Critique Rick et Morty, l’Anime : Rick est mort titre

Si vous trouvez que le titre de cet article n’a aucun sens, dites-vous que c’est à l’image des deux premiers épisodes qui nous ont été donnés de voir sur les dix que composeront cette (première ?) saison de Rick et Morty : l’Anime. Si vous n’avez pas entièrement suivi l’actualité autour des personnages créés par Justin Roiland et Dan Harmon, vous vous demandez sûrement pourquoi on parle de “L’Anime” alors qu’on aurait pu titrer “Saison 8” et qu’au bout d’un moment ça suffit de vouloir faire son intéressant et que flûte à la fin.

Sauf que la saison 8 n’arrivera pas avant l’année prochaine et que pour patienter, Adult Swim a décidé de lancer la production d’une série parallèle en animation japonaise. Cette dernière a été confiée à Takashi Sano, réalisateur qui n’est pas à son premier rodéo dans l’univers déjanté de la famille Sanchez / Smith puisqu’il avait signé cinq courts-métrages dérivés de la licence il y a quelques années, déjà sous inspiration nippone.

Dans cette version alternative, Rick se repose sur une planète se situant entre les univers, gérant à distance un jeu VR dans lequel Morty est confronté au multivers. Un espace dans lequel il fait la rencontre d’une fille atemporelle. De son côté, Summer aide Beth de l’espace à affronter la Fédération Galactique. Évidemment, rien ne va se passer comme prévu.

Risque et Morty

On ne va pas se voiler la face, il est délicat pour nous d’émettre un avis définitif sur Rick et Morty : l’Anime tant les deux épisodes proposés ne font qu’esquisser la suite de l’histoire sans nous donner une direction claire quant aux chemins qu’elle va emprunter. Le show fait preuve d’une certaine brutalité dans sa manière de nous planter le décor tant il fait fi de son introduction et se montre avare en explications. À la manière de David Lynch, Sano semble avoir son plan en tête et se sert de la permissivité amenée par la série principale pour nous plonger la tête la première dans un délire multiversel halluciné dont on essaie de deviner les contours sans avoir aucune certitude.

Ces deux premiers épisodes font l’effet d’une lessiveuse qui ne prémâche rien et offre à chaque personnage son intrigue, qui se recoupe ou non avec celles des autres par moments, dans le même laps de temps. Il se passe mille choses à la minute et la durée de l’épisode passe à une vitesse folle, de sorte qu’on arrive au générique de fin en tentant encore de comprendre les événements du début. D’une certaine manière, Rick et Morty : l’Anime a cette même folie créatrice que l’on pouvait retrouver sur un film comme Everything Everywhere All at Once, la mise en contexte en moins.

Comment cette série parvient-elle si facilement à nous perdre ? Parce que, contrairement à son modèle, l’intrigue n’arrive pas à son terme à la fin de l’épisode. Là où Rick et Morty condensait sa folie sur une vingtaine de minutes, obligeant la narration à trouver une conclusion — hormis un fil rouge plus tendu, qui courrait sur l’ensemble de la saison — L’Anime s’affranchit de ces codes et chaque épisode ne fait que rajouter une couche de complexité à l’histoire de base. Histoire qu’on aurait bien du mal à vous décrire.

Cet aspect feuilletonnant permet à cette production de se démarquer en proposant quelque chose d’inédit qui colle, finalement, assez bien au monde de Rick et Morty, autant qu’au multivers qu’il entend dépeindre. C’est un espace de liberté plus grand. Toutefois, il provoque également un effet néfaste. Là où la série originale possède des épisodes de qualité fluctuante, avec des passages qui ont marqué les fans et d’autres franchement oubliables, ici, on a bien du mal à identifier la temporalité des événements. Quel passage correspond à quel épisode ? Tout va vite, trop vite. On se perd nous-mêmes dans nos propres souvenirs. Vous aurez vite saisi le cœur du problème. Si Rick et Morty pouvait parfois proposer un épisode faible, se rattrapant par la suite, Rick et Morty : l’Anime n’a pas cet avantage et c’est sur l’ensemble que la série va convaincre ou décevoir. Le challenge est grand.

Le risque est d’autant plus important que même les fans purs et durs de la série originale vont forcément être divisés sur le résultat. La proposition narrative est suffisamment extrême à elle seule, mais si on rajoute à cela un design forcément très différent de ce que l’on connaît, il y a dans cet Anime un renouvellement important qui promet d’en décontenancer plus d’un. Après sept saisons de Rick et Morty, il y a des habitudes, des attentes, des perceptions qu’il est difficile de mettre de côté. Et puisque la série n’a pas l’intention de nous autoriser un temps d’adaptation, la perte de repère de l’anime est très (trop ?) importante, voire, peut-être, rédhibitoire.

Cela signifie également que la série n’est pas à mettre devant tous les regards, surtout ceux qui ne seraient pas un minimum habitués à Rick et Morty. Cette version est radicale dans tout ce qu’elle montre ou raconte et n’offre aucune ancre au novice à laquelle s’accrocher.

Rick et Morty, saison 7.5

Cependant, il ne faudrait pas croire que la démesure de ce Rick et Morty : l’Anime manque de charme. Tout d’abord, on ne peut nier que l’ajout du style japonais à l’animation originale offre un cachet certain. Les couleurs sont plus vives, les mouvements plus fluides et les accents métaphysiques de l’histoire – qui transpirent dans le générique – donnent à l’ensemble un aspect Evangelion qui ne déplaît pas. Le cynisme brut de la série originale laisse place à une certaine forme de poésie, comme si tout ceci n’était qu’un rêve. On ne sait pas encore où le scénario nous mène, mais on est persuadé qu’il va nous tirer des larmes.

Car à l’image de la saison 7 de Rick et Morty, cet anime entend bousculer nos personnages préférés en comblant parfois les manques du show principal. Loin de nous l’idée de vous enlever les surprises, mais on peut dire que Rick va devoir à nouveau se confronter à son passé. D’une certaine manière, cette nouvelle salve d’épisodes n’est pas tant un univers parallèle qu’une saison 7.5.

On pourrait reprocher à ces débuts que la marque Rick et Morty s’oublie parfois au sein de toute cette folie, mais ce sont bien nos personnages, avec leurs bagages émotionnels, qu’elle met en scène, et pas des variants. Elle dispose donc d’un arsenal d’armes narratives assez important et cela se ressent par sa manière d’utiliser des caractères parfois plus secondaires. La série a de l’ambition et s’il fallait une raison de se jeter dessus, au-delà de son originalité certaine, c’est parce qu’il n’est pas à exclure que les événements aient une incidence sur la future saison 8. Du moins, on ne voit pas comment il pourrait en être autrement.

Rendez-vous le 15 août 2024 sur Adult Swim, puis le 16 août 2024 sur Max, la plateforme d’HBO pour découvrir la série Rick et Morty : l’Anime.

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