Avec 638 millions de dollars de recettes au box-office mondial en seulement deux films, il semblait évident que Sans un bruit avait le potentiel économique pour se transformer en franchise. Mais pas question de se concentrer une troisième fois sur la famille Abbott dont l’histoire semblait avoir fait le tour. Comme American Nightmare, autre saga semi-horrifique avant elle, le plus simple était encore de revenir là où tout a commencé. On allume le moteur de la DeLorean et on part pour Sans un bruit : jour 1.
On évitera de vous révéler les clés du scénario pour nous contenter de dire que ce préquel suit principalement deux personnages se retrouvant piéger en ville alors que nos amis extra-terrestres viennent de débarquer et font un massacre parmi la population trop bruyante.
John Krasinski délaisse la caméra et le stylo pour confier la mise en scène et le scénario à Michael Sarnoski, réalisateur de l’étonnant Pig avec Nicolas Cage, qui s’empare de la licence avec l’assentiment de Krasinski. Lui, conserve la casquette de producteur afin de s’assurer que son bébé reste entre de bonnes mains. Face caméra, la saga qui a vu passer Emily Blunt et Cillian Murphy embauche Lupita Nyong’o et Joseph Quinn. Avec celle qui a notamment brillé dans Us et celui dont l’apparition dans Stranger Things reste un des événements majeurs de la série, autant dire que ce premier jour part sur des bases plutôt solides.
Le bruit des gros sous ?
Pourtant, on ne pouvait s’empêcher de craindre ce troisième opus qui signait l’entrée officielle de Sans un bruit dans la dimension purement économique de l’industrie. S’il fallait être naïf pour croire que le deuxième volet n’avait pas d’objectif financier, il demeurait un intérêt scénaristique autour d’une conclusion pour la famille Abbott (d’où l’usage de « Partie 2 » en version originale). Avec Sans un bruit : jour 1, la saga entame sa mue et les futurs bénéfices décideront assurément des prochains « Jours ». On n’a jamais vu Hollywood renoncer à une poule aux œufs d’or après tout. La question principale était alors de savoir, si derrière le besoin de gonfler les caisses, ce nouveau long-métrage allait pouvoir justifier de son existence à l’écran.
Afin de ne pas tourner trop longtemps autour du pot-au-feu, notre réponse va être de nature double. Est-ce que Sans un bruit : jour 1 apporte une vraie valeur ajoutée à la saga ? Non. Le visionnage ne changera aucunement votre appréciation de la mythologie générale et on n’apprendra rien de plus sur les monstres venus du ciel – même si le film essaie et on y reviendra. Nonobstant, qui dit film inutile ne dit pas forcément film raté et on apprécie suffisamment le périple de nos deux héros pour nous prendre au jeu. Là aussi, on y reviendra. Pour le dire simplement, la réussite de Sans un bruit : jour 1 vient d’ouvrir une boîte de Pandore où les déclinaisons peuvent s’étendre sur des années. Après le Conjuring universe, verra-t-on bientôt le Sans un bruit universe ? Le métrage est peut-être la première goutte dans un vase qui ne tarderait pas à déborder.
Le premier jour du reste de leur vie
Ne sombrons pas dans le pessimisme avant l’heure. Sans un bruit : jour 1 est, pour le moment, à prendre pour ce qu’il est, c’est-à-dire un préquel réussi et fidèle à l’esprit de la franchise. Désolé pour les fans de grosse frousse, sous la houlette de Krasinski, la franchise n’a peut-être jamais lésiné sur quelques effets gore et une tension propre au cinéma d’horreur, elle reste portée par son versant émotionnel avec un accent mis sur la cellule familiale, que ce soit les Abbott ou de ceux qu’ils rencontrent. L’humain a toujours été au centre du scénario, les aliens servant surtout d’outils narratifs pour amener les gens à se parler sans se dire un mot. Le premier film se consacrait à la reconstruction d’une famille déchirée et le second à notre capacité à nous pardonner et à aller de l’avant.
