Nous sommes en 2019, SEGA et Paramount dévoilent la bande-annonce de leur film live-action inspiré de la franchise Sonic et là : c’est la catastrophe. Le design cauchemardesque du hérisson bleu casse internet et signe l’arrêt de mort du projet avant même sa diffusion en salle. À cette époque, personne n’aurait pu imaginer que Sonic allait finir par porter sa propre saga cinématographique quelques années plus tard. Mais finalement, c’est en apprenant de leurs erreurs et en écoutant les fans que les deux géants du divertissement sont parvenus à renverser la tendance.
SEGA et Paramount ont prouvé leur bonne volonté en retravaillant le film dans son intégralité. Cet effort colossal a même eu l’effet d’un véritable déclic à Hollywood. Les studios ont rapidement compris que le fan service était l’élément manquant pour réussir ce genre d’adaptation. Mario, The Last of Us, Fallout et d’autres projets ont appliqué la même recette avec succès, mais Sonic a encore une longueur d’avance. Après deux longs-métrages et une série spin-off, l’univers cinématographique du hérisson a le vent en poupe mais peine encore à faire l’unanimité. C’est ainsi que débarque Sonic 3 le film, qui fait le pari de mettre tout le monde d’accord en repoussant toutes les limites. En cherchant à plaire à tout prix, SEGA et Paramount se lancent sur un terrain dangereux mais parviennent contre toute attente à maintenir un fragile équilibre.
La magie de Sonic Adventure 2 fait mouche
Du logo à son scénario introduisant Shadow, Sonic 3 le film assume pleinement ses rapprochements avec Sonic Adventure 2 depuis ses premiers extraits. Ce jeu sorti pour la première fois sur Dreamcast en 2001 est aujourd’hui encore considéré l’apogée des Sonic en 3D. En misant sur un tel mastodonte de la franchise vidéoludique, le nouveau long-métrage n’a pas tardé à attiser la curiosité des joueurs. Mais c’est à double tranchant. Sonic Adventure 2 est un monument qu’il ne faudrait pas profaner. SEGA aurait pu tomber dans le piège du torrent de référence et de fan service, une approche reprochée à Super Mario Bros le film par de nombreux spectateurs.
Mais ici, force est de constater que la recette est maîtrisée. Comme sur les réseaux sociaux, il faut savoir user des bons artifices pour s’offrir l’attention des spectateurs. Sonic 3 place donc l’essentiel de ses références au cours des 30 premières minutes pour un effet galvanisant. Le rythme est captivant, amusant et permet de rappeler les éléments clés qui inspirent cette nouvelle histoire. Par la suite, les références sont plutôt sporadiques et intégrées plus naturellement. Cela permet donc au film de construire sa propre identité afin de plaire aux novices, tout en gardant des bases familières et respectées pour les fans de la première heure. Le facteur nostalgique de Sonic Adventure 2 et Shadow the Hedgehog est parfaitement équilibré. Les joueurs retrouveront tout ce qu’ils voulaient voir, sans avoir l’impression de crouler sous les easter-eggs.
Sonic réussit là où Marvel échoue
Depuis le premier film, l’univers cinématographique du hérisson puise dans les codes des grands blockbusters. Alors forcément, le rapprochement avec Marvel est évident. Sonic partage d’ailleurs l’un de ses plus grands défauts avec les dernières productions de la Maison des Idées : la dissonance entre sérieux et humour. À vouloir répéter le succès de films comme Les Gardiens de la Galaxie et Ant-Man, où un ton plus léger à su faire ses preuves, Marvel a fini par tomber dans la parodie involontaire avec des productions catastrophiques telles que Thor : Love and Thunder. Les deux premiers films Sonic ont souffert d’un syndrome similaire. Le scénario n’a jamais été sérieux, mais le comique n’était pas non plus suffisamment assumé pour justifier le manque d’intérêt porté à l’écriture. On se retrouve alors avec une aventure passable et des blagues à la frontière du malaise.
