sanders est même pris en flagrant délit de trouver un peu de plaisir dans le projet lorsqu’il se lance dans le pugilat gore, seul moment où on sent que le film s’emballe vraiment. Bref, on voit bien qu’aucun sur le tournage n’a la prétention de rien, si ce n’est de fournir un produit qui se regarde et, paradoxalement, cette absence d’ambition lui sauve les fesses. On ne peut pas reprocher à un film de rater alors qu’il ne cherche pas à réussir.

Un film dépourvu de Crow

Une absence de volonté qui se ressent tout du long tant The Crow transpire l’envie de rien si ce n’est de clôturer définitivement un projet de longue date. Loin de la dimension onirique de son modèle, le long-métrage se perd dans la surexposition de chacun de ses éléments ; une caméra qui s’attarde volontairement sur un futur choix vestimentaire pour accentuer le clin d’oeil, la réutilisation d’un plan plusieurs fois pour forcer le sentiment, les explications de texte par un Sami Bouajila prêt à se lancer dans un revenge movie avec Liam Neeson.

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© Metropolitan

Parce qu’il aurait fallu faire un effort de narration et de mise en scène, la subtilité est abandonnée minute une, lui préférant le didactique lourdaud pour enfant de cinq ans. Pas besoin de faire un effort de compréhension ou d’intelligence, le film entend nous prendre par la main du début à la fin jusque dans son découpage chronologique bête et méchant. Un objet sans saveur ni odeur qui lutte pour tenir ses 100 minutes au point d’en attendre presque la moitié pour lancer réellement son événement fondateur et qui laisse au générique de fin le soin de régler les rares inconnues qui restent, telle l’identité d’un certain personnage.

Lorsque le personnage de Shelly demande à Eric ce qu’il l’a séduit chez elle, il lui répond une aura puissante comme il n’en avait jamais vu. Soit tout ce que ce reboot de The Crow ne possède pas, énième coquille vide d’une industrie qui ne cesse de vouloir essorer un filon déjà enterré et déterré six ou sept fois. Sous la plume d’Edgar Allan Poe, le corbeau répétait « jamais plus ». On aimerait que ce corbeau fasse de même.

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Notre avis

The Crow 2024 ne peut pas être une insulte au film de 1994 car cela lui demanderait une énergie qu'il ne fait pas semblant d'avoir. C'est le résultat d'un projet de longue date qui n'aura eu de cesse de supplier pour qu'on l'achève et qui trouve en sa sortie enfin le chemin du sommeil éternel. Pourquoi on tirerait sur l'ambulance alors que le corps se trouve déjà à la morgue ? The Crow 2024 n'est pas une catastrophe, il n'est juste pas. Repose en paix, petit ange parti trop tard.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 3 / 10
2 commentaires
  1. je comprend pas ce que vous avez sur bordeland..

    Perso je l’ai bien apprécié, j’ai passé un bon moment en le regardant..

Les commentaires sont fermés.

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