Passer au contenu

Critique Suzume : entre émotion et manque d’inspiration

Avec son second long-métrage depuis Your Name, Makoto Shinkai vise juste mais épuise sa formule magique. Critique.

L’animation japonaise ne manque pas de conquérir les spectateurs français. L’Hexagone trône fièrement comme l’un des plus grands consommateurs de manga et de japanimation au monde. Sans surprise, l’exportation de ce genre de production est donc toujours plus fréquente. Presque chaque année maintenant, un film d’animation majeur venu tout droit de l’archipel nippon fait son entrée dans nos salles de cinéma.

Alors que seul le studio Ghibli arrivait à se frayer un chemin dans nos vertes contrées il y a encore de cela quelques années, d’autres réalisateurs arrivent à s’imposer dans nos cœurs. Après Les Enfants Loups et Le Garçon et La Bête de Mamoru Hosoda, l’année 2016 marque le carton plein de Makoto Shinkai et son long-métrage Your Name. Avec des images bluffantes et un scénario plein d’émotions, ce film révèle Shinkai aux yeux du monde.

Depuis, les nouveaux projets du cinéaste sont suivis de près par les fans du genre. En 2019, Les Enfants du Temps marchait sur les traces de son aîné, peut-être d’un peu trop près. Un environnement et une trame narrative trop similaires n’ont pu surprendre les spectateurs. Ce 12 avril 2023, Shinkai reprend du service avec Suzume, une œuvre forte et touchante qui souffre encore légèrement du syndrome Your Name.

Entre fiction et réalité

Une fois n’est pas coutume, Makoto Shinkai nous propose de plonger dans un récit surnaturel offrant une belle réflexion sur le charme de la nature et de la vie. Suzume habite à la campagne dans la région de Kyushu. La jeune fille suit son quotidien de lycéenne banale, jusqu’au jour où une rencontre fortuite l’embarque dans une aventure inattendue.

Ce genre de scénario est un grand classique des animes et autres productions japonaises, si bien que l’on pourrait presque s’en lasser. Pourtant, puisque ces prémices servent uniquement à lancer le beau voyage qui attend Suzume et les spectateurs, on oublie rapidement ces bases un peu trop simples en nous perdant dans le mystère de l’histoire.

Crédits : CoMix Wave Films

Sur le chemin du lycée, l’adolescente rencontre Sota, un jeune homme énigmatique souhaitant trouver une porte abandonnée. Interpelée par cette étrange requête, Suzume va fouiner où elle n’aurait pas dû et se retrouve emportée dans une sacrée affaire. Sota est un “fermeur de portes” chargé de clôturer des passages vers un autre monde répandus dans tout le Japon. Derrière ces portes, une créature mystique cherche à s’échapper pour semer le chaos dans notre dimension.

Makoto Shinkai n’hésite pas à puiser dans l’Histoire de son pays pour faire de cette aventure un récit encore plus fort. Pour les besoins scénaristiques du long-métrage, tout ce que l’on sait sur les tremblements de terre qui frappent régulièrement l’archipel est mis de côté. La créature que la famille de Sota tente de retenir en est la source, une véritable cause dont seuls quelques élus ont le savoir. Cette interprétation sert de théâtre à un récit frappant, mais presque redondant après deux longs-métrages aux thématiques similaires.

Un seul tour dans son sac

La touche habituelle du réalisateur reste inchangée : des catastrophes (sur)naturelles menacent l’archipel et la routine de quelques jeunes qui n’ont rien demandé. Si cette formule s’est déjà montrée efficace, elle commence désormais à s’essouffler. Des paysages en passant par les thématiques abordées et même les dynamiques entre personnages, les similitudes sont parfois frappantes et peuvent déranger les spectateurs ayant suivi de près la filmographie du réalisateur.

On ressentirait parfois presque un sentiment de “Your Name 3”. Pourtant, les histoires que nous offre Makoto Shinkai sont toujours brillantes et pleines d’un spiritualisme et d’une beauté que l’on retrouve que trop rarement au cinéma. Alors, est-ce un réel défaut que d’observer le réalisateur sur les mêmes sentiers battus ou bien est-ce en réalité sa marque de fabrique ?