Il ne fallait donc pas compter sur ce troisième volet pour abandonner cette dimension cathartique. Sans un bruit : jour 1 va plus loin que ses prédécesseurs et met l’emphase quasiment uniquement autour de ce duo, la caméra ne lâchant jamais Lupita Nyong’o ou Joseph Quinn, partageant ainsi leurs peurs presque en temps réel. Moins un film d’horreur qu’un véritable drame, Sans un bruit : jour 1 va s’arrêter sur chaque regard rencontré, affronter le deuil, crier sa rage, opposer la peur de vivre avec la crainte de la mort autour d’un tandem mal assorti. Une puissance émotionnelle que la saga avait peut-être un peu plus perdu (et encore que) dans son deuxième chapitre, qui n’a pas peur de l’emphase ici.
Une note d’intention qui avait donc besoin de deux talents devant la caméra capables de transmettre beaucoup avec peu de matière orale. Joseph Quinn maîtrise son sujet et trouve rapidement son tempo, vibrant en rythme avec sa camarade, créant ainsi une rapide alchimie. Mais s’il n’y avait qu’une couronne à donner, la reine serait évidemment Lupita Nyong’o. L’actrice parvient à alterner force et fébrilité d’un regard. Et lorsque le sourire se joint à la fête, c’est tout un cœur qui fond. Après, si vous voulez notre opinion purement subjective, le chat est la vraie star du film.
Quand ils arrivent en ville, les gens mangent le trottoir
Évidemment, on n’est pas venu ici pour beurrer les sandwichs et Michael Sarnoski non plus. L’intérêt de ce Jour 1 et de dérouler son action en ville réside aussi dans la possibilité de lâcher la foule de monstres sur ses habitants sans faire dans la dentelle. Le réalisateur se fait plaisir en accentuant la menace par le nombre et la dimension aérienne avec des monstres pouvant aussi débarquer par le haut des buildings. Métro, théâtres, grandes avenues… si le potentiel du décor n’est pas entièrement exploité à notre grand dam, le metteur en scène s’amuse suffisamment avec l’envergure citadine pour transposer l’horreur à une plus grande échelle.
Toutefois, le diable se cache dans les détails et malgré des séquences impressionnantes, on a plusieurs revers de la médaille. Le film parvient à maintenir sa dimension intimiste, mais en orchestrant un carnage plus impressionnant, le monstre perd de son aura puisqu’il n’y a plus besoin de se demander où il se cache. Une baisse de tension obligée, d’autant que la concentration du scénario autour de notre duo nous empêche réellement de nous inquiéter pour eux les trois quarts du film, protégés par leur statut de personnages principaux. Dès lors, on a un petit sentiment d’esbroufe où on va surtout voir du figurant se faire becter uniquement pour apporter du rythme.
Et puis il y a toutes ces petites facilités narratives ou mal exploitées qui viennent parasiter l’ensemble. Le script tente d’apporter sa pierre à l’édifice à la caractérisation de l’alien, sans vraiment s’y arrêter, ne justifiant ainsi pas l’intérêt de plusieurs scènes si ce n’est pour apporter une tension artificielle. De même, l’usage dominant de la musique (là où le premier film se jouait quasiment entièrement dans le silence) afin d’accentuer l’emphase avec des gros sabots ou de camoufler le bruit ambiant. Car oui, qui dit ville et foule, dit logiquement davantage de bruit. Un bruit parfois camouflé très intelligemment, notamment par la météo, mais trop souvent permissif lorsque l’on se souvient de l’effort des Abbott pour cacher un simple pas. Le monstre survient alors non pas quand on ne s’y attend pas, mais plutôt quand ça arrange le scénario.
Sans un bruit : jour 1 n’est pas exempt de lacunes, mais ses prédécesseurs non plus. Il a pour lui la force de ses interprètes, de belles idées de mise en scène et une envie de dépasser un cadre qu’on aurait cru, à tort, plus restreint. Il est beaucoup plus facile d’être le volet le moins réussi d’une saga lorsque celle-ci ne comporte aucun réel raté.
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