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Critique Skeleton Crew : enfin une bonne raison de se réjouir chez Star Wars ?

Après The Acolyte, Star Wars revient à une période plus familière avec des héros qui le sont beaucoup moins. Entre nostalgie et renouveau, la série trouve-t-elle sa voie ?

Les séries Star Wars, c’est loin d’être terminé sur Disney+. Depuis le lancement de la plateforme en 2019, Lucasfilm multiplie les projets évoluant dans la galaxie très très lointaine pour combler le vide laissé par sa saga dans les salles obscures. The Mandalorian a ouvert le bal des productions télévisées consacrées à la sempiternelle lutte du bien contre le mal, la création de Dave Filoni et Jon Favreau a fait de nombreux adeptes.

Si cette démonstration de force aurait pu signer le début d’une nouvelle ère faste pour la licence qui peinait à se renouveler au cinéma, force est de constater que tous les essais du genre n’ont pas été couronnés de succès. Du Livre de Boba Fett à Obi-Wan Kenobi en passant par The Acolyte, les spectateurs de la première heure ne s’y retrouvent plus. L’imaginaire de George Lucas semble avoir perdu de sa superbe, son exploitation à outrance a découragé même les plus fervents admirateurs. Avec Skeleton Crew, Lucasfilm veut revenir à une formule moins alambiquée, remettre l’artisanat au cœur de la démarche et l’aventure pour moteur. Il y a tout de même un twist.

Jude Law Skeleton Crew
© Disney+

Afin de se démarquer du tout venant, la création de Jon Watt et Christopher Ford adopte le point de vue d’enfants pour dépeindre des recoins encore inexplorés de l’univers. Les Goonies à la sauce Star Wars, peu de temps avant les fêtes de fin d’année, il va sans dire que l’idée a piqué notre curiosité. Entre hommage aux films Amblin des années 80 et réinvention de la licence Star Wars, Skeleton Crew est-elle aussi perdue que les héros qu’elle met en scène ? Nous avons vu les trois premiers épisodes.

Quatre pré-adolescents font une étrange découverte sur leur planète natale. Ils sont embarqués bien malgré eux dans un voyage aux confins de la galaxie, sans la moindre idée du chemin qui pourrait les ramener chez eux. Lorsque leur route croise celle d’un vagabond, ils y voient une opportunité de retrouver les leurs. Mais ce bon samaritain n’est peut-être pas ce qu’il prétend être…

“It’s a booby trap”?

Dès les premiers instants, Skeleton Crew frappe par le ludisme de sa démarche. C’est sur une planète tout à fait inédite, aux côtés de protagonistes qui le sont tout autant, que se lance la série. L’influence des productions Amblin des années 80 est évidente, on retrouve toutes les mécaniques des classiques du cinéma d’aventure pour enfants. Les personnages qui constituent le noyau dur de cette fine équipe pourraient sans peine être empruntés au film de Richard Donner. Un gamin avide d’aventure, une jeune fille à l’esprit rebelle, un petit génie de la tech et un héros un peu gauche, les parallèles avec Mickey, Andy et même Data sont évidents. Tous les ingrédients d’un bon divertissement sont là, reste maintenant à les utiliser à bon escient.

Après tout, Stranger Things avait déjà réemployé la recette, il n’y aucune raison que la mayonnaise ne prenne pas de nouveau. Heureusement, Skeleton Crew sait tirer parti des forces de son format pour poser les bases d’une quête captivante dans un univers fourmillant de belles idées. De la présence d’un robot acariâtre, mais attendrissant, à l’arrivée d’un énigmatique hors-la-loi, la dernière née du catalogue Disney+ profite d’une narration stupéfiante de simplicité.

Skeleton Crew Amblin
© Disney+

Tandis que bien des séries Star Wars étaient entravées par la richesse de la mythologie et les plans de Lucasfilm concernant l’ère d’après L’Ascension de Skywalker, la série de Jon Watts et Christopher Ford profite d’une liberté de mouvement qui lui permet de nous surprendre à plus d’un titre. Sans en dire trop, la série avance avec la sincérité de ses auteurs et producteurs comme moteur. Ils avaient déjà prouvé avec Homecoming, qu’immortaliser de jeunes personnages n’est pas à prendre à la légère.

Les deux hommes retrouvent le même entrain que pour les aventures du jeune Peter Parker, entre amourettes adolescentes, quête de sens et aventure. Bien malgré nous, on se prend au jeu d’une série plus modeste que ces prédécesseures, mais aussi bien plus réussie à des biens des niveaux. Star Wars : Skeleton Crew se prend au sérieux, rend hommage aux genres qu’elle cite et repose sur une nostalgie évidente, mais savante. Trois épisodes ne suffisent pas à dire si le voyage est une réussite de bout en bout, mais il est vrai que cette chasse au trésor commence sur de solides bases. On apprécie particulièrement le temps laissé à la présentation de tous ces nouveaux héros, à la manière dont il s’inscrive dans leur quotidien avant que l’élément déclencheur ne sème le trouble. Rien de bien neuf sous le soleil, mais après tout, ce n’est sans doute pas ce que l’on attend d’une telle proposition.