Crédits : CoMix Wave Films

Il y a sans doute un peu des deux dans tout cela. Dans chaque œuvre que nous propose le cinéaste, il est possible de ressentir son amour pour les paysages de son pays ainsi que sa vaste imagination à la fois féérique et tragique. Malheureusement, cette vision artistique du monde se répercute parfois trop fortement sur ces projets qui commencent tous à se ressembler.

Néanmoins, Suzume a le mérite de prendre plus de risque en jouant à la fois dans le sensationnalisme et dans l’absurde. Plutôt que d’intégrer des bribes de surnaturel dans le quotidien des protagonistes, ce long-métrage n’hésite pas à jouer cette carte comme un as. On y découvre alors une chaise vivante, une divinité chat et les forces obscures d’un monde parallèle aussi magnifique que terrifiant. Ce mélange incongru résulte en une aventure loufoque qui gagne également en valeur grâce à un parcours réfléchi à travers le Japon.

Une carte postale vivante

Une fois encore, c’est une véritable claque visuelle qui attend les spectateurs de cette belle histoire. En s’alliant de nouveau au directeur artistique de Your Name Takumi Tanji, Suzume profite d’une qualité d’image relevant presque de la magie. Le talent des équipes en charge du design et de l’animation semble ne connaître aucune limite tant chaque scène qui s’offre à nos yeux paraît irréprochable.

Crédits : CoMix Wave Films

Les paysages sont tous aussi immersifs les uns que les autres, qu’il s’agisse de régions urbaines ou rurales. Le niveau d’attention apporté à ces environnements est inégalé, si bien que le style visuel s’apparente presque à du photoréalisme. Il en va de même pour les différents intérieurs que l’on visite aux côtés des protagonistes. Les appartements, boutiques et autres restaurants regorgent de détails permettant d’insuffler de la vie à ces images en deux dimensions.

Rien n’est laissé au hasard et les efforts sont flagrants pour les environnements comme pour les êtres et objets qui les composent. Les musiques sont presque d’ordre onirique et contribuent elles aussi à l’ambiance du film. Les aficionados seront heureux de retrouver des compositions du groupe RADWIMPS ayant déjà collaboré avec le réalisateur pour ses deux précédents projets. Plus qu’être un gage de qualité, la direction artistique du long-métrage et le choix des zones explorées jouent un rôle capital pour le scénario.

Crédits : CoMix Wave Films

La thématique des catastrophes naturelles entre en conflit avec la beauté des images afin de créer une dualité mélancolique qui est le cœur même du propos et de la protagoniste. Ce voyage à travers le Japon aux côtés de Sota et Suzume est pour le moins mémorable. Si certains aspects du récit sont pensés pour marquer les spectateurs de l’archipel, personne ne pourra rester insensible à cette histoire centrée sur des désastres bien réels.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Notre avis

Sans être un chef-d'œuvre inégalé, Suzume est une belle surprise qu'il serait dommage de rater. Makoto Shinkai est un expert de la corde sensible et propose un voyage onirique doublé d'un beau récit de passage à l'âge adulte qui nous touche en plein cœur.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 7 / 10
1 commentaire
  1. Critique intéressante et assez juste, il existe effectivement une redondance dans les thématiques abordées par makato shinkai. Néanmoins, j’estime qu’il y a un paradoxe plus prononcé qu’à l’habitude, notamment sur le personnage de suzume. En effet, il y a toujours un duo qui fait avancer le récit mais pour celui ci shouta reste secondaire ainsi que les autres personnages. Là, où ça fonctionne c’est l’identification dans le personnage principal qu’est suzume. Elle existe dans et en dehors du récit. Ce film est très touchant puisqu’il n’est avant tout que symbolique. Il faut, malgré le déchaînement de mère nature, retrouver notre propre enfant qu’on a abandonné suite à un évènement,choc émotionnel ou autres. Il s’agit de faire la paix avec soi pour pouvoir avancer et laisser partir l’enfant que l’on a été.
    Quant au reste, c’est d’une beauté, c’est fun, un peu nias dès fois, une belle carte postale comme à son habitude ( j’ai reconnu pleins d’endroits que j’ai eu la chance de parcourir)
    Ce n’est pas your name 3 , il n’y a qu’un your name et c’est très bien ainsi et il n’y a qu’un suzume ( je suis plus mesuré sur les enfants du temps).
    En tout cas, je le répète un avis intéressant

Les commentaires sont fermés.

Mode