Le film de genre semble trouver un point d’ancrage de plus en plus intéressant dans l’hexagone, où il offre au grand public une alternative à la morne routine des comédies sociales. Des films comme Elle (2015) ou Grave (2016) dressent le portrait d’un autre cinéma français, qui explore la féminité de façon plus sombre, et où la mise en scène sert intégralement l’actrice principale. Si l’idée de comparer le premier film de Julia Ducournau à celui de Coralie Fargeat est tentante, elle s’avère tout à fait vaine. Et dessers même la mise en avant des jeunes réalisatrices dans le paysage cinématographique français.
Alors que la polémique concernant la violence faite aux femmes ne cesse d’enfler, Revenge semble tomber à point. Presque trop. Héritier d’un sous-genre plutôt controversé (le Rape and Revenge), le premier film de Coralie Fargeat ne sort pas des sentiers scénaristiques balisés propres à ce dernier.
Alors que trois compères profitent d’un week-end de chasse entre hommes au milieu du désert, une jeune femme rejoint l’un d’eux. Cible de toutes les convoitises, elle est violée puis laissée pour morte par le groupe. À son réveil, elle décide de se venger de la plus violente des manières.
Exercice de style
Si le synopsis ne réinvente pas le genre, la réalisatrice s’efforce de lui donner un nouveau visage. La première demi-heure nous laisse entrevoir une mise en scène assez enlevée, qui joue volontairement sur l’aspect caricatural de ses personnages. La lumière est chaude, ocre, les couleurs criardes.
La saturation de l’image tranche avec l’aspect sombre habituellement rencontré dans ces productions. Ce bain de sang ensoleillé, qui lorgne vers Tarantino et Miller, fait la part belle aux grands espaces. Un bon moyen de mettre en valeur la silhouette pourtant frêle de Matilda Lutz, plutôt convaincante en amazone vengeresse.
Le reste du casting dénote face à cette dernière. Grimé en vieux beau, le Belge Kevin Janssens prête à sourire, accompagné de ses deux amis bedonnants. Certaines répliques absurdes agissent ainsi comme des soupapes face à la déferlante de violence à l’écran. Comme pour désigner ces trois petits cochons, la réalisatrice insiste sur leur animalité via des très gros plans montrant leurs bouches en train de manger et de boire.
Fargeat démontre aussi sa maîtrise formelle lors d’une scène finale haletante (la meilleure), aux doux accents de western contemporain. Cette évidente recherche stylistique fait de Revenge un des films les plus visuellement aboutis du genre. Mention spéciale à la BO rythmée, mélange de synthwave et de pop plutôt bien trouvé. Mais si la forme étonne, le fond ne nous réserve pas autant de surprises.
Symbolisme forcé
Estampillé féministe par sa réalisatrice, le long-métrage se heurte hélas aux limites de son genre. Volontairement sexualisée au début du film, Matilda Lutz est censée être perçue comme un simple objet de désir. Une lolita innocente, se retournant fatalement contre des hommes coupables, qui s’apprête à faire subir la violence cathartique de tout un sexe. Une intention louable, mais dont la substantifique moelle compose l’essence même du genre en question.
Le viol représentant toujours un déni d’humanité, Revenge n’exprime pas plus que les autres longs-métrages du même type, qui n’avaient pas la prétention d’être féministes (Œil pour œil en 1978 ou son remake I Spit On Your Grave en 2010). Si l’aspect militant a tant besoin d’être souligné, c’est qu’il n’apparait donc pas si intensément à l’écran.
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