Pas faite de bric et de broc

Depuis plusieurs mois, les créateurs disent à qui veut bien l’entendre que Skeleton Crew est un retour aux sources pour la saga Star Wars. Outre la nostalgie qui imprègne le récit, les deux créateurs ont mobilisé des techniques qui étaient déjà à l’épicentre des premiers films. The Mandalorian a fait éclore une nouvelle technologie qui n’a pas tardé à envahir Hollywood, et s’imposer comme une norme pour l’industrie. Skeleton Crew ne se repose ainsi pas entièrement sur The Volume pour faire éclore ses décors.

Les énormes écrans LED qui font office de toile de fond et peuvent être modulés au fil des scènes sont mobilisés avec parcimonie, Skeleton Crew varie les plaisirs en utilisant le matte painting et la stop-motion pour accompagner les étapes du voyage de ces héros. Si l’usage de la dernière innovation de Industrial Light Magic a sublimé certaines propositions cinématographiques, de The Batman à The Mandalorian, d’autres se sont lamentablement vautrés dans un déluge de décors sans âme, sans relief et enfermant leurs héros tandis qu’ils auraient profité de plus d’espace pour évoluer. Il suffit de citer le ratage évident d’Ant-Man et la Guêpe Quantumania, pour se convaincre que l’innovation peut largement décevoir.

Jon Watts, créateur de Skeleton Crew s’est vanté d’avoir fait appel à la légende Phil Tippett pour offrir aux spectateurs une esthétique proche de celle d’Un Nouvel Espoir et ses suites, et force est de constater que cet accent mis sur l’artisanat offre un atout charme à la production Star Wars. De l’adorable Neel, aux allures de Babar des temps modernes, à un pirate à tête de loups, Skeleton Crew ne se refuse rien. La nouvelle née de la galaxie Star Wars mise des artifices régressifs, sublimés par les effets numériques. Lorsqu’une chouette féline apparaît pour guider ces marginaux vers leur prochain arrêt, on se dit que le jeu pourrait bien en valoir la chandelle.

Mais est-ce que c’est vraiment Star Wars ?

Skeleton Crew évolue loin des intrigues des Jedi et des Sith, à mille lieues de la famille Skywalker ou de Palpatine. Au sein d’une licence qui a tendance à remâcher ces enjeux et thématiques, cette approche apparaît plutôt salvatrice. En encapsulant ne serait-ce qu’un peu de l’essence des films Amblin des années 80, sans atteindre la même maîtrise (E.T restant la légende dans le domaine), Skeleton Crew trouve une forme de lumière dans une galaxie qui semblait vouée à l’obscurité. Reste qu’à bien y regarder, Skeleton Crew aurait tout aussi bien pu n’être qu’un récit mêlant piraterie et science-fiction sans aucune mention de l’imaginaire de George Lucas.

Ce qui séduit sans doute le plus dans cette amorce d’une aventure que l’on espère à la hauteur de ses promesses, c’est la manière dont le récit s’écarte des impératifs Star Wars sur le petit écran, tout en retrouvant l’essence même des premiers films. Si le contexte est bien différent, la production paraît enfin embrasser son ludisme autant que l’apparente simplicité des schémas narratifs de ses aînées. Il ne s’agit pas d’approfondir le parcours d’un héros comme Le Livre de Boba Fett. Il n’est pas non plus question de combler un vide entre deux opus, comme pouvaient le faire Obi-Wan : Kenobi ou Ahsoka, l’heure est simplement à la découverte d’une galaxie riche, fourmillante et plurielle. Skeleton Crew repose sur une impression de fraîcheur, une absence de solennité bienvenue autant que le talent de sa distribution pour nous captiver.

On s’amuse… et c’est assez rare pour être souligné. Reste que les récentes incursions de Star Wars sur Disney+ nous ont appris une chose, aussi spectaculaire que soit l’envol, les séries ont parfois du mal à réussir leur atterrissage. La chasse au trésor de l’équipage au squelette ne devra pas se muer en énième production passerelle… sinon on ne répond plus de rien.

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Notre avis

Dans la forme comme dans le fond, Skeleton Crew est pour l’instant une belle réussite. La nouvelle série Star Wars embrasse son approche régressive, ménage ses effets et parvient sans peine à nous embarquer à ses côtés dans une partie encore inexplorée de la galaxie très très lointaine, oui oui c’est possible.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 8 / 10

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