La jeune génération ne le connaît peut-être pas, mais fut un temps où le nom de John Woo faisait frétiller n’importe quel amateur de cinéma d’action et de colombes volant au ralenti. Dans les années 80, c’était une figure majeure du cinéma hongkongais, réalisateur de films cultes comme The Killer, Hard-Boiled ou encore Une balle dans la tête. L’homme s’est naturellement exporté aux États-Unis où son aura a connu plus de bas que de haut malgré des œuvres comme Mission : Impossible 2, Chasse à l’homme (meilleure iconisation de Jean-Claude Van Damme), Broken Arrow et Volte / Face.
Son retour sur ses terres lui ont permis de signer à nouveaux quelques métrages majeurs à l’image de son dyptique Les 3 Royaumes, mais rien n’a faire, son style s’émousse et son dernier bébé, Manhunt, sort en 2017 sans fanfare. Le voir à nouveau à la tête d’une production américaine pour Prime Vidéo attise donc notre curiosité autant que notre crainte d’assister une nouvelle fois à la chute d’un grand.
Le synopsis de Silent Night est extrêmement simple. Alors que la guerre des gangs fait rage dans les rues de la ville, Brian (Joel Kinnaman) profite de Noël avec sa femme et son jeune fils. Mais un échange de coups de feu entre deux bandes rivales tourne au drame et le garçon prend une balle perdue. Blessé à la gorge, Brian ne peut même plus exprimer sa douleur. Il va alors commencer à préparer sa vendetta afin de retrouver l’assassin de son fils à Noël prochain.
Un scénario sous silence
Vous l’aurez compris, la particularité de Silent Night n’est pas à rechercher sous la plume du scénariste Robert Archer Lynn, mais dans son concept : un film de vengeance entièrement muet. Sur le papier, l’idée est plaisante. Dans les faits, si Joel Kinnaman livre une prestation solide pour exprimer beaucoup sans ouvrir la bouche, le reste du film va s’épuiser à trouver tous les subterfuges pour maintenir ce silence au-delà de son personnage principal, utilisant seulement la radio de la police quand il ne peut plus faire autrement.
Un délire jusqu’au-boutiste qui va insister sur le rôle du metteur en scène dont la caméra doit parvenir à raconter ce que les comédiens ne disent pas. Sur cet exercice, John Woo s’en sort sans trop de mal, notamment lorsqu’il doit raconter une séparation, un interrogatoire ou une entraide en territoire ennemi. Le mutisme a alors un sens au niveau de la dramaturgie ou de l’action. Et puis il y a tous les autres moments. Ces moments où le scénario a besoin d’exprimer quelque chose que la caméra ne peut fournir. Ces moments beaucoup trop nombreux où une femme accessoire (pauvre Catalina Sandino Moreno) va échanger des SMS avec son mari dépressif au cas où on n’aurait pas compris les difficultés du couple à communiquer. Ces moments où ce n’est plus le script qui dirige le silence, mais l’inverse.
Certes, l’histoire ne prétend évidemment pas nous balancer autre chose que son film de vengeance à concept, sauf que ce n’est pas une raison pour traiter avec un tel mépris son sujet, notamment lorsqu’il s’agit d’y inclure des figures obligées dans le cinéma de John Woo (Kid Cudi en flic), balancées ici avec la seule volonté de camoufler le vide environnant.
Silent Night a la subtilité de l’oncle trop alcoolisé au repas de famille, néanmoins, il aura la bonne idée d’attendre ses cinq dernières minutes avant de nous balancer la tête la première dans une marmite de pathos dans une mise en scène ridicule digne d’un mauvais téléfilm de Noël.
Sois beau et tais-toi ?
Vous nous direz, jouer au roi du silence, c’est amusant, mais est-ce que le petit papa baston a rempli sa hotte ? Après tout, si on est devant Silent Night plutôt que devant un énième visionnage de Maman, j’ai raté l’avion, c’est bien parce qu’au fond de nous, on sait que le rouge du manteau du Père Noël sert à camoufler les taches de sang non ?
Sur le coup, le film commence sur les chapeaux de roues avec une séquence introductive menée à cent à l’heure qui laisse présager une action nerveuse de la part d’un homme qui sait y faire. Que nenni mon ami ! Une minute de plaisir pour que les soixante suivantes se consacrent à la dépression puis à la préparation de notre père de famille en passant par toutes les séquences classiques du genre. Le fameux « montage training » à la Rocky, sans la musique motivante qui va avec et en trois fois plus long.
Et lorsque l’on commence gentiment à piquer du nez, à vingt minutes de sa fin, le film s’emballe enfin et commence à cracher ses tripes. L’action est bien emballée par un John Woo appliqué, mais peu impliqué puisque même si elle est lisible et qu’elle suit les nouveaux codes du genre – dont le désormais inévitable plan-séquence -, on ne retrouve aucune folie du réalisateur, aucune particularité, aucune âme. Certes, on a vingt minutes enjaillantes, sauf qu’elles n’ont finalement rien de mémorables lorsqu’on les remet en perspective avec n’importe quelle production du même calibre.