Plutôt que de se reposer sur cette recette qui n’a fonctionné qu’à moitié, Sonic 3 le film décide de prendre des risques et d’y aller à fond. Qui aurait cru que le meilleur moyen de faire coexister des instants solennels et loufoques résidait dans une surenchère des deux côtés ? Grâce à l’introduction du personnage Shadow et de son passé torturé, SEGA et Paramount ont l’opportunité de raconter une histoire poignante et ne se retiennent pas. Mais pour contraster avec cet aspect plus sombre, Sonic, Tails Knuckles et Eggman sont plus tordants que jamais. Cette fois-ci, l’humour nanardesque est pleinement assumé et n’hésite pas à plonger dans un genre absurde habituellement propre aux memes d’internet. Sans jamais tomber dans un comique bête façon Skibidi Toilet, Sonic 3 le film arrive à nous faire rire à pleins poumons sans générer de malaise. Pour qu’une blague soit efficace, il faut d’abord y croire. Et malgré ces nombreux instants décalés, le triste parcours de Shadow ne perds pas une miette de son intensité. Comme quoi, la recette décriée des Marvel les plus récents peut fonctionner si on s’y lance sans demi-mesure.
Il reste une part d’ombre…
… Mais on ne parle pas de Shadow. Si Sonic 3 le film ressort comme un divertissement bougrement efficace, tout est loin d’être parfait dans cette production. Tout d’abord, parlons VF. Nous avons la chance de vivre dans un pays où l’industrie culturelle abrite des comédiens de doublages légendaires, et c’est justement cet atout qui finit par peser sur le film. Pour répondre au casting cinq étoiles de la VO, Paramount France a mis les bouchées doubles. Marie-Eugénie Maréchal a repris son rôle de Tails qu’elle interprète habituellement dans les jeux vidéo, Frantz Confiac est la voix française d’Idris Elba et endosse donc le rôle de Knuckles tandis que pour ce troisième opus, la voix française de Keanu Reeves, Jean-Pierre Michaël, est également de la partie pour donner vie à Shadow. Les grands noms s’enchaînent avec la présence d’Emmanuel Curtil pour la voix de Jim Carrey en tant qu’Eggman, pas de star talent en vue… Sauf pour le grand héros.
Malik Bentala reprend du service dans le rôle du hérisson après avoir été raccroché au premier long-métrage en 2020. Mais lorsque les comédiens qui lui donnent la réplique sont des vétérans qui redoublent d’efforts, autant dire que la performance de l’humoriste fait d’autant plus tache. Le contraste vocal entre le protagoniste et le reste des personnages est extrêmement frustrant et à même le chic de gâcher l’ambiance de certaines scènes. Pour lancer les punchline de Sonic, Malik Bentala est plutôt bon, mais il va falloir prendre des cours de théâtre dramatique… Paramount France se retrouve coincé avec un star talent lassé d’être embarqué dans une franchise cinématographique alors que tout le monde imaginait l’échec du premier film.
Outre ce problème propre à la version française, Sonic 3 le film souffre également de quelques soucis d’écriture. Les acteurs humains (à l’exception de Jim Carrey) sont devenus quasiment inutiles, réduits à l’état de prétexte comique, ce qui a également pour conséquence de réduire l’impact émotionnel de certaines scènes. Cela permet néanmoins aux mascottes du jeu vidéo de prendre les devants et de briller à leur juste valeur. L’essentiel du scénario est porté par l’histoire de Shadow et de Maria, qui est très bien exploitée malgré quelques différences avec le jeu Shadow the Hedgehog. Toutefois, la structure du long-métrage reste malheureusement inégale. L’aventure répond aux codes classiques des blockbusters et n’invente donc rien, mais parvient tout de même à rester divertissante sans tomber dans l’ennui. La faute majeure du film réside plutôt dans sa conclusion, qui se déroule si rapidement que l’on en vient à se demander s’il s’agit bien de la fin. Sonic est connu pour sa vitesse mais il y a des limites. Heureusement, Sonic 3 propose deux scènes post-générique qui apportent un peu plus de contexte et ne manqueront pas de ravir les fans. Rendez-vous dans les cinéma français le 25 décembre prochain pour vous faire votre propre avis sur cette adaptation.
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