À la surprise générale, Red One vient d’arriver chez nous en catimini sur Prime Video, là où il avait été annoncé en grande pompe dans les salles américaines il y a quelques semaines. Alors que s’est-il passé entre les deux ? La réponse est simple : un budget de 300 millions de dollars pour un box-office en ayant remporté à peine la moitié. Le film est l’un des plus gros bides de l’année et l’un des plus gros bides de sa star.
Au-delà de notre curiosité masochiste nous poussant à juger sur pièces si cette comédie d’action de Noël mérite d’être dans la liste des « pas sages » du Père Noël, une autre interrogation demeure. Avec 30% d’avis positifs presse contre 90% chez les spectateurs, Red One sera-il une nouvelle preuve du divorce entre la critique et le public ? Est-ce que le capital sympathie de Dwayne Johnson est bien moins égratigné qu’on le suppose ? Est-ce que nous ne sommes que des pisse-froid incapables d’apprécier un divertissement d’action avec un ours polaire jouant mieux que The Rock ?
Parce qu’en l’état et en omettant les casseroles qu’il se traîne, le métrage a quand même de quoi faire valoir ses droits. On parle quand même d’un film où le Père Noël, nom de code « Rouge » (J.K. Simmons), est enlevé sous les yeux de Callum Drift (Dwayne Johnson), son chef de la sécurité, juste avant les fêtes. Pour sauver Noël, Drift va faire appel à Jack O’Malley (Chris Evans), le meilleur chasseur de primes du monde. Ensemble, ils vont devoir parcourir le monde pour remonter jusqu’au responsable et secourir Rouge. Rajoutez à ça un bon paquet de créatures comme des méchants bonhommes de neige et Lucy Liu, on se sentait obligés de partir à la découverte du chef-d’œuvre.
Petit papa baston
Il est facile de comprendre ce qui peut faire le charme de Red One. Sous d’autres cieux, nous aurions même trouvé le film génial. Il faut dire que le concept d’un monde où Saint Nicolas existe, tous comme de nombreuses créatures mythologiques telles Jack O’Lantern, et qu’il est escorté par des avions de chasse, est excitant à parcourir. Rien que pour son potentiel nanaresque. Un potentiel que le film n’a jamais peur d’exploiter, comme lors d’une première séquence de bourre-pif avec Dwayne Johnson s’amusant à rétrécir. C’est affreusement laid, complètement ridicule, mais une fois qu’on adhère au délire, on a déjà vu pire avec de biens plus mauvaises intentions.
Red One va provoquer chez nous un petit sentiment de tendresse et d’amusement, car peu importe ce qui arrivera dans la séquence d’après, on sait que ça sera écrit avec les pieds, joué comme des pieds, filmé comme… vous connaissez la suite, mais que c’est fait avec la franche confiance de quelqu’un qui croit en la politique du foutu pour foutu. En un mot comme en cent, oui, le long-métrage a toutes les cartes en main pour être un divertissement à la hauteur de sa bêtise, mais une bêtise sympathique.
On ajoutera que c’est dans ses échecs que Red One n’est que plus plaisant, puisqu’il épouse une catégorie chère à nos cœurs : le blockbuster bête, mais pas méchant dont on aime se moquer. Car dans un autre contexte, il serait effectivement suicidaire de signer une œuvre composée à 90% d’effets numériques, mais de n’en soigner que 10%. Il serait suicidaire de recopier si fortement le Red Notice avec Dwayne Johnson jouant l’agent d’élite et Chris Evans remplaçant Ryan Reynolds dans le rôle de l’escroc bavard et blagueur. Il serait suicidaire d’écrire des vannes comme « ça sent le sapin » ou « il faut leur arracher la carotte ». Paradoxalement, la plus grande qualité de Red One, c’est de ne pas chercher à être bien.
Petit papa concon
Néanmoins, si on peut apprécier le mauvais et saluer l’initiative d’avoir assumé un certain n’importe quoi, on aura plus de mal à accepter qu’aucune personne présente sur le tournage n’a tenté de nous convaincre du plaisir pris à la chose. Encore une fois, on ne saurait en vouloir au scénariste Chris Morgan, papa de Shazam 2 et de la majorité des Fast & Furious, d’avoir signé un récit en recopiage automatique qui reprend même l’aspect clipesque de Red Notice et la scène d’évasion d’une prison hivernale.
Par contre, il est plus facile de taper sur le réalisateur Jake Kasdan, pourtant rodé avec les différents Jumanji, qui semble abandonner la caméra dès qu’il y a du mouvement, comme s’il paniquait et ne savait plus quoi ni comment filmer. À moins que de filmer les pieds d’un acteur lorsqu’il est éjecté en arrière soit devenu la norme. Hollywood change si vite…
Il est plus facile de taper sur Dwayne Johnson, littéralement mono-expressif tout du long sauf lorsqu’il aborde un sourire aussi faux qu’un politicien. Les rumeurs de son comportement non-professionnel sur le tournage ont beau avoir été démenties, difficile de ne pas y voir une part de vrai tant le colosse ne montre aucune envie à l’écran.
Son partenaire ne fait pas mieux et galère autant à justifier sa présence que celle de son personnage arrivé à la moitié du film. Chris Evans n’y croit tellement pas qu’il échoue de nombreuses fois à se situer dans l’espace dès qu’il est confronté à un monstre numérique ou un fond vert. Pour un acteur habitué aux productions Marvel, c’est un comble. Deux exemples à ne pas suivre pour la jeune Kiernan Shipka, à qui on colle le rôle de méchante de service alors que la pauvre n’a absolument pas la carrure pour. Toutefois, cet échec général du casting à exister au-delà de leurs phrases clichées débitées laisse entendre qu’il s’agit, peut-être, davantage d’une absence de direction d’acteurs sur le plateau.
Red One passe son temps à ne faire les choses qu’à moitié malgré un matériel conséquent à disposition. De sorte qu’il n’est jamais assez généreux, jamais assez génialement débile, jamais assez incarné, jamais assez fou… Il n’est jamais assez, car il paraît constamment crier que c’est déjà trop pour une production dont aucun ne semble avoir l’envie de s’impliquer sur le projet. Sauf peut-être J.K. Simmons qui s’amuse de ce qu’il peut. Esprit de Noël oblige, on était prêts à pardonner beaucoup de choses à Red One, et même à rire du pire de bon cœur. Dommage que lui n’en ait aucun.
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