C’est là où le bât blesse davantage. Parce que Silent Night n’est pas déplaisant grâce à un concept accrocheur la moitié du temps et une scène d’action bien menée. Néanmoins, il n’a strictement rien qui permet de le détacher du lot, comme si on avait encore besoin d’une énième production générique qui n’exploite même pas sa position de film de Noël. On l’a vu et aussitôt oublié.
Un drame en un acte lorsqu’on se rappelle qui est derrière la caméra. Le bonhomme n’impose jamais son style au sein d’un projet qui semble avoir été vite tourné, vite expedié, comme s’il s’agissait surtout d’un film de commande pour payer le loyer. Aucune énergie, aucune nouveauté, aucune idée de génie ou d’un plan mémorable au sein d’un métrage à la colorimétrie terne, à un numérique déjà daté et aux personnages secondaires écrits comme des meubles IKEA. Tout y est artificiel. John Who ?
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A l’inverse de la critique, j’ai apprécié le film sans m’ennuyer, sauf les 20 minutes de la fin.
La préparation en silence de la vengeance, l’entraînement du héros, ses premières actions, le tout porté par Joël Kinnaman (que j’ai trouvé encore une fois excellent) m’ont plu. Les 20 dernières minutes, entre le héros et le policier qui quittent leur abris pendant que la méchante tire, ne profitent pas du changement de chargeur pour la viser, les méchants qui font “je vais te tuer” au lieu de tirer, celui qui vient mettre des coups de poings au lieu de tirer… Du mauvais John Woo, ou alors son style a mal vieilli pour moi, je ne saurai le dire.
John Woo a effectivement vieilli dans l’action.
Suffit de voir son Man Hunt, déjà moins enthousiasmant à ce niveau. Il était beaucoup plus intéressé par un discours méta.
Sur Silent Night, il s’intéresse beaucoup plus à la propagation du mal.
Mais qu’est-ce qu’il ferait de plus qu’il n’a déjà fait dans l’action ? Blinder de CGI ?
À HK, il avait tout fait niveau action.
Avec Hard Target, il a cherché à parler de la société US.
Face/Off, de la lutte du bien contre le mal.
Mais niveau action, ces deux films n’ont pas d’ambition comparé à HK.
MI2 était l’occasion de mettre son action en ultra-brite. C’est quasi parfait techniquement.
Puis il a cherché à mettre son action au service de la fresque.
Windtalkers a une vraie proposition d’action malheureusement dans un film plutôt raté à côté (scénario et acteurs).
Il y arrivera beaucoup mieux avec les 3 Royaumes.
Vraiment, je pense que Woo ne s’intéresse plus vraiment à l’action.
Là, il s’est fait débaucher par un producteur et il y a vu le moyen de parler de la décadence US.
Ne pas oublier que Woo est un fervent chrétien qui vient des bas-fonds de HK.
Voir la réalité US (pays fondés par des fervents chrétiens qui laisse proliférer la misère) donne à voir Silent Night (le père arrache d’ailleurs sa croix à un moment).
Pas un chef d’oeuvre mais un très bon film.
Son meilleur US avec Face/Off.
Alors oui, nous som loin du John Woo de la grande époque 80-90 HK ou 90 US. Ni celui des 3 Royaumes.
Mais vu ce qu’il y a sur le marché en ce moment, Silent Night est un excellent film d’action, bourré de détails (et de symboles) lui permettant de dépasser le gimmick. C’est beaucoup moins con que les John Wick par exemple. Ne parlons pas des Fast & Furious, DC, Marvel etc.
Même s’il y a effectivement un problème de rythme interne au film.
Bref, le film se fait dézinguer parce qu’il est signé Woo.
N’importe quel autre faiseur à la réa et Silent Night aurait un excellent buzz et minimum 3 étoiles.
Difficile de dire ce que la jeune génération en tirera. Sa (relative) lenteur et (relatif) silence pourra le faire remarquer d’une niche qui pourrait le rendre culte.
Suffit de voir aujourd’hui combien coûte un DVD édition esc-VHS d’Hard Target en comparaison des autres Van Damme (et autres actionners). Dans les 300 balles. Et on parle d’un Van Damme. Certes peut-être bien le meilleur mais loin du meilleur John Woo et passé quasi inaperçu à l’époque (en dehors de l’attente du 1er Woo US).
Non, vraiment, Silent Night vit bien dans la tête du spectateur, il pourrait vivre dans le temps.
Bien d’accord avec la lecture de AN (commentaire précédent)
Le critique français n’a d’égal que son ego et basher Woo gratos semble être une aubaine.
Mettre 2* à ce très bon film mais 4 voir 5 à tellement de daubes fini de nous rappeler que les critiques ne sont que de courtes masturbations intellectuelles complètement subjectives.
La mise en scène, le rythme changeant, les symboles et la qualité de la photos sont là.
Autre détail passé sous silence : la maitrise de la bande son ! Pas d’artifices sonores pour meubler. Ce n’est pas à la porté de tout le monde !
C’est un bon Woo… et si vous n’aimez pas, tan-pis pour vous. Mais vous êtes critique, pas juge.