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Critique The Amateur : tout est dans le titre

Rami Malek et Laurence Fishburne dans un thriller d’espionnage aux vingt-huit coins du monde ? The Amateur avait les armes pour nous séduire et on espérait qu’il le fasse. Mais bon, on espérait aussi gagner au loto alors…

Il n’est pas rare d’entendre que le cinéma est devenu un loisir onéreux et au public de choisir les films capables de les faire vibrer dans une salle obscure. Blockbuster ou non, il est important que le spectateur en ait pour son argent, surtout avec la concurrence rude des plates-formes de streaming. Dans l’idéal du moins. Car en réalité, on ne compte plus les productions qui cherchent simplement à glisser directement la main dans votre portefeuille, peu importe la qualité du dit produit. Minecraft, si tu nous lis.

Ceci pour dire qu’il y a parfois également des longs-métrages qu’on aurait davantage vu faire son trou au sein d’un catalogue de plate-forme, plutôt que de se risquer au pari risqué du grand écran, où le retour sur investissement est bien plus difficile. On ne saurait miser sur la réussite ou non de The Amateur au box-office, et on vous conseillera toujours de laisser sa chance à un film au cinéma (sauf In The Lost Lands), mais à l’arrivée du générique de fin, la question est inévitable : a-t-il réellement une chance de briller dans une salle obscure ?

The Amateur (1)
© 20th Century Fox

Charlie Heller (Rami Malek) est un cryptographe de la CIA coincé au cinquième sous-sol de Langley, loin du théâtre des opérations. Introverti, il mène une existence tranquille avec sa femme (Rachel Brosnahan, future Lois Lane) jusqu’au jour où cette dernière est la victime collatérale d’un attentat à Londres. Face à une hiérarchie qui refuse d’agir, Heller va se servir de son intelligence pour retrouver la trace des coupables. Malgré une maigre formation de terrain, il va aller contre ses supérieurs et entamer lui-même sa quête de vengeance dans toute l’Europe.

Le deuil dans la peau

The Amateur s’apprécie pour son approche moins conventionnelle du cinéma d’action. On peut dire que tout est dans le titre. Charlie Heller est la personnification du monsieur Toutlemonde qui voit peu la lumière du jour, quotidiennement coincé derrière son écran. Pour le coup, le choix de Rami Malek est une évidence tant l’acteur n’a rien d’imposant et fait davantage figure d’anti-héros, voire de méchant comme dans le dernier James Bond. Sur le papier, sa mission n’a aucune chance de succès. Il suffit de deux scènes en compagnie de Jon Bernthal, comédien habitué à l’adrénaline jouant ici un agent de terrain, pour marquer la différence majeure de confiance et de physique qui les sépare.

Porté par ce protagoniste atypique, le film ne va pas cumuler les poncifs du genre où un Jason Statham viendrait empiler les figurants comme au Mikado. Heller est un cérébral et sa mission est surtout une manière d’affronter son deuil et de se réaffirmer, d’exister à nouveau sans sa moitié. The Amateur ne veut pas enchaîner les séquences folles, mais pousser à la réflexion tout en se servant des codes propres au cinéma d’action. Fusillades, courses-poursuites, explosions, combats… le répertoire est bien là, entre les mains d’un homme qui ne sait comment agir et réagir. L’intérêt de The Amateur n’est pas son côté musclé, il est dans sa partie humaine.

Un grand écran un peu trop grand

Les exemples ne manquent pas de séries qui veulent aujourd’hui jouer sur le terrain du cinéma avec des épisodes se présentant souvent comme des mini-films. Là où la frontière entre les deux formats était marquée à une époque, les productions télévisuelles ont eu tendance à venir emprunter aux longs formats, au point d’avoir simplement l’impression d’un film découpé en plusieurs morceaux. L’échec de The Amateur est d’être l’exact opposé. On est face à une œuvre cinématographique semblant nous hurler son désir d’être remontée en six ou huit épisodes d’une heure.

The Amateur (2)
© 20th Century Fox

La direction artistique transpire l’envie de l’autre format avec des séquences visiblement conçues pour durer plus longtemps, mais rattrapées par la nécessité d’avancer dans le récit. Toute l’histoire paraît vouloir dépasser du cadre avec des scènes appelant à une exploration plus longue autour des personnages. Une veuve désireuse de ressentir à nouveau de la chaleur humaine, une directrice peinant à contrôler son agence, les exemples ne manquent pas entre les paroles non dites et les images non montrées, comme interrompues. The Amateur est une accumulation d’ébauches au sein d’une réalisation sans grande ambition.

Cela donne une impression de générosité narrative entravée par de multiples raccourcis scénaristiques, comme une formation expédiée en un clin d’œil, un plan élaboré dont on détecte à peine l’élaboration, des personnages qui se téléportent et Jon Bernthal qui n’a guère eu besoin de plus d’une journée de tournage pour ses scènes. La dernière demi-heure débute et on a la sensation de n’être qu’au début de l’histoire. La résolution arrive comme un cheveu sur la soupe, car elle ne paraît pas évidente à ce moment de l’intrigue, mais simplement nécessaire. Il fallait une chute à la fin de la blague.

The Amateur est la réponse donnée à toutes celles et ceux qui se demanderaient pourquoi Mr Robot a duré 45 épisodes, The Night Agent 10 épisodes (pour la saison 1) ou encore les 10 épisodes de The Day of the Jackal. On ne saurait juste pas dire qui est le plus frustré de la situation entre le spectateur, le réalisateur James Hawes, les scénaristes Ken Nolan et Gary Spinelli, ou le monteur Jonathan Amos.

Thriller amateur

D’autant que si nous félicitions le film, inspiré par le roman de Robert Littel, de vouloir redéfinir la figure du héros du long-métrage d’espionnage, il ne faudrait pas occulter la construction globale du récit. Si, niveau action, on esquive les stéréotypes, en ce qui concerne le thriller, on est en plein dedans, les deux pieds en avant. Aucun élément de l’intrigue ne va venir bouleverser notre conception du genre avec les passages obligés classico-classiques. Un phénomène pardonnable dès lors qu’on sait aussi que le thriller a tendance à rattraper cette faille par son ambiance et la construction des personnages. Sauf que concernant ces derniers, c’est justement le problème mis en avant un peu plus haut. The Amateur partait avec les meilleures intentions du monde, et puis il y a eu l’exécution… Quand on vous disait que tout était dans le titre.

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Notre avis

Avec son héros atypique, The Amateur voulait se démarquer de la concurrence. Sans doute aurait-il eu plus de latitude pour réaliser son souhait sur une plate-forme de streaming avec six épisodes de quarante minutes. Cela lui aurait évité de sacrifier chaque bonne idée sur l'autel de la précipitation, accouchant ainsi d'un film basique, convenu, et un peu amateur.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 4 / 10